Le 28 mars 1592 est né Jan Amos Komensky, maître des nations

Aujourd'hui, nous ouvrons un chapitre historique dont le début est daté du 28 mars 1592. C'est le jour de la naissance de Jan Amos Komensky, latinisé en Comenius, l'une des plus illustres personnalités de la culture tchèque, mais dont le legs est d'une portée universelle. Cette année, 409 années se sont écoulées depuis la naissance de cet humaniste, philosophe, écrivain, réformateur et éminent pédagogue appelé maître des nations.

"Toute notre vie sous le soleil est une école de Dieu où il y aura toujours quelque chose à apprendre, même si l'on vit mille ans". Voilà une citation qui caractérise en quelques mots la conception du monde de Comenius qui disait lui-même de sa vie qu'elle était un pèlerinage éternel. Comenius est né le 28 mars 1592, dans la famille d'un pasteur de l'Unité des Frères tchèques, Eglise issue d'une scission de l'Eglise protestante tchèque. Aucune preuve directe sur le lieu de sa naissance n'existe. Trois communes de Moravie du sud pourraient être le lieu de sa naissance: Komna, Uhersky Brod et Nivnice. Son père l'élevait dans l'amour de l'écriture, de la discipline et de l'ordre et, en particulier, dans l'amour de la vérité et de la tolérance. Il fait des études en Moravie, puis en Allemagne, à Herborn, et à Heidelberg. Il devient professeur. En 1616, année de publication de son premier manuel de grammaire, il est ordonné prêtre de l'Unité. En 1618, il connaît une courte période de bonheur personnel. A Fulnek, en Moravie du nord-est, il épouse Magdalena Vizovicka et fonde un foyer.

La bataille de la Montagne Blanche de 1620 met fin à ce bonheur. La défaite des Etats tchèques et la victoire du camp catholique sont suivies de la contre-réforme. Les décrets de l'empereur de 1624 interdisent toutes les confessions non catholiques. Les érudits visés en premier lieu par ces décrets sont contraints à l'exil... Le destin va frapper lourd. Comenius est privé de tous ses biens, sa bibliothèque est brûlée, sa femme et les enfants succombent à une épidémie. En 1627, il se réfugie en Pologne où il séjourne, avec interruption, jusqu'à 1641.

Face aux épreuves cruelles, il cherche à répondre aux questions de savoir pourquoi autant de mal et de souffrances. S'il ne désespère pas, c'est grâce à sa croyance profonde, source de son équilibre spirituel. A l'image du monde extérieur ténébreux, il oppose l'image de l'intérieur de l'homme, du paradis du coeur. Les titres de ses ouvrages l'expriment symboliquement: "Le nom de l'Eternel est une haute tour", "Du délaissement", "Affligé", mais surtout "Le Labyrinthe du monde et le Paradis du coeur", récit allégorique avec une conclusion mystique. La satire mordante contre la misère et la tristesse de l'égoïsme humain, de la haine, de l'inimité et contre l'hypocrisie dans le Labyrinthe, image allégorique d'une ville qu'un pèlerin parcourt, est compensée par la seconde partie de l'ouvrage, Le Paradis du coeur. Comenius y développe la vision d'une société harmonieuse des chrétiens qui se respectent et s'entraident.

De plus en plus, il s'intéresse à la place de l'homme dans le monde. En témoigne son oeuvre "Centrum securitatis" de 1625. Le monde y est présenté comme un organisme, une méthode habituelle des néoplatoniciens. Toutes les choses et tous les phénomènes sont en connexion dans le monde. Il rédige un opuscule vulgarisant la science, un autre visant à améliorer le niveau de la poésie tchèque, traduit les Psaumes et achève sa Carte de la Moravie.

Lors de son exil polonais, il enseigne, travaille comme historien de l'Unité et écrit des ouvrages philosophiques et pédagogiques. En 1630, il termine "La Didactique", en tchèque, puis en latin, qu'il va encore remanier , en 1657, en "La Grande Didactique". Comenius y développe les principes de l'éducation solide et systématique, mais pourtant joyeuse et naturelle, depuis l'enfance jusqu'à l'âge mûr de l'homme. La partie théorique est complétée d'une partie pratique, sorte de manuels pour les enseignants. Il y réclame l'instruction pour tous et exprime sa conviction que la connaissance du monde dans son ensemble est essentiel pour la vie.

Comenius - pédagogue, veut amener ses élèves à ne rien demander sans réfléchir, à ne rien croire sans penser, à ne rien faire sans juger, mais à faire seulement ce qu'on sait être bon, vrai et utile. Il considère la liberté, la joie de vivre comme l'état naturel de l'homme, le but vers lequel doit se diriger l'éducation. Or, il considère que le bonheur suprême consiste dans la connaissance et dans l'amour de Dieu. Il s'engage dans toutes les voies qui conduisent aux réformes. Pour lui, la formation intellectuelle est capitale. Tous les enfants sans différence de sexe ou d'origine doivent avoir le même privilège - recevoir l'instruction scolaire. Comenius croit, en effet, que ce qui a introduit dans le monde tant d'inquiétude et de violence, c'est l'inégalité et le manque de l'éducation. Sa Didactique développe à plein sa philosophie de la sagesse de la vie. D'ailleurs, toute l'oeuvre pédagogique de Comenius est dominée par les principes pansophiques.

A part "La Didactique" et "Orbis pictus" - manuel de langues tchèque, latine et allemande richement illustré, c'est le manuel "Janua linguarum" - La porte ouverte sur les langues, qui lui assure dans toute l'Europe une réputation de réformateur de la pédagogie.

Comenius rédige d'innombrables manuels destinés à l'école maternelle, nationale, puis le manuel d'astronomie et de géographie, de métaphysique, d'histoire, de physique. Dans la physique, il se tourne vers les théories de Thomas Campanella pour formuler ses opinions sur l'astronomie dans l'esprit du système de Ptolémée. Or ce sont les manuels didactiques qui constituent le principal legs de Comenius. Jusqu'à nos jours sont valables ses principes de l'éducation scolaire par le jeu.

De sa vie, Comenius a déployé une intense activité diplomatique qui l'a conduit en Angleterre, en Suède, en Hongrie et en Hollande, où il s'est fixé. C'est ici que Comenius a fini ses jours, en 1670, et où il est inhumé.