Le cinéma tchèque s’empare du thème des accords de Munich
Suivre les déboires du perroquet d’Edouard Daladier, qui, à l’âge vénérable de 90 ans, ressurgit en République tchèque via l’Institut français de Prague et qui répète à tort et à travers les propos, parfois polémiques, de son défunt maître sur Hitler et sur les Tchèques : tel est le postulat de départ de Ztraceni v Mnichově (Perdus à Munich), le nouveau film du réalisateur à succès Petr Zelenka, qui sort sur les écrans ce jeudi. Actuel directeur de l’Institut français de Pologne, Stanislas Pierret, qui connaît bien les pays tchèques pour y avoir débuté sa carrière à la fin des années 1980, s’est fait acteur pour ce long-métrage. Pour Radio Prague, il raconte son expérience et évoque la toile de fonds du film, douloureuse dans le cadre des relations franco-tchèques : les accords de Munich, quand, en septembre 1938, les Français, sous la férule de Daladier, et les Britanniques ont laissé Hitler s’emparer des Sudètes tchécoslovaques.
« Oui ! Je suis prêt pour jouer la question du traité de Trianon en Hongrie (où la Hongrie, défaite et humiliée, a perdu les deux tiers de son territoire après la Première Guerre mondiale, ndlr) ! Je plaisante. Je crois qu’ils ont pensé à moi parce que je connais bien ces problématiques, et puis je parle tchèque. Je ne le parle pas beaucoup dans le film, mais il n’y avait pas besoin de traduction sur le tournage. Ensuite, j’ai des amis ici qui ont parlé de moi au réalisateur, notamment Aleš Najbrt (un artiste tchèque, ndlr). J’ai fait mon casting et, en fait, j’ai été pris. Mais c’est vrai que j’ai une histoire dans ce pays, une histoire qui ne remonte pas à Munich ! Une histoire qui remonte à 1989. »
Vous n’êtes pas un acteur à proprement parlé. Vous avez touché à la peinture, à la littérature. Comment vous êtes-vous préparé pour ce rôle ?
« Je ne me suis pas vraiment préparé. J’ai bien lu le scénario, j’ai lu pas mal de choses autour d’Edvard Beneš, notamment la biographie d’Antoine Marès, qui est très bien mais où il n’y a pas, je crois, l’interprétation des accords de Munich de l’historien Jan Tesař. Et c’est aussi l’un des aspects du film très important. Il revient sur ces accords et les interprète un peu différemment. Pour lui, Edvard Beneš a fait des accords de Munich une victoire diplomatique. Je n’en dis pas plus parce qu’il faut que les gens aillent voir le film. Bien sûr, la France a trahi. Ce n’est pas le seul pays qui a trahi. On parle assez peu des Anglais alors qu’ils étaient pourtant en première ligne. L’interprétation de Tesař est intéressante parce qu’il dit que Beneš a fait de sa faiblesse une force diplomatique et que c’est finalement une victoire diplomatique pour les Tchèques. Il interprète également la non-activité des Tchèques en 1948 et en 1968 à partir de cette lecture. C’est assez intéressant je crois. »Cela reste un moment douloureux des relations entre la France et la Tchécoslovaquie. Comment ce film a-t-il fait évoluer votre regard sur ces accords de Munich ?
« C’est drôle, je me souviens de mon premier séjour ici juste avant la Révolution de velours. C’était une période très intéressante, très intense. J’avais une secrétaire qui s’appelait Mme Budínová. A l’ambassade, Mme Budínová travaillait pour la Tchécoslovaquie de l’époque bien sûr. C’était étonnant parce que, dès qu’on avait un conflit avec elle, elle me parlait toujours de Munich ! Pendant très longtemps, cela a été une souffrance je pense. La France était très proche de la Tchécoslovaquie et on ne trahit que ‘le même’ dans la vie. On trahit l’identique, on trahit l’ami. En tous les cas, c’est bien qu’il y ait pour la première fois, à ma connaissance, un film qui porte sur ce thème. Il y a cette lecture de Tesař qui apporte vraiment sa pierre et il y a aussi cette poésie et cet humour qui font qu’on aborde ce thème en s’en sortant avec une pirouette ! »Vous êtes un peu chez vous à Prague. Que représente cette ville pour vous ?
« J’ai beaucoup de souvenirs et pas seulement des souvenirs. J’ai assisté à ces grands moments de la Révolution de velours, j’étais présent. C’est quelque chose qui, bien sûr, continue à me marquer. J’ai scellé des amitiés très fortes, très durables. Souvent les Français disent que les Tchèques… blabla… En fait, les Tchèques sont des gens qui donnent difficilement leur confiance. Mais quand ils vous l’ont donnée, c’est pour la vie. » Et pour revenir sur les grands moments de la Révolution de velours vus à travers l’œil de Stanislas Pierret :
http://www.radio.cz/fr/rubrique/panorama/stanislas-pierret-avant-1989-javais-conscience-quil-se-passait-quelque-chose-1
http://www.radio.cz/fr/rubrique/panorama/stanislas-pierret-en-1989-jai-compris-que-dubcek-ne-serait-jamais-president