Le cinéma Lucerna a choisi un film français pour reprendre après huit mois de fermeture

Les cinémas ont depuis ce lundi l’autorisation d’accueillir à nouveau du public. Pour cette occasion, Radio Prague International s’est rendu dans le plus célèbre des cinémas tchèques, le Lucerna, à Prague pour assister à la toute première projection depuis près de huit mois.

La galerie du Lucerna, palais iconique de Prague, fondé par la famille Havel, peine encore à se remplir. Pour tout vous dire, nous étions même seuls, sous la statue de Saint Venceslas assis sur le ventre de son cheval qui pend au plafond. Si les amateurs de sculpture ne sont donc pas au rendez-vous, pas plus que les touristes curieux, les cinéphiles semblent également se faire désirer. La caisse du cinéma ne déchaîne pas les foules, c’est le moins que l’on puisse dire.

Et s’il est évident que le lundi après-midi n’est pas l’horaire le plus évident pour remplir les salles obscures, on s’attendait quand même à ce que quelques curieux fassent le déplacement pour ce qui s’apparent à un petit événement dans le monde de la culture : la réouverture des salles de cinémas et des théâtres.

Le cinéma Lucerna | Photo: Site officiel de Kino Lucerna

Une séance presque privée

15h45. La séance est sur le point de débuter. Une (seule) spectatrice a pris place sur un siège orange au milieu de la salle immense et ornée du Lucerna qui rappelle davantage un théâtre de la belle époque qu’une salle de projection.

Claire est française et est arrivée à Prague depuis une semaine, pour y effectuer un stage. Elle ne s’attendait pas à vivre une séance … rien que pour elle :

« C’est un plaisir de venir ici. On m’avait recommandé d’aller au Lucerna, et quand j’ai regardé le programme j’ai vu qu’ils projetaient le film Été 85 que je voulais voir avant le confinement … C’était donc super qu’il y ait ce film-là, dans ce cinéma-là. »

Štěpán Bukáček | Photo: LinkedIn de Štěpán Bukáček

Pour accéder à la salle à l’étage il aura toutefois fallu à Claire de présenter un document attestant de sa bonne santé : un test PCR de moins d’une semaine, un test antigénique de moins de trois jours, un certificat de vaccination ou une preuve d’infection au Covid dans les trois derniers mois.

Štěpán Bukáček, un des responsables du cinéma, ne comprend pas la décision du gouvernement d’imposer aux cinémas de vérifier les documents des clients alors que « ce n’est pas le cas des restaurateurs ou propriétaires de bars ». Il précise néanmoins que « les employés du cinéma vérifieront bien les documents des spectateurs », et que « l’information sera systématiquement rappelée à l’achat d’un ticket, que ce soit en ligne ou à la caisse ».

Un rythme ralenti

Pour la journée d’ouverture, « un peu moins de vingt tickets ont été vendus »,  selon Štěpán Bukáček. En temps normal les ventes quotidiennes du cinéma se comptent plutôt en centaines, signe qu’il reste encore du chemin à parcourir.

D’ailleurs, pour le moment le nombre de projections est également réduit. Certains cinémas ont de leur côté fait le choix de ne pas rouvrir. C’est le cas des multiplex qui protestent encore contre l’interdiction de servir de la nourriture et des boissons aux spectateurs.

Dans les semaines à venir, les programmateurs des cinémas auront la lourde tâche de devoir jongler entre les films sortis avant la pandémie mais n’ayant pas été suffisamment exploités, et long-métrages produits depuis. Selon Štěpán Bukáček, le Lucerna a fait le choix du mélange :

'Été 85' | Photo: Diaphana Distribution

« En préparant la programmation, nous avons regardé les films dont la distribution avait été interrompue par les mesures sanitaires, et nous les avons combinés avec de nouveaux titres. Aujourd'hui par exemple nous avons le film français Été 85 et le film danois Drunk (Chlast, en tchèque). Ils ont tous les deux fait leur première l'an dernier, et nous avons choisi de les programmer parce que le public n'avait pu les voir qu'à l'occasion de festivals.

C'est donc un mélange de films récents et anciens, mais nous voyons qu’il y a un fort intérêt pour les comédies. Notre but est donc d'offrir aux gens ce qu'ils n'ont pas pu avoir pendant le confinement, et apparemment ils ont besoin de rire. »

Ainsi, en dépit de la moindre affluence, la première projection au Lucerna avait la saveur d'une révolution. Une révolution à tous les sens du terme d'ailleurs. Celui d'un changement radical, l'ouverture après des mois de fermeture. Mais aussi au sens astronomique, le retour au point de départ, à une situation donnée, en l’occurrence, à une période quasi-normale où se rendre au théâtre ou au cinéma est une activité… autorisée.