« Le cosmos privé », un nouveau documentaire de Helena Třeštíková sur une « famille ordinaire »

Auteur de plus de cinquante documentaires, Helena Třeštíková, 62 ans, a sa spécialité : celle de suivre ses personnages durant une longue période, souvent pendant plusieurs dizaines d’années. Après avoir dépeint dans ses précédents documentaires, des destins compliqués, dramatiques voire tragiques, ceux de Marcela, une mère solitaire qui perd sa fille, de la toxicomane Katka ou d’un délinquant René, Helena Třeštíková nous propose, en ce début d’année, pour changer, un documentaire sur une famille tchèque ordinaire. Tourné sur une période de 37 ans, avec des personnes qu’elle connait intimement, « Soukromý vesmír » (« Le cosmos privé ») a été, comme l’avoue la réalisatrice, le plus difficile de ses projets.

L’histoire de ce film remonte à 1974, où Helena Třeštíková venait de terminer ses études à l’école supérieure de cinéma de Prague, la FAMU. Dans son premier court-métrage qui avait pour thème la maternité et la manière dont la naissance d’un enfant transforme la vie d’une femme, Helena Třeštíková a filmé son amie d’enfance, Jana, une jeune sociologue pragoise. Avec sa caméra, Helena Třeštíková a suivi l’accouchement du premier enfant de Jana, instant que la réalisatrice qualifiera selon ses mots comme l’« expérience cruciale » de sa vie de femme et de cinéaste. C’est, selon elle, cette expérience-là qui lui a donnée l’envie de continuer de filmer cette famille. Helena Třeštíková :

« Comme la naissance de ce petit garçon, Honza, a motivé la poursuite du tournage, c’est donc lui qui s’est imposé comme le personnage central de ce futur film. J’avais le sentiment très fort que le film devait être sur lui, qu’on devait le voir grandir, voir s’il allait être heureux dans ce monde et ce qu’il allait faire de sa vie. »

'Le cosmos privé'
Pendant presque quarante ans, de 1974 à 2011, Helena Třeštíková a donc tourné la vie de la famille Kettner avec la participation de plusieurs chefs opérateurs et sur des formats différents. Durant des années de tournage sur d’autres films, elle s’est occupée de ses propres enfants qui, lorsqu’ils sont devenus adultes, ont également collaboré à la préparation de son dernier documentaire.

En montant le film, la réalisatrice s’est appuyée sur les journaux intimes du père Petr Kettner, où celui-ci documentait, tout au long de ces quarante ans, avec simplicité et humour, le quotidien de sa famille. Une famille unie et heureuse, opposée à l’idéologie communiste mais non persécutée et qui traverse avec son pays, tous les soubresauts de la fin du XXe siècle : le film propose de suivre, avec les Kettner, les naissances successives de Honza, de ses sœurs Anna et Eva et de les voir grandir dans une maison familiale près de Liberec, où la famille emménage à la suite de son départ de Prague.

'Le cosmos privé'
Nous traversons avec les parents, l’adolescence tumultueuse de leur aîné qui, après avoir abandonné ses études et expérimenté les drogues, s’installe au Pays Basque pour y trouver sa place dans la vie.

Mais ce quotidien familial, Helena Třeštíková le replace dans le contexte historique. Elle l’illustre abondamment d’images de la télévision d’avant et d’après la chute du communisme, images consacrées notamment à deux sujets fétiches des médias, à savoir la carrière du chanteur populaire Karel Gott et la conquête spatiale. Helena Třeštíková :

Helena Třeštíková  (à gauche)
« Pour moi, le thème principal de ce film est ‘comment remplir sa vie’. Cela concerne tout le monde : les parents, Honza, ses sœurs, mais aussi Karel Gott et ceux qui envoient les fusées dans l’espace. Nous sommes ici pour une courte période seulement, alors que faire de ce temps qui nous est réservé… ? »

Le documentaire de Helena Třeštíková « Le cosmos privé » sort en salles en République tchèque le 26 janvier prochain. Il sera également présenté au prochain Festival international du Film de Karlovy Vary.