L'atelier lithographique du Petit jaunais monté à Prague

Pascale Hémery

Le petit jaunais est le nom d'un quartier de Nantes et aussi d'un atelier artistique assez particulier qui y est installé. Il est consacré à la lithographie, art de reproduire, sur papier, par l'impression, les dessins tracés avec un corps gras sur une pierre calcaire.

Mais les fondateurs du Petit jaunais, Nancy Sulmont et Jean-François Assié, ont inventé une nouvelle technique lithographique, dite la presse à poing, qui a fait, il y a une dizaine d'années, sensation parmi les plasticiens français. Cette presse, petite et mobile (elle rentre presque dans une valise) a facilité le tirage, permis aux artistes de travailler avec plus de liberté, de légèreté et de fantaisie, mais surtout en équipe. Début mai, l'atelier volant a atterri à Prague. Dans un cycle consacré à l'estampe française contemporaine, l'Institut français de Prague montre, jusqu'au 30 juin prochain, la création du Petit jaunais. L'exposition présente les travaux les plus divers d'une quarantaine d'artistes, séduits par la presse à poing, et associés au Petit jaunais. L'un d'entre eux, Michel Haas, se souvient encore des temps où il travaillait d'une manière traditionnelle, avec des presses imposantes et de grosses pierres calcaires, que l'on déplace à l'aide des machines...

"La technique était lente... On préparait une pierre, on faisait un dessin, il fallait attendre le lendemain pour que la chimie opère... En même temps, il y avait un côté sacré dans le travail artisanal. J'ai pensé que ça serait toujours comme ça. Et puis, j'ai rencontré Le petit jaunet qui a complètement bouleversé toute la technique, toute la chimie de la lithographie, en se servant de presse à poing mais surtout de marbre et non pas de pierre lithographique. Ça leur a permis de se déplacer, d'aller dans mon atelier, de voyager en toute l'Europe... C'est pour ça que l'atelier s'appelle volant. Je ne peux pas parler de la technique, parce que je l'ignore. Je sais une chose : je peux travailler sur une pierre comme si je travaillais sur une feuille de papier."

"Ce qui est bien sur la lithographie, c'est la possibilité de travailler avec les autres. C'est un moyen de rencontre, un travail esthétique et altruiste", dit Jean-François Assié, fondateur, avec Nancy Sulmont, du Petit jaunais. Mais la presse à poing n'est pas née uniquement de l'envie de ce couple artistique de partager la même passion pour la "litho" avec ses collègues... Jean-François Assié.

"C'est Nancy qui a inventé cette presse. C'était dans les années 90, lors de la Guerre du Golf, où il y avait une crise sérieuse. Elle a cherché des moyens de travailler beaucoup moins coûteux. Nous sommes deux à travailler dans l'atelier à temps complet, Nancy et moi, et les autres artistes viennent faire des résidences, parfois on vient chez eux, ou alors on se rencontre dans d'autres lieux."

Pascale Hémery est, elle aussi, membre de la grande famille du Petit jaunais...

"Ce qui m'intéresse dans la lithographie, c'est la pierre qui est un matériau très noble, et la possibilité de retranscrire mes dessins sur un autre matériau. Une fois imprimé, le dessin apparaît à l'envers, alors c'est d'autant plus impressionnant... C'est révélateur, on sait, à présent, si l'image marche ou ne marche pas. Par ailleurs, le fait que l'on puisse travailler sur de petites pierres, que la technique devienne légère... J'ai pu m'exercer à différents essais qui étaient beaucoup plus ardus sur des presses litho traditionnelles, où on est tout seul et on n'a pas forcément la maîtrise de l'ensemble. Donc là, je n'avais plus à me soucier de l'élément technique."

Auteur: Magdalena Segertová
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