L'aventure Sipral, ou comment une société tchèque remporte un contrat pour décorer le magasin Louis Vuitton sur les Champs-Elysées

Champs-Elysées

Fondée à Prague en 1992, la société Sipral s'est spécialisée dans les technologies atypiques de construction. Sipral a aujourd'hui 220 projets à son actif, mais celui qui a été le plus remarqué est sans aucun doute celui qu'elle a réalisé sur « la plus belle avenue du monde », les Champs-Elysées parisiens. Un travail impressionnant pour la décoration de la boutique de plus de 1000 m2 d'un client plus que prestigieux, le malletier français Louis Vuitton.

Champs-Elysées
Irena Fialova représente la société Sipral :

« Cela a été une réelle surprise, parce qu'en Tchéquie les Français sont connus pour être très nationalistes. Peut-être que ce n'est pas vrai, mais c'est comme cela qu'ils sont perçus. Alors pour une société tchèque, de recevoir un contrat de Louis Vuitton, c'était une vrai surprise. »

Qu'est-ce qui a fait la différence ? Le prix ?

« Je ne crois pas que cela a été seulement le prix. On nous a dit plus tard, quand on a commencé à travailler, que c'était dans notre présentation du projet, dans la solution technique et la maquette de prototype qu'on a montrée. »

L'intérieur du magasin Louis Vuitton,  photo: CTK
L'adaptation à la législation française a-t-elle été difficile ?

« Nous avons eu beaucoup de chances avec tous les gens avec qui nous avons travaillé en France, que ce soit notre client direct, la société Alpha, ou les architects et les ingénieurs. D'autre part nous avons eu un consultant français qui nous a aidés dans toutes les démarches administratives. »

Parce qu'il fallait respecter la législation locale, notamment sur la durée du travail et les 35 heures... Vous avez d'ailleurs dû demander des dérogations pour que vos employés sur place puissent travailler plus de 35 heures par semaines.

« Exactement, si vous travaillez sur un chantier en France, il faut s'adapter. Mais pour une entreprise capable de développer n'importe quoi dans un délai assez court, les procédures administratives françaises ne sont pas un problème. »

Pouvez-vous décrire le « projet Vuitton » ?

« Il s'agit d'une véritable grille formée par plus de 100 000 maillons en aluminium sur une surface de 1200 m², et qui forme en quelque sorte la seconde peau du magasin. Les pièces sont recouvertes d'or et d'argent, et décorées par endroit de pièces de porcelaine, de verre, de cuir ou de bois précieux, et sont reliées entre elles par un système de vis sophistiqué. L'un des enjeux intéressants était que les dimensions de cette grille étaient tellement grandes (plus de 9m de haut et 40 de largeur par endroit) qu'elle devait être exactement adaptée à la facade de l'immeuble. C'est la raison pour laquelle l'appel d'offres était destiné plutôt à des sociétés spécialisées dans les facades qu'à des purs décorateurs. »

Avez-vous reçu de nouvelles offres depuis que vous vous exposez sur les Champs?

« Oui, nous avons reçu quelques propositions pour participer à des appels d'offres en France, sur des grands chantiers. C'est un peu plus difficile pour nous car ces chantiers sont vraiment grands, et notre entreprise n'est pas encore aussi grande. Nous sommes en train de préparer des collaborations avec des sociétés françaises spécialisées dans les façades. C'est un bon développement pour nous car le marché français est très intéressant et on s'est très bien compris avec les Français : une mentalité très proche, la capacité de faire des choses techniquement et logistiquement, mais en plus une créativité que l'on n'a pas dans des projets avec les Anglais par exemple ou les Allemands. »

Je sais que vous étiez en Chine récemment. L'Asie va-t-elle bientôt pouvoir admirer les travaux de Sipral ?

« C'est un peu tôt pour le dire, mais un département de Sipral prépare un projet de 'façades en modules' que l'on peut installer rapidemment et transporter dans le monde entier. Donc on pourrait même travailler en Chine, mais ce n'est pas pour tout de suite. Sipral a 180 employés aujourd'hui, et nous développons un nouveau hall de production, tout près de Prague, pour faire notamment ces façades en modules. »

Que peut-on souhaiter à Sipral en ce début d'année 2006 ?

« Je crois que c'est important qu'il y ait des clients qui souhaitent une certaine qualité de travail. Je trouve que de temps en temps les clients veulent seulement ce qui est meilleur marché. Mais dans le bâtiment, on peut clairement voir quels clients veulent une qualité et quels client veulent seulement un faible prix... »