Le festival KoresponDance inscrit l’art dans la vie quotidienne des habitants de Žďar nad Sázavou
Du 13 au 15 juillet, le festival KoresponDance reprend ses quartiers à Žďar nad Sázavou. Située à 150 km de Prague, dans la région de la Vysočina, la commune de Žďar abrite un site classé à l’UNESCO, l’église votive Saint-Jean-Népomucène, chef d’œuvre baroque du début du XVIIIe siècle. S’y trouve également un autre lieu exceptionnel, le château, qui est revenu à la famille Kinský dans le cadre des restitutions des biens confisqués par le régime communiste. C’est là qu’a élu domicile depuis 2013 le festival KoresponDance, auparavant organisé exclusivement à Prague. Marie Kinský ancienne danseuse et fondatrice du Centre de développement chorégraphique SE.S.TA, porte ce projet ambitieux. Avant de rentrer dans le détail du programme varié de cette année, elle est revenue sur l’évolution de l’événement, qui aujourd’hui n’est plus uniquement un festival de danse contemporaine, mais aussi de nouveau cirque et de théâtre de mouvement.
Avant de parler du programme en détail et des invités, j’aimerais évoquer un projet qui m’a semblé particulièrement intéressant. Il s’agit de Škola tančí, que l’on peut traduire comme ‘L’école danse’. C’est un travail avec des écoles, et d’ailleurs à Žďar nad Sázavou, dans le cadre du festival, vous avez également un spectacle d’enfants…
« Le festival est là, pas uniquement pour montrer des spectacles. Il est là aussi pour donner la possibilité aux citoyens, aux gens du lieu que l’art est pour eux et qu’il est là, à utiliser dans leur vie quotidienne. Ce n’est pas juste du plaisir en plus, c’est aussi quelque chose qui peut être vital pour certains. Nous avons donc tout au long de l’année ce projet ‘L’école danse’ qui est basé sur un principe que j’ai connu en France, ‘Danse l’école’. Le principe, c’est de mettre en relation des chorégraphes professionnels et des professeurs des écoles qui, ensemble, avec les enfants, vont créer un spectacle sur la base d’une matière scolaire. Cela veut dire que les enfants vont apprendre une matière scolaire type mathématiques, sciences, langues, au travers du mouvement, avec la traduction intellectuelle différente que permet la danse, par la connaissance par le mouvement, par l’aller-retour entre réalité et concept, avec des mémoires différentes. C’est un projet très riche, pour lequel la danse n’est plus l’objet mais le moyen. Nous faisons cela particulièrement avec les écoles de Žďar, nous avons aussi des possibilités de former des chorégraphes et professeurs à Žďar et tout ceci se diffuse dans la Vysočina. Mais c’est un projet à ambition nationale. »Un des projets les plus intéressants jette des ponts entre la Tchéquie, la France et le Ghana. Il lie musique traditionnelle africaine et musique baroque. Comment tout ceci s’articule-t-il ?
« Le titre du projet est R’n B pour dire ‘Rythme et Baroque’ ! L’objet de ce projet au long cours, sur trois ans, est de confronter la culture traditionnelle africaine vivante, d’où l’invitation du Ghana Dance Ensemble dont la mission est de garder vivantes les différentes traditions existant au Ghana, avec toutes les recherches qu’en Europe nous faisons sur l’état de l’art baroque au XVIIIe siècle. Nous mettons ensemble non seulement des artistes de République tchèque qui ont une vision différente du baroque des artistes français, nous sommes en train de travailler aussi sur la possibilité de travailler avec des Anglais qui ont aussi une vision différente. Il s’agit donc de trouver la diversité des traditions baroques en Europe et de les confronter avec les traditions vivantes au Ghana. Ce projet confronte des contextes culturels. Quel était le contexte culturel de la tradition ghanéenne au XVIIIe siècle ? Que peut-on savoir de notre culture au XVIIIe siècle ? Tout cela est un grand processus dans lequel sont impliqués l’ensemble Sprezzatura de France, des artistes tchèques, et l’Institut des études africaines. »Quelle est la part du nouveau cirque dans cette nouvelle édition ?
« Les spectacle-phare du festival nous vient de Londres. Il s’appelle Bromance. Ce sont quatre jeunes artistes qui ont une grande sensibilité artistique, une grande qualité de mouvement, mais qui sont complètement dingues (rires) ! Ils volent dans tous le sens, ce sont des acrobates avec des cerceaux. Je ne sais pas comment ils font, ils sont dans le ciel, sur terre, à l’horizontale, à la verticale. C’est gai, magnifique et époustouflant. C’est le vendredi soir et le samedi soir, dans Žďar même, pas dans l’espace du château. »Le festival accueille une plateforme, Fillimit. De quoi s’agit-il ?
« Fillimit est une plateforme pour les professionnels. Le festival a pour objectif d’avoir une programmation pour un très large public, tout en faisant en sorte qu’elle soit suffisamment pointue pour attirer des professionnels. Nous nous conformons à la mission du Centre de développement chorégraphique qui est d’aider les professionnels à avoir plus de potentiel créatif et à créer un réseau plus intense. Fillimit ce sont cette année 15 artistes professionnels, qui ont déjà une jolie carrière derrière eux, qui vont se rencontrer pour la première fois à Žďar nad Sázavou. Ils vont passer huit jours ensemble dont cinq jours pour se connaître au travers du travail, et trois jours avec d’autres professionnels, dont des producteurs. L’objectif est de voir peuvent échanger chorégraphiquement et artistiquement et de pouvoir diffuser davantage leur travail.
Si nous voyons que des artistes ont un projet à soutenir, les partenaires du projet Fillimit ou nous-mêmes les invitons en résidence, pour pouvoir ensuite présenter le résultat dans le cadre du festival. C’est comme ça notamment qu’est né le projet R&B mais aussi le spectacle A Corridor Piece que nous avons proposé l’année dernière. Il y a des spectacles merveilleux, des gens qui se rencontrent alors qu’ils n’auraient jamais pu sans cela, et qui voient leur travail produit. Cette année, les gens du projet Fillimit vont aussi présenter au public de Žďar des extraits de leurs travaux passés, donc on va avoir une sorte de show-case de quinze artistes du monde entier. Les festivaliers vont aussi pouvoir suivre ces artistes et nous les impliquons donc aussi dans le processus de création des artistes et les directions qu’ils vont développer. »On ne peut pas détailler tous les spectacles, puisque vous avez énormément de perles dans ces trois jours de festival, est-ce qu’on pourrait peut-être mettre en avant un ou deux événements à ne pas manquer ?
« Dans le cadre de ces trois jours, il y a vingt représentations, dix ateliers pour le public, quatre rendez-vous professionnels, des possibilités de voir le lieu et le musée… Donc si vous avez envie de passer un week-end prolongé, vous avez de quoi faire et de quoi choisir ! Si je dois parler de coups de cœur, en plus de ceux dont j’ai déjà parlé, je recommanderais absolument de voir les mexicains Foco alAire pour leur spectacle Los Ultramar, mais aussi La Audición qui va être adaptée pour notre lieu. Ce sera quelque chose de très inattendu, joyeux et théâtral. Je recommanderais également de voir quelque chose de beaucoup plus intimiste et minimaliste, qui a une écriture chorégraphique fabuleuse : il s’agit de la compagnie grecque du danseur Papadopoulos qui vient présenter Opus. Nous poursuivons avec eux la tradition du festival de travailler avec des partitions de Bach, c’est un bijou. »