Le best-of de la culture en 2019
Notre rubrique culturelle n’échappe pas à la tradition du best-of : dans cette émission nous vous proposons une petite sélection des entretiens qui ont retenu notre attention en guise de bilan de l’année écoulée.
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En janvier dernier, nous avions invité la chanteuse tchèque Annabelle Fárová dans nos studios, qui interprète ses textes en français. Elle nous avait expliqué pourquoi :
« Parce que j’adore la langue française. Elle m’inspire énormément. Mais j’écris aussi des choses en anglais. En fait, ça dépend du style de musique que je fais. Quand il y a besoin de faire plus ‘dance music’, alors c’est l’anglais… »
Ça marche moins avec le français ?
« Oui ! Alors que pour les chansons plus classiques, le français est la langue idéale. »
Au niveau de vos inspirations musicales, est-ce que vous allez chercher votre inspiration dans la musique française ou bien dans d’autres musiques ?
« Côté musique, je suis une grande fan de Maître Gims, Stromae ou Zaz. Mais dans le fond, je ne crois pas être influencée par quelqu’un. J’essaye de faire mon style. La musique vient de moi-même. »
Justement, comment vous qualifiez votre style ?
« Mon style est mix de styles. J’appelle ça fusion-pop ! Tout le monde me pose la question sur mon style et c’est difficile de dire si c’est tel ou tel style. Donc j’ai moi-même donné un nom à ce que je fais. ‘Fusion’ parce qu’il y a un peu de tout dedans. »
Cette fusion on la retrouve en vous de manière presque physique. Il y a un contraste, en vous voyant, entre votre apparence et ce que vous chantez. Vous êtes une jeune femme dont le physique contredit un peu vos chansons. Ce sont souvent des chansons assez romantiques et vous, au contraire, avez des tatouages partout, des bijoux, des piercings… C’est un contraste intéressant !
« Pour moi, le tatouage est comme une deuxième peau. C’est une sorte de protection. J’ai une nouvelle chanson, qui s’appelle Tatouée et qui explique mes états d’âme sur la question du tatouage. Je crois que si mes fans sont patients, ils pourront bientôt entendre cette chanson où je dirai ce que je ressens. »
Les éditions Argo s’apprêtent à publier, en tchèque, le dernier roman de l’écrivaine française Anne Delaflotte-Mehdevi, qui a longtemps vécu à Prague et que nous avons rencontré à plusieurs reprises. Le Théâtre de Slávek est un roman historique qui plonge le lecteur dans la Bohême du XVIIIe siècle, celle qui renaît de ses cendres à la suite des guerres de religion, celle de Mozart et celle des théâtres. Au printemps dernier, nous l’avions suivie jusque dans la petite ville de Kuks, projet ambitieux d’un comte puissant et mécène, le comte Špork, qui bouleverse à jamais la vie du héros inventé par l’auteure :
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« C’est un comte puissant, riche, mécène, un homme du XVIIIe siècle. Il est à la fois un peu mégalo, mais il a une mentalité de bourgeois. C’est ce qui m’a plus chez lui, c’est son ambiguïté, son côté résistant à la provocation. Il va avoir des problèmes avec des Jésuites, se battant pied à pied, tout en étant catholique et très pieux. C’est un personnage ambigu à souhait et c’est tout ce dont j’avais besoin. Il est ambitieux, philosophe, bon mari, fidèle, bon père aimant : il y a tout chez lui, c’est un catalogue des qualités et des défauts humains. Ce personnage m’a plu. J’avais très peur que cette figure du grand aristocrate germanophone soit parfaitement manichéenne. Je me disais que j’allais devoir inventer un aristocrate romanesque. Mais je n’en ai pas eu besoin car je suis tombée sur Špork. Je voulais que ce soit cet homme-là qui percute le destin de Slávek et qui coupe en deux mon personnage principal. »
Slávek est en effet renversé par la calèche de ce comte. Il perd l’usage de ses jambes. Sa vie en est chamboulée, sauf que ce comte va pourvoir à son éducation et, plus tard, l’employer dans son théâtre en tant que maître de la lumière.
« Il ne lui dit pas maître de la lumière. Slávek va être chargé d’alimenter les lustres en bougies. Je dois dire que Slávek aurait tout à fait reçu une éducation décente et solide car il faisait partie de cette petite bourgeoisie d’artisans pragois. Mais Špork va lui permettre une chose merveilleuse, celle d’avoir un tuteur, le père František qui est aussi un beau personnage que j’aime beaucoup et qui sera décisif dans la vie de Slávek. »
Nous sommes à Kuks pour cet entretien, qui est un lieu assez incroyable, né de l’esprit du comte Špork. Kuks intervient évidemment dans votre roman. Qu’est-ce donc que ce lieu rêvé par Špork et qu’il a créé au milieu de nulle part ?
« Au XVIIIe siècle, les thermes étaient à la mode. A côté de ses terres de Lysá nad Labem, il y avait des sources autour de l’Elbe. Špork avait bien envie qu’elles soient curatives. Ça lui donnait l’occasion de créer une cité idéale, thermale autour de ces sources. Il a fait analyser l’eau de ces sources par quatre savants pragois, et c’était formidable puisque les résultats ont montré que ces eaux, en fait, étaient bien curatives. Špork s’est donc lancé dans son projet. Il a créé cette cité thermale idéale, où il y avait tout : une bibliothèque, un théâtre, un hôpital, le cimetière. C’était une cité rêvée, parfaite…
Une cité où il a attiré de nombreuses personnalités, des architectes, des sculpteurs…
« Le merveilleux sculpteur Matyáš Braun a pu y laisser libre cours à son génie. Špork avait cette intelligence de laisser les artistes s’exprimer. Il n’était pas le seul, mais il l’a fait en leur accordant toute la liberté possible. Špork a rêvé à Kuks une cité idéale. Mon personnage de Slávek est pragois, il ne quittera sa ville qu’à deux occasions, pour se rendre justement dans cette cité idéale de Kuks. »
En 1945, à la libération des camps, Trude Sojka a 36 ans. Survivante d’Auschwitz, elle vient de perdre sa fille, âgée de quelques jours à peine. La plupart des membres de sa famille, dont son mari, ont péri dans les camps. C’est à des milliers de kilomètres de la Tchécoslovaquie, en Equateur, qu’elle trouvera finalement refuge, auprès de son frère. C’est également dans ce pays que Trude Sojka se réinventera une vie nouvelle, une vie de création artistique. Sa petite-fille, Gabriela Steinitz, nous a parlé de sa vie et de son art :
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« Elle a toujours été artiste. On a découvert récemment un petit carnet avec des dessins qu’elle a faits en Suisse où elle avait été envoyée en internat par ses parents. Elle a toujours aimé dessiner. Elle voulait devenir peintre, mais son père n’était pas d’accord. A l’époque, pour une jeune fille de bonne famille, ce n’était pas bien considéré. »
« Elle d’abord fait des études d’économie. Elle nous racontait toujours une anecdote de ces cours. Elle dessinait souvent son prof et celui-ci, voyant un jour qu’elle n’était pas concentrée, est allée la voir et a découvert un magnifique dessin de lui-même dans son cahier. Il a parlé à son père et a dit : ‘Cette fille doit aller aux Beaux-arts !’ C’est ce qui s’est finalement produit. Elle est partie à Berlin. C’était dans les années 1930. Elle a étudié la sculpture auprès de Käthe Kolwitz, une artiste allemande reconnue. Voilà sa première expérience avec l’art. »
« J’ai aussi entendu le récit d’une historienne qui a fait des recherches dans le dernier camp où elle était. Elle y a découvert des dessins d’une déportée appelée Trude, qui était tchèque comme ma grand-mère. Donc il est fort probable que ce soient ses dessins. »
Mais on peut dire que sa carrière artistique s’est vraiment développée après cette expérience des camps…
« Tout à fait. »
Dans quelle mesure cette expérience a-t-elle eu une influence sur ses sujets et sa technique ?
« Sa technique était le ciment, une matière très brute. C’est aussi très dur à travailler. Je pense que c’était l’idéal pour elle. En plus cela sèche très vite, donc cela veut dire qu’il lui fallait travailler de manière très spontanée. C’est ce qu’elle cherchait, à exprimer ses sentiments. C’est une artiste expressionniste donc elle ne cherche pas la perfection des traits, elle n’essaye pas d’être réaliste, mais fait des choses plus schématiques. Dans le ciment, elle a trouvé une matière parfaite pour faire des formes en relief et pour parvenir à mélanger sculpture et peinture. »