Le Centre littéraire tchèque, « un bébé qu’il faut éduquer »

Photo illustrative: Pexels / Pixbay

Promouvoir la littérature tchèque à l’étranger est le principal objectif du Centre littéraire tchèque (České literární centrum) qui vient d’être ouvert à Prague. Quelles seront les activités du Centre ? Quels seront les moyens mis à sa disposition et quels seront les partenaires avec lesquels l’institution collaborera ? Telles sont quelques-unes des questions que Radio Prague a posées au diplomate, journaliste et traducteur Petr Janyška, le directeur du Centre littéraire tchèque.

Comment promouvoir la nouvelle littérature tchèque

Petr Janyška,  photo: Jiří Němec
Vous êtes le directeur du nouveau centre littéraire tchèque. Pourquoi avons-nous besoin d’un tel centre ?

« C’est assez clair. Ce type d’institutions qui ont pour but de promouvoir la littérature nationale à l’étranger, existe, je pense, dans tous les pays en Europe, au moins. Et il était grand temps qu’une telle institution soit créée aussi en République tchèque. Cela nous manquait et je suis très heureux que nous mettions sur pied ce type d’institutions chez nous aussi. Le bébé est né et nous allons essayer de l’élever. »

Quelle est la mission de cette institution, de ce bébé comme vous dites ? Quels objectifs et quel caractère envisagez-vous de lui donner ?

« Son but principal, ne serait-ce que pour le moment, sera de promouvoir la littérature tchèque à l’étranger, la littérature surtout contemporaine, les jeunes auteurs, les auteurs en émergence pour les faire mieux connaître. Tous les pays le font. Si un pays souhaite que sa nouvelle littérature soit publiée à l’étranger, il faut l’aider. C’est clair. »

Une institution aux moyens modestes

Quels moyens (financiers et autres) ont-ils été mis à la disposition du nouveau centre par le ministère de la Culture ?

Photo: Ekaterina Staševská
« Pour le moment, nous avons quelques bureaux dans un beau bâtiment de Prague, le quartier de Vinohrady. J’aurai quatre collaborateurs et je pense que cela augmentera avant la fin de l’année. Pour le début, nous allons prendre contact avec nos partenaires à l’étranger, pour voir comment ils font, nous en inspirer et essayer d’entrer dans le réseau des institutions de ce genre. En France, cela s’appelle ‘Le Centre national du Livre’, en Pologne ‘L’Institut du Livre’, en Allemagne ‘Les Maisons du Livre’, mais c’est toujours la promotion de la littérature. »

Envisagez-vous d’utiliser Internet pour promouvoir la littérature tchèque ?

« Absolument. Vous savez sans doute qu’il existe déjà un site web qui s’appelle ‘czechlit’, en plusieurs langues, notamment en anglais et en tchèque, dont le but est d’offrir les informations sur ce qui se passe dans le domaine de la littérature tchèque. Il apporte des portraits de jeunes auteurs, il présente de nouveaux livres et des prix littéraires. Vous y trouvez tout cela. »

La vision d’un centre littéraire exemplaire

Vous serez sans doute limités dans un premier temps par les moyens mis à votre disposition. Malgré cela, avez-vous en tête un centre littéraire idéal ? Comment celui-ci pourrait-il se présenter ? Avez-vous une idée des activités d’une telle institution dans une situation où vous disposeriez de grands moyens financiers? Il faut être réaliste, certes, mais aussi savoir se mesurer aux idéaux…

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« Oui, il faut être réaliste, mais en même temps, j’ai un rêve. Je rêve de disposer d’un bâtiment dans le centre-ville historique, rez-de-chaussée et deux étages. Au rez-de-chaussée, il y aurait une grande salle ouverte sur la rue. Je trouve que cette salle est très importante, avec de grandes fenêtres ou des vitrines avec des logos en néons s’allumant la nuit pour attirer le public à l’intérieur, autrement dit, pour attirer le public vers la littérature. Pour montrer que la littérature n’est pas seulement un auteur qui reste enfermé dans sa chambre pour écrire un livre qui, ensuite, apparaît sur les étagères d’une librairie, mais aussi quelques chose de vivant, un élément dont la société a besoin parce que les auteurs sont des gens qui travaillent avec le langage. Le langage est l’instrument de réflexion par excellence, ce sont donc des gens qui réfléchissent toute la journée, sept jours sur sept, et forcément des gens qui ont des choses intéressantes à dire. Et ce pas seulement à propos de l’art et de la littérature, mais aussi de ce qui se passe autour de nous, sur le monde actuel, sur tous les changements et toutes les vicissitudes que nous affrontons. »

« Alors, dans la journée la salle du rez-de-chaussée servirait un très bon café et du thé, offrant de la place aux jeunes auteurs et au jeune public, offrant les murs à leurs œuvres plastiques. Au premier étage, il y aurait nos bureaux et au second des chambres pour les auteurs, les traducteurs et les éditeurs étrangers que j’inviterais pour qu’ils puissent passer une semaine, un mois, deux mois pour travailler, écrire, traduire. Et qu’ils puissent aussi descendre, en fin de journée, le travail terminé, pour rencontrer le monde littéraire tchèque. Il est très important pour les traducteurs qui viennent, d’avoir la possibilité de rencontrer les auteurs qui ne sont pas encore connus à l’étranger, de découvrir leurs livres, discuter avec eux, prendre le pouls de la vie littéraire tchèque. »

Nous vous souhaitons donc d’avoir un jour les moyens de réaliser ce rêve. Dans quelle mesure le nouveau centre pourra-t-il soutenir les écrivains tchèques, et notamment les écrivains débutants ?

« Le centre lui-même, du moins au début, n’aura pas pour mission de soutenir l’écriture. Pour cela, il y a d’autres programmes, d’autres bourses qui sont offertes par l’Etat tchèque, mais notre but est de promouvoir la parution à l’étranger. Donc, soutenir la traduction, aider peut-être avec les droits d’auteurs et peut-être aussi, pourquoi pas un jour, avec les frais d’impression. »

La jeune littérature face à la surproduction littéraire

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Quels sont, selon vous, les meilleurs moyens pour promouvoir la littérature tchèque à l’étranger dans un monde qui souffre de surproduction littéraire ? Existe-t-il un moyen de faire une sélection, par exemple ?

« Je ne pense pas faire une sélection, ça serait très fragile et délicat. On vit dans un certain monde, on va faire de notre mieux. Nous allons donc essayer d’aider les auteurs tchèques de façon à ce qu’ils puissent présenter leur travail à l’étranger dans le cadre des festivals littéraires, dans des Foires du livre, dans les institutions qui attirent le public qui aime la littérature, dans toutes ces institutions comme les maisons de littérature, etc. En même temps, nous allons essayer de les faire connaître auprès des éditeurs. Dans chaque pays, seuls quelques éditeurs sont intéressés par la littérature tchèque. Mais qui dit que d’autres ne le seraient pas s’ils étaient mieux informés, si l’on leur envoyait des fragments de textes ? Par exemple, pourquoi ne pas traduire une vingtaine de pages de tel ou tel jeune auteur tchèque pour les envoyer à l’étranger ? »

La Saison de la culture tchèque en France

Vous avez été, entre 1999 et 2003, ambassadeur de République tchèque à Paris. Quels ont été les rapports culturels entre la France et la Tchéquie durant cette période ?

« C’était une belle période marquée par l’enthousiasme en Europe, et en France en particulier, pour les pays qui venaient de sortir du système communiste. La France s’intéressait à nous. Beaucoup d’auteurs ont été publiés, et dans ce cadre j’ai eu le grand plaisir et l’honneur de faire partie d’une équipe qui a organisé une opération gigantesque de présentation de la culture tchèque en France. Cela s’appelait ‘La saison de la culture tchèque en France'. Le temps d’une année, nous avons présenté plusieurs centaines de concerts, quelques grandes expositions, le baroque tchèque et morave, des peintres, des sculpteurs, des écrivains… Cela a été magnifique. C’était le temps du président Jacques Chirac en France et de Václav Havel en République tchèque. Je pense que Jacques Chirac avait beaucoup d’estime pour Václav Havel et s’intéressait sincèrement à ce qui se passait en République tchèque. »

Comment ces rapports ont-ils évolué durant cette période ? Quels ont été les moments et les initiatives les plus importants de votre mandat ?

Photo illustrative: Kristýna Maková
« Je pense que pour les Tchèques, la France reste toujours une grande référence en termes culturels. Si vous évoquez la France et le français à un Tchèque moyen, sa première réflexion sera sans doute quelque chose de culturel, probablement la chanson, le vin, et de plus en plus le fromage. Je pense qu’en République tchèque, le fromage est lié à la France. Donc, une référence culturelle dans le sens très, très large. Pas mal d’auteurs français sont traduits, d’ailleurs grâce aussi à l’appui de Paris, à un appui concernant les frais de traduction. Tous les pays le font. Nous n’allons pas être une exception. Il y a des groupes français qui viennent jouer chez nous, des groupes rock. Vous avez la chanteuse Zaz qui est très populaire en République tchèque et vient y chanter de temps en temps.. Il est vrai que pour les jeune Tchèques, il y aussi d’autres références, le monde entier, l’Amérique latine, l’Afrique, le monde anglo-saxon. C’est beaucoup plus varié qu’il y a vingt ans. »

Pourquoi ce genre de manifestation comme La saison de la culture tchèque en France ne se répète-t-il plus ? Etait-ce une période exceptionnelle des relations franco-tchèques ?

« Je pense que c’était une période exceptionnelle dans tous les sens, parce qu’aucune autre opération n’a été organisée dans d’autres pays. C’était vraiment unique. Le gouvernement tchèque aussi bien que le gouvernement français y ont consacré vraiment de gros moyens, et cela ne peut malheureusement pas se répéter tous les ans. »

Pour plus d’informations sur le Centre littéraire tchèque, cf. : www.czechlit.cz.