Prague a réfléchi sur « Milan Kundera l’Européen »

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« Dans ses romans et dans ses essais, Milan Kundera pense le devenir de l’état de la société et de l’Europe ». C’est ainsi que le sénateur Jiří Dienstbier explique les motifs de sa décision d’organiser à Prague, ce mardi, un séminaire intitulé Milan Kundera l’Européen, en présence du philosophe Václav Bělohradský, du publiciste Antonin Liehm, de l’universitaire Martin Petras et d’autres invités. Une initiative liée, aussi, au récent 80ème anniversaire de la naissance de Milan Kundera qui, comme le soulignent les promoteurs du séminaire, n’a pas eu à Prague le retentissement qu’il aurait mérité.

Comment définir le « caractère européen » (evropanství) de Milan Kundera? Martin Petras, maître de conférence de l’Université de Lille, a essayé d’y trouver une réponse.

« On peut le définir de beaucoup de façons. Moi, j’ai ma façon de le définir… je pense que dans le débat qui se déroule actuellement en France, il existe certaines preuves, il y a certains documents qui existent, par exemple le fait que Kundera figure maintenant dans les dictionnaires ou dans les manuels de la littérature française… l’enjeu actuel est donc est-ce que Kundera est un écrivain français ou est-ce qu’il est devenu français, ou bien est-ce qu’il est toujours un écrivain tchèque, est-ce qu’il est un écrivain bilingue ou est-ce qu’il est un écrivain franco-tchèque, etc. »

Et tout ce débat…

« Je pense que Kundera refuse tout ce débat, et revendique pour lui et pour d’autres romanciers, pour de véritables romanciers un statut supranational. Et c’est ce statut supranational qu’il a élaboré dans ses considérations sur le roman, dans ses différents articles, dans ses essais. L’européanité, l’européisme, enfin le caractère européen de Milan Kundera, on peut le définir par un refus de la perspective nationale pour le roman et pour le romancier ».

Martin Petras rappelle en outre que Milan Kundera se révolte depuis le début contre la vision qui le présente comme un témoin d’un pays de l’Est.

« Il y a une émission de télévision célèbre où – je ne sais plus si c’est Pivot ou Souffert qui lui dit, vous êtes un écrivain venant d’un pays communiste, d’un pays de l’Est. Et Kundera, il dit : voilà deux mensonges concentrés dans ces deux phrases : ce n’est ni un pays communiste, ni un pays de l’Est ».

Comme on le sait, dans le pays natal de Milan Kundera qui vit depuis les années 1970 en France, la réception de son œuvre est contrastée. Il est pourtant l’un des rares auteurs qui écrivent ou qui ont écrit en tchèque et qui soient traduits un peu partout dans le monde. Selon Petr Janyška, ambassadeur tchèque auprès de l’UNESCO, les raisons pour lesquelles Kundera est devenu un auteur mondialement connu semblent évidentes.

« C’est peut-être parce qu’il a su transformer et transposer ce qu’il avait vécu en Tchécoslovaquie sous l’ancien régime et l’expliquer d’une certaine façon au reste du monde qui n’a pas eu cette expérience. Il a su la transposer d’une telle façon que les gens ont compris que beaucoup de ce qu’on a vécu ici, sont des questions, des problèmes éternels qui existent partout, mais sous une autre forme peut-être. Evidemment c’est un grand auteur en ce qui concerne le style, il travaille énormément avec chaque mot, avec chaque phrase, il veille personnellement sur les traduction, et en français et en tchèque, c’est quelqu’un qui réfléchit beaucoup. »

Milan Kundera,  photo: CTK/Gallimard
« Ce qui est intéressant avec lui, entre autres, c’est qu’il met l’accent sur le fait qu’il ne faudrait pas se plier par rapport au monde qui nivelle, au monde de consommation peut-être, il met l’accent sur le droit de l’individu d’avoir sa propre pensée, d’avoir sa vision, sa réflexion authentique qui ne soit pas déformée par la publicité, par les séries de télévision etc., qu’il faut réfléchir, qu’il faut lire, relire des auteurs ».

A l’occasion du séminaire qui s’est tenu dans les locaux historiques du Sénat, Milan Kundera lui-même a traduit en tchèque plusieurs parties de ses essais qu’il avait écrits en français, car ceux-ci tout comme les derniers romans de l’écrivain n’existent pas en version tchèque.