Le Code pénal tchèque interdit la publication des écoutes téléphoniques

La Chambre des députés a adopté, jeudi, l’amendement au Code pénal qui interdit nouvellement la publication des écoutes téléphoniques dans les médias. L’adoption de cet amendement est très critiquée par les journalistes et les éditeurs, aussi bien en Tchéquie qu’à l’étranger.

Les députés ont réussi à faire passer l’amendement au Code pénal qui leur avait été renvoyé par les sénateurs. Si le président de la République, Václav Klaus, le signe, les journalistes ne pourront plus publier le contenu des écoutes téléphoniques dans les médias sans risquer cinq ans de prison ou une amende de 5 millions de couronnes (dans les 180 000 euros). Précisons qu’à l’origine cet amendement devait interdire la publication dans les médias des photographies et des noms des enfants victimes d’actes criminels. L’interdiction de la publication des écoutes téléphoniques y a été ajoutée par la Commission du droit constitutionnel de la Chambre des députés, à l’initiative de son président, Marek Benda, député du Parti civique démocrate leader de la coalition gouvernementale. Il nous explique pourquoi :

« Si un individu se rend coupable d’un acte criminel, il doit pour cela passer en justice, doit être condamné par cette justice et exécuter la peine qui lui a été infligée. C’est le droit du pouvoir de l’Etat, et c’est le problème des policiers et des fuites des écoutes téléphoniques. Quand ils n’arrivent pas à prouver que cet individu est coupable, ils choisissent de ne pas présenter ces écoutes à la justice et, par l’intermédiaire de journalistes amis, ils les mettent à la disposition du public en pensant que justice sera faite d’une manière ou d’une autre. »

Le député Marek Benda admet qu’il serait préférable de découvrir les sources des fuites des écoutes téléphoniques dans les rangs des policiers ou des avocats mais, selon lui, c’est le plus souvent impossible. Josef Klima, un journaliste de la chaîne de télévision privée Nova qui se spécialise dans l’investigation, n’est pas d’accord avec les arguments du député et, d’après lui, cet amendement au Code pénal entravera considérablement le travail des journalistes. On l’écoute :

« Dans notre Etat, où un grand nombre d’affaires ont fini dans un tiroir, et nous savons pourquoi, quand certaines refont surface, nous sommes persuadés que la publication des écoutes téléphoniques jouait un rôle important d’assainissement de la société. »

Le Syndicat des journalistes tchèques a appelé le président de la République, Václav Klaus, à ne pas signer l’amendement au Code pénal, sinon le Syndicat présentera une requête à la Cour constitutionnelle en invoquant la liberté d’expression et le droit à l’information.

Une forte réprobation s’est faite entendre à l’étranger de la part de l’Association des éditeurs, l’ENPA, ou de Reporters sans frontières dont le secrétaire général, Jean-François Julliard, avait déjà déclaré fin janvier : « L’Union européenne doit être irréprochable et exemplaire dans les réformes qu’elle entreprend autour du droit régissant les médias. Elle doit avant tout veiller à l’élaboration de textes qui élargissent les libertés individuelles, et non de législations qui restreignent les champs d’investigation. »