« Le 17 novembre 1989, le début d’une semaine de beauté et de grâce »

Novembre 1989, photo: ŠJů, CC BY-SA 3.0 Unported

Les Tchèques s’apprêtent à célébrer, ce lundi 17 novembre, le 25e anniversaire de la première des manifestations marquant le début de la révolution de velours et la fin du régime communiste en 1989. En attendant l’émission spéciale que vous proposera Radio Prague à cette occasion, Alena Gebertová, journaliste tchèque ancienne responsable de la rédaction française de Radio Prague, a évoqué ses souvenirs de l’ambiance qui régnait alors à Prague. Un témoignage riche en émotions…

Alena Gebertová,  photo: Štěpánka Budková
« Le soir du 17 novembre, j’étais dans un théâtre avec ma mère, et là-bas j’ai vécu le début de ce que l’on appelle la révolution de velours. Au début, on a interrompu le spectacle pour nous dire qu’il se passait quelque chose dans le centre-ville. Et puis un débat s’est ouvert sur la scène : les comédiens ont commencé à discuter avec les spectateurs. Comme on le sait, ce sont les acteurs et les comédiens, ainsi que les étudiants, qui ont donné le coup d’envoi de cette révolution. »

Cette première manifestation le 17 novembre s’est tenue une semaine précisément après la chute du Mur de Berlin. Il y avait déjà eu de grands changements en Pologne et en Hongrie, en RDA également. Sentais-tu déjà que l’heure était venue ?

« Oui, j’ai senti que l’heure était venue. Je pense que tout le monde l’a perçu de la même manière, même la direction de la radio a ressenti que c’était vraiment pour de bon. Le 17 novembre, c’est le début d’une semaine d’une grande beauté pour moi. Chaque soir, il y avait des manifestations sur la place Venceslas, dans le centre de Prague, ou bien sur l’esplanade de Letná. C’était toujours très joyeux et plein de spiritualité, et en même temps c’était grave. Cette euphorie collective, c’est une émotion que l’on n’oublie pas. C’était une semaine de beauté et de grâce, je n’arrive pas à l’exprimer autrement. Pendant au moins une semaine, tout s’est passait dans la gaieté et la liesse. Les soucis… on savait que ça viendrait plus tard. »

Novembre 1989,  photo: ŠJů,  CC BY-SA 3.0 Unported
Etait-ce que le cas également à la Radio Tchèque et à Radio Prague, où tu travaillais déjà à l’époque ?

« Je travaillais à temps partiel, donc je n’étais pas très présente à la radio, mais j’étais là quand même. Le premier jour, les deuxième et troisième également, les choses se sont déroulées comme avant. Puis, à partir de là, on nous a dit que l’on pouvait commencer à faire des reportages et des interviews sur les évènements. On était libres de faire tout ce que l’on voulait. »

Pendant combien de temps cette euphorie est-elle restée présente ?

« Elle est restée le temps de ces grandes manifestations pendant une semaine, voire dix jours. Mais même après, on était plein d’enthousiasme, parce les gens de ma génération ne s’attendaient pas à ce que cela puisse arriver. Mon seul grand regret est que mon père soit décédé quelques années avant et qu’il n’ait pas pu vivre cela. Il aurait été heureux. Très heureux. »

25 ans plus tard, est-ce un anniversaire que vous allez célébrer ce lundi, un jour important pour vous ?

« Oui, pour moi, c’est un anniversaire très important. Je pense que je serais surtout très émue. »

Novembre 1989,  photo: Jan Vodňanský,  ČRo
Que penses-tu de l’évolution du pays depuis ? Cet anniversaire ne représente pas forcément quelque chose pour tout le monde. Quelle est l’atmosphère qui règne en République Tchèque 25 ans plus tard ?

« Je pense que les Tchèques, par définition, sont très mécontents. C’est leur état, pour ainsi dire, normal, je pense ! Bien sûr qu’il y a des soucis et des problèmes, des choses à critiquer… On est heureux que le communisme ait chuté, mais cela n’empêche pas de porter un regard critique sur la situation aujourd’hui. Quoiqu’il en soit, beaucoup de gens, tous mes amis, sont très contents de ce qui s’est passé il y a 25 ans. »