Le feu, le sang, les étoiles, de Caroline Deruas : l’engagement au cinéma
Le 12e Festival du Film Français s’est achevé mercredi soir, mais comme promis, rencontre aujourd’hui avec une autre réalisatrice venue présenter son court-métrage comme Grégoire Colin. Avec Le feu, le sang, les étoiles, Caroline Deruas signe 15 minutes d’un pamphlet politique et poétique, né au lendemain de l’élection présidentielle en France, en 2007. Radio Prague en a donc profité pour lui demander son point de vue sur le cinéma et l’engagement du septième art en France.
« Moi je n’ai pas vraiment l’impression que ça se réengage. Le seul endroit où ça se réengage un peu, c’est le documentaire, mais dans le cinéma de fiction, qu’il s’agisse de longs ou courts-métrages, je n’ai pas vraiment l’impression. Moi, c’est quelque chose que j’ai envie d’aborder vu tout ce qui se passe en France aujourd’hui. Après ce film-là, j’ai participé à un film collectif qui réunit une cinquantaine d’artistes et qui réagit à l’accident qu’a eu un jeune home qui a reçu une balle de flash-ball dans l’œil peu après une manifestation après la liquidation d’un squat. On a fait un film où 50 artistes ont fait un court-métrage évoquant ça ou les violences policières, l’immigration. Je pense qu’il y a des choses à faire. J’ai envie de parler de ça, c’est d’ailleurs assez obsessionnel ces derniers temps chez moi. Mais de façon générale, je n’ai pas l’impression que le cinéma se réengage. »
Les jeunes que vous mettez en scène, qui ont la gueule de bois après l’élection présidentielle, ne me semblent pourtant pas très combatifs. Désillusionnés, il y en a qui se suicident...
« Ils ne se suicident pas tous. En fait dans cette deuxième partie il y a cette bande de jeunes, tous sont certes très abattus, mais ils réagissent de façon différente. Un groupe va dire qu’il faut partir au combat. Un autre jeune homme va dire : ‘non merci, je vais me planquer dans les bois’. Et un troisième groupe qui va partir à l’extrême opposé, dans le suicide. »En voyant ces jeunes, je me suis quand même dit qu’il s’agissait de jeunes privilégiés qui vivent dans les VIe et VIIe arrondissements à Paris, qui se révoltent mais font partie du système. J’ai l’impression que, finalement, le salut ou le refuge se trouve dans cette part poétique de votre court-métrage, qui est l’enfance, avec le personnage de la petite-fille. Comme si la solution était en fait là, dans l’anticipation de l’avenir : quand elle sera grande, peut-être ce sera différent...« Pour ce qui est du groupe de jeunes, je ne me sentirais pas honnête de parler à la place des jeunes gens de banlieue, que j’admire dans leur révolte. Mais je me sentirais malhonnête de parler à leur place. Donc je parle d’un groupe de gens que je connais. Oui, c’est mon milieu. Je vis dans le VIe arrondissement, on peut y vivre même avec pas trop d’argent, certes on est des privilégiés, mais ce n’est pas pour autant qu’on n’a pas d’idéal et qu’on n’a pas envie de le défendre. Ensuite, en effet, l’onirisme dans lequel j’ai essayé de situer mon film, c’est ma bulle, c’est ce qui me donne envie de vivre, de me plonger dans cette poésie. C’est une façon de me protéger de faire le film avec cette touche-là. Et puis, effectivement, ma fille est tout l’espoir que je porte ! »