Le Café Louvre, lieu de rendez-vous des intellectuels de la Belle Epoque
Franz Kafka, Karel Čapek ou Albert Einstein… Ce sont les personnalités les plus célèbres parmi toutes celles qui se réunissaient au début du XXe siècle au Café Louvre pour y discuter philosophie, littérature ou science. Cent ans plus tard, cet endroit, l’un des derniers en son genre à Prague, témoigne toujours de l’atmosphère des cafés de l’Empire austro-hongrois de la Belle Epoque. Après le café cubiste que Radio Prague vous a présenté dans la première partie de sa nouvelle série consacrée aux cafés pragois, nous vous proposons donc de découvrir cette semaine ce lieu qui porte le nom du célèbre palais parisien.
Le plus grand café de l’Empire austro-hongrois
Fondé en 1902 et situé au premier étage de l’immeuble éponyme de l’avenue Národní, dans le centre de Prague, le Café Louvre est un grand complexe de plusieurs salles où se trouvent, entre autres, un restaurant non-fumeur avec une terrasse estival, un café, plusieurs petits salons et une salle de billard. Au début du XXe siècle, le Louvre, qui, avec ses 800 places, était à une certaine époque le plus grand café de tout l’Empire austro-hongrois, a représenté un symbole du progrès : il a été le premier établissement de ce type à être électrifié à Prague et a été aussi le premier à ouvrir une partie réservée aux femmes dont l’accès aux cafés n’était alors pas autorisé.
A l’époque de sa plus grande gloire, le café est également devenu le lieu de rencontre de nombreuses personnalités du milieu intellectuel pragois. L’acteur tchèque Eduard Vojan, les écrivains de langue allemande Otto Pick et Franz Werfel, les artistes de l’association Sursum, un groupe influencé par le symbolisme, dont Jan Zrzavý et Josef Váchal, ou encore les membres du Cercle philosophique allemand, comme les étudiants en droit et futurs écrivains Franz Kafka et Max Brod, le psychologue Josef Eisenmeyer, le théoricien de l’art Emil Utitz ou encore le philosophe juif Hugo Bergmann, s’y rendaient régulièrement.
Pour tous ces intellectuels, le Café Louvre représentait une sorte de « bureau », ils y écrivaient leurs travaux et communiquaient avec leurs éditeurs, comme en témoignent plusieurs lettres écrites sur du papier portant le logo de l’établissement.
Dès son ouverture, le café a aussi soutenu les mouvements pour l’émancipation des femmes. De même, le célèbre physicien Albert Einstein, auteur de la théorie de la relativité, a fréquenté ce lieu en 1911 et en 1912 lors de son séjour à l’université allemande de Prague et il y discutait avec des artistes et des scientifiques tchèques.
En 1915, le café s’est agrandi grâce à l’ouverture d’un bar à vin appelé « Les Catacombes », en raison de son emplacement dans un réseau de caves qui ressemblent à un labyrinthe et qui sont aujourd’hui aménagées en un club de jazz.
Enfin, le 15 février 1925, le Louvre a accueilli 38 écrivains qui y ont alors fondé le Centre tchèque du PEN club international et qui ont choisi à la tête de cette nouvelle organisation l’écrivain Karel Čapek. Et parmi les invités d’honneur de la première rencontre officielle de cette organisation figurait le premier président de la jeune République tchécoslovaque, Tomáš Garrigue Masaryk.
La renaissance du café légendaire
Pendant les dernières années de son existence, le Louvre était un café plutôt allemand, fréquenté par la haute société. Cela a peut-être été aussi l’une des raisons de sa fermeture après l’arrivée au pouvoir du parti communiste. L’actuel propriétaire du café, Sylvio Spohr, développe :
« En 1948, le café a été fermé et totalement détruit par les communistes. Je ne l’ai rouvert qu’en décembre 1992. Il n’y avait plus rien du tout : des murs nus et du parquet usé. L’espace a été divisé en bureaux. Chaque fenêtre dans le café représentait donc une pièce. Et sur le plafond, il y avait des lampes fluorescentes. »
Les locaux ravagés ont été entièrement restaurés et meublés à l’aide d’un mobilier original et confectionné sur mesure à la demande de Sylvio Spohr :
« J’ai trouvé l’inspiration lors de mes visites à Vienne et dans des cafés viennois. J’ai aussi été à Paris. Mais cette ville ne m’a pas tellement charmé. C’est plutôt Vienne qui m’a servi d’inspiration pour l’aménagement de ce café. »
Sylvio Spohr a réussi à restituer au Café Louvre son charme d’antan : tons pastel, grandes fenêtres arrondies donnant sur l’avenue Národní, miroirs, stucs, mobilier fabriqué dans le style Art Nouveau… A l’entrée, une grande carte interactive renseigne sur tous les cafés qui ont existé à Prague au tournant des XIXe et XXe siècles.
Un vrai lieu de convivialité
Situé au cœur de la capitale tchèque, le Café Louvre accueille aussi bien une clientèle tchèque que des étrangers ; 60 % des clients sont des femmes. De même qu’à l’époque de sa gloire, on peut y croiser des célébrités et des politiciens. Outre les plats typiques tchèques, le café propose par exemple des desserts préparés selon des recettes traditionnelles.
Chaque jour, de nombreux journaux et magazines tchèques et étrangers sont également mis à disposition des clients, ainsi que différents jeux. On peut y jouer au billard, aux échecs ou bien aux cartes. Sylvio Spohr :
« Nous avons voulu conserver cette tradition des jeux de café. Je suis content que nous ayons réussi. Les jeux sont très demandés par les clients. Ils sont utilisés le soir, mais parfois même dans la matinée ou dans l’après-midi. Les jeux donnent au café l’atmosphère agréable d’un club qui attire beaucoup de gens. Nous nous efforçons donc de proposer un programme tout au long de la journée, d’être non seulement un lieu où on peut prendre son petit-déjeuner ou son déjeuner et organiser des rendez-vous, mais aussi un lieu de distraction. »
Même si le café a été utilisé initialement comme un lieu de concert, ce n’est aujourd’hui plus le cas. Sylvio Spohr souhaite que le Café Louvre soit un espace de calme et de communication. C’est d’ailleurs aussi pour cette raison qu’il a décidé de ne pas proposer de connexion à internet :
« Je ne veux pas de wifi. Je ne vais pas mettre en place une connexion internet si le marché ne me force pas à faire le contraire. Pour moi, le café, c’est surtout la communication. Je ne parle pas ici de la communication par mail. Le café, c’est pouvoir discuter avec les autres. »
Outre le café et le restaurant, l’immeuble Louvre abrite également une petite galerie au rez-de-chaussée, ouverte à la place d’une ancienne salle de cinéma. Au total, l’établissement dispose d’environ 300 places.
Vous trouverez toutes les informations supplémentaires sur le café sur son site internet : www.cafelouvre.cz.