Le chef d'oeuvre de Bedrich Smetana revient au répertoire du Théâtre national
Le 27 novembre a eu lieu au Théâtre national de Prague la première d'une nouvelle production de l'opéra, "Le Secret", de Bedrich Smetana. Bien que cet opéra ait été écrit par le compositeur vers la fin de sa vie, à l'époque où il était malade et pratiquement sourd, on peut le considérer comme un des sommets de l'ensemble de son oeuvre et probablement son opéra le plus achevé.
Smetana voulait composer un opéra comique et Eliska Krasnohorska, auteur du livret, a imaginé une histoire qui ne manque pas de situations amusantes. L'opéra évoque tout de même aussi des moeurs et des passions qui en font une image de la vie beaucoup plus complexe. A cette image de la vie, la musique de Smetana donne une force, une saveur et une profondeur qui ne cesse de subjuguer et d'émouvoir le public. Au-delà du récit d'une hostilité entre deux échevins d'une petite ville tchèque, l'opéra raconte surtout deux histoires d'amours. D'une part l'amour de Roza, une femme mûre délaissée jadis par un des échevins qu'elle n'a pourtant jamais cessé d'aimer. D'autre part l'histoire amoureuse de Vit et Blazenka qui ont le malheur d'être le fils et la fille des deux échevins qui se haïssent. Les jeunes amants ressemblent un peu à Roméo et Juliette de Shakespeare, mais leur histoire aboutit à un dénouement heureux. A tout cela, on a ajouté quelques personnages typiques de petite ville et le choeur de citadins. Et c'est avant tout la curiosité, le désir de s'amuser et les superstitions de ces citadins, témoins des hostilités et des amours des héros de l'histoire, qui donnent à l'opéra son aspect comique.
La dernière production du Théâtre national est une tentative de jeter un regard moderne sur ce chef-d'oeuvre. Le scénographe Daniel Dvorak a situé l'action dans un espace vide où la silhouette de la petite ville dominée par les ruines d'un château est dessinée par des tubes de néon. La mise en scène de Jiri Nekvasil n'arrive cependant pas à développer et à soutenir l'intrusion de l'élément moderne dans cette oeuvre déjà classique. Il reste donc la musique et les voix des chanteurs pour ressusciter la magie de cet opéra. Zdenek Plech et Roman Janal dans les rôles des deux échevins, Jana Sykorova qui incarne Roza, Tomas Cerny dans le rôle de Vit et Yvetta Jirikova dans celui de Blazenka ont été à la hauteur de leur tâches, ont su être convaincants sur la scène et ont permis au public de savourer les beautés de la partition. L'orchestre dirigé par un jeune chef, Zbynek Müller, était plein de tempérament, mais il lui faudrait un peu plus de retenue parce qu'il avait parfois la tendance à couvrir les voix. Malgré ces quelques remarques critiques, le résultat de ce travail mérite d'être vu et entendu. Il démontre entre autres que « Le Secret » de Smetana reste vivant et passionnant bien qu'il ait été créé en plein XIXe siècle.