L’avertissement de 2009 adressé à l’administration Obama et signé par Václav Havel toujours d’actualité ?

Barack Obama, photo: ČTK

Les pages des journaux et des médias électroniques du pays qui sont consacrées à l’agenda international ne cessent de vouer une grande attention, à côté de l’évolution dramatique à Gaza, au conflit entre L’Ukraine et la Russie. Le rappel de la Lettre ouverte adressée en 2009 à l’administration américaine et signée par plusieurs hautes personnalités de l’Europe de l’Est, s’inscrit dans ce contexte. Tel sera aussi le principal sujet de ce relevé de la presse tchèque de cette semaine qui s’est penchée également sur la nomination de Věra Jourová au poste d’eurocommissaire tchèque.

Barack Obama,  photo: ČTK
Dans un texte publié sur le serveur ihned.cz, Alexandr Vondra, ex-ministre de la Défense, émet l’idée que la dite Lettre ouverte, adressée il y a cinq ans à l’administration Obama et signée par des personnalités de marque de l’Europe centrale et orientale, parmi lesquelles figuraient Václav Havel et Lech Walesa, n’a rien perdu de son actualité. Cette lettre l’appelait de faire pièce aux visées russes, compte tenu de la politique de la Russie sous le régime de Poutine. Vondra, qui a été l’un des coauteurs de ce texte, rappelle certaines réactions que celui-ci a provoquées :

« En 2009, les réactions de Bruxelles et de Washington à notre lettre ont été presque hystériques, certaines allant jusqu’à nous accuser de ‘russophobie’ ou d’être obsédés par la menace russe’. Bref, nos arguments ne sont pas tombés sur un terrain propice. La préférence a été donnée à la force douce... Aujourd’hui, cinq ans après, on peut constater que la ‘politique du reset’ a échoué. La Russie a annexé la Crimée, utilisant le même discours qu’elle avait utilisé auparavant pour la Géorgie et pour la défense de sa sphère d’influence en dehors de ses frontières. »

Selon Alexandr Vondra, on ne devrait pas oublier le passé, car celui-ci peut nous enseigner tant sur notre présent que sur notre avenir. Il conclut :

« Tous nos arguments et toutes les recommandation que nous avons accentués dans cette lettre sont actuelles même après cinq ans. Le temps nous a donné raison. En plus, certaines de nos prévisions négatives se sont accomplies, comme par exemple le risque de croissance du nationalisme en Europe, une tendance qui a été confirmée lors des élections européennes de cette année. Il s’avère également qu’une position proatlantique n’est pas une évidence chez la nouvelle génération d’hommes politiques dans cette partie de l’Europe qui sont enclins à la ‘realpolitique’. Tout ce qu’on peut faire c’est de lancer un avertissement à l’Occident, pour qu’il se réveille, tant qu’il ne sera pas trop tard. »

Entre l’Ukraine et la Russie

Vladimir Poutine,  photo: ČTK
« Entre l’Ukraine chaotique et la Russie de Poutine ». Tel est le titre d’un article publié dans l’édition de ce lundi du quotidien Mladá fronta Dnes, dans lequel son auteur, Luboš Palata, constate, à la lumière de l’éclatement de la coalition gouvernementale ukranienne et de la démission du premier ministre Yatseniuk, qu’il est difficile de sympathiser avec Kiev qui semble souffrir de toutes les maladies qui sont propres aux démocraties fragiles de l’Europe de l’Est. En comparant l’Ukraine et la Russie, il estime cependant :

« En dépit de tous les problèmes et de toutes les turbulences de la démocratie, on peut dire qu’au cours des vingt dernières années, la société libre en Ukraine allait en se développant. En Russie, sous l’ère de Poutine, la démocratie ne servait que de décor... Pour une grande partie des Ukrainiens, l’Europe occidentale, nous-mêmes y compris, est devenue un modèle à suivre. Le régime de Poutine prend en revanche, ne serait-ce qu’au cours de ces dernières années, de la distance avec l’Europe, en vue d’entrer en concurrence autoritaire avec l’OTAN et l’Union européenne. »

Luboš Palata estime que l’empire de Poutine peut paraître plus attrayant que l’Ukraine qui est plus chaotique, beaucoup plus pauvre et qui possède moins d’intérêt pour le business. En plus, comme il l’écrit, ce pays ne va nous offrir ni gaz ni pétrole. Le choix, pour lui, est tout de même évident. Il explique pourquoi :

« Si l’on hésite entre la Russie et l’Ukraine, il faut prendre en considération que ce ne sont pas seulement l’argent et notre confort qui sont en jeu. Tout comme avant l’année 1939, il s’agit de choses plus essentielles. Il s’agit de notre foi en la liberté acquise, en la force de notre démocratie. Il s’agit de nos âmes. Et Poutine, lui, est tout sauf un ange ».

Interrogations autours du crash de l’avion de Malaysia Airlines

Le lieu de crash de l'avion de la compagnie Malaysia Airlines,  photo: ČTK
Parmi de nombreux articles parus dans les médias tchèques et consacrés à la tragédie du vol numéro 17 de la compagnie Malaysia Airlines, nous avons choisi celui qui a été repris et publié sur le serveur ihned.cz, déjà cité, dans lequel son auteur Anne Applebaum note entre autres :

« Avant même d’ouvrir une discussion sur cet événement, il est important de dire clairement que le crash de cet avion est la conséquence de l’invasion russe en Ukraine de l’Est, soit d’une opération conçue intentionnellement de façon à créer un chaos juridique, politique et militaire. Sans ce chaos, un missile sol-air n’aurait jamais été lancé contre un avion civil ».

Selon l’auteur de l’article, le crash de l’avion 17 a mis fin à la fable intitulée « Ceci n’est pas une véritable guerre », tant aux yeux des Russes qu’aux yeux de l’Occident. Dépourvues du contexte d’une fable, certaines choses seront désormais mises à l’évidence. Anne Applebaum précise :

« On va savoir par exemple si l’Occident en 2014 est aussi uni et aussi décidé à affronter le terrorisme comme il l’a été il y a 26 ans, lorsqu’en 1988, le gouvernement libyen a abattu sur Lockerbie en Ecosse le vol numéro 103 de la compagnie PanAm. A l’époque, l’Occident a été soudé, ce qui lui a permis d’isoler le régime libyen. Serons-nous capables d’agir de la même façon maintenant, ou bien y aura-t-il beaucoup trop d’acteurs qui auront tendance à caractériser cette catastrophe d’’accident tragique’ et à déprécier l’enquête menée comme ‘peu convaincante’ ? »

Věra Jourová à l’heure des attentes

Věra Jourová,  photo: Filip Jandourek,  ČRo
La nomination de Věra Jourová au poste d’eurocommissaire tchèque a été largement commentée dans tous les grands quotidiens tchèque. « Notre jupe à l’Union européenne », titre un article publié dans une des récentes éditions du quotidien Mladá fronta Dnes. Soulignant que Jourová, jusqu’ici ministre du Développement territorial, devient au bout d’une seule année d’engagement dans la haute politique le représentant politique tchèque le plus haut placé, Miroslav Korecký la caractérise comme suit :

« Věra Jourová fait preuve d’une ambition et d’une résolution que l’on ne voit que rarement dans le milieu des femmes politiciennes. Elle est en même temps très communicative et semble posséder les compétences nécessaires. Son handicap, c’est qu’elle ne maîtrise, au niveau juridique, que l’anglais, ses connaissances du français et de l’allemand étant presque nulles... On peut s’attendre que vue sa personnalité, Jourová fera parler d’elle beauoup plus que ses prédécesseurs, Vladimir Špidla, un caractère introverti, ou Štefan Füle, un diplomate très prudent. »

Petr Fischer du quotidien économique Hospodářské noviny remarque que Věra Jourová a rompu la tradition qui voulait que les structures bruxelloises accueillent avant tous les anciens ministres, premiers ministres ou diplomates pour qui le travail à Bruxelles constituait le point culminant de leur carrière. Věra Jourová, elle, n’a pas derrière elle une pareille carrière politico-diplomatique. Dans ce contexte, il écrit :

« Pour Jourová, dépourvue d’expériences politiques et diplomatiques, il sera extrêmement difficile d’acquérir pour la Tchéquie de bonnes conditions dans quelque domaine que ce soit... Il dépendra de son intelligence et de ses capacités si elle devient rapidement une femme policienne européenne et si elle réussit dans son nouveau rôle. Son succès sera important, aussi, pour la politique tchèque. »

« Le monde politique prioritairement masculin ne veut pas accepter en son sein plus de femmes ». C’est ce que constate, en rapport avec la nomination de Věra Jourová au poste d’eurocommissaire tchèque, un article publié dans le quotidien Lidové noviny, dans lequel Kateřina Šafaříková note également :

« Il est vraiment dommage qu’il n’y ait pas dans la politique plus de femmes. Le cas d’Angela Merkel ou de Christine Lagarde, ainsi que celui de nombreuses précédentes eurocommissaires, qui sont dans leurs fonctions souvent meilleures que leurs collègues masculins, en sont un témoignage convaincant... Souvent, on voit que les femmes sont très performantes pour que personne ne puisse mettre leur réussite en doute ».

Evoquant les bonnes prestations des deux femmes eurocommissaires, Viviane Reding et Neelie Kroes, l’article admet que ceci ne prédestine pas automatiquement la future réussite de la Tchèque Věra Jourová. Tout semble cependant indiquer qu’elle va tout faire pour y arriver.