La comédie « Le Nouveau Jouet » de James Huth sortie en salles en Tchéquie
« Il faut être fou pour faire un remake du Jouet », admet le réalisateur James Huth. Pourtant, il s’est lancé dans l’aventure et a signé une nouvelle version réussie de la comédie phare des années 1970 en France. Porté par Jamel Debbouze et Daniel Auteuil, « Le Nouveau jouet », raconte l’histoire de l’homme le plus riche de France et de son fils qui, le jour de son anniversaire, choisit dans le magasin de jouets appartenant à son père un cadeau inhabituel : Sami, le gardien de nuit de l’établissement. James Huth est venu récemment à Prague pour assister à la sortie du « Nouveau Jouet » en République tchèque dans le cadre du 25e Festival du film français. Il nous parle de son film, mais aussi de ses origines tchèques et de sa deuxième vie de cinéaste.
« Mes arrière-grands-parents étaient tchèques, ma grand-mère a vécu en Hongrie. Mon père est né là-bas, il a grandi dans le ghetto de Budapest et il est arrivé en France en 1948. Quand je viens à Prague et en Europe de l’Est, je ressens fortement mes origines. C’est vrai que le goulash et le strudel sont mes nourritures de base, le cymbalum et le violon sont mes instruments préférés… Donc voilà, je me sens chez moi dans cette région. »
Comment êtes-vous venu au cinéma ?
« Je suis venu au cinéma par passion. J’ai commencé par un autre métier : j’étais dentiste, spécialisé en chirurgie. Je tenais le service de chirurgie de la faculté des implants à l’hôpital, j’avais deux cabinets. J’allais au cinéma cinq fois par semaine… Un jour, j’ai réalisé que l’on ne vivait probablement qu’une fois. Et j’ai totalement changé de vie pour poursuivre ma passion. J’ai tout lâché… Ça a été terrible au départ, parce que je devais me marier et tout a évidemment explosé. Les relations avec mon père ont été très compliquées. Mais je n’ai pas regretté une seule seconde ce changement. »
Quelle place occupe « Le Nouveau Jouet » dans votre filmographie ?
« C’est un film important pour moi pour beaucoup de raisons. D’abord, c’était un rêve de pouvoir donner sa version de ce film qui m’a tant fait rêver quand j’étais enfant. Ensuite, ‘Le Nouveau Jouet’ est un film qui procure beaucoup d’émotions et aborde des thèmes très profonds. En même temps, il reste un ‘feel-good movie’ pendant lequel on rigole beaucoup. C’est précisément ce que j’ai envie de voir au cinéma. J’ai envie de rigoler parce que c’est ce qu’il y a de plus cher. Pour avoir passé du temps à opérer des gens – parce que je faisais beaucoup de chirurgies oro-faciales, j’ai reconstruit des visages qui avaient été détruits et j’ai passé du temps dans les salles d’urgences – c’est vrai que de me cacher au fond de la salle et d’entendre rire les gens, cela me donne la force de passer des années à écrire des histoires. »
La difficulté de dire « je t’aime »
Votre film est une nouvelle version de la comédie « Le Jouet », réalisée en 1976 par Francis Veber, avec Pierre Richard dans le rôle-titre. Pourquoi avez-vous décidé de reprendre ce sujet et comment l’avez-vous travaillé ?
« Il n’y a pas de raison de refaire un film qui a déjà été fait si ce n’est pas pour donner un autre point de vue au scénario d’origine. En revoyant ‘Le Jouet’, je me suis rendu compte que ses thèmes étaient beaucoup plus actuels aujourd’hui qu’ils ne l’étaient en 1976. Est-ce que l’argent peut tout ? En France comme dans le reste du monde, il y a de plus en plus de gens extrêmement riches et extrêmement pauvres. On se rend compte que le bonheur n’est pas chez les très riches, et évidemment pas chez les plus démunis. »
« Ensuite, ‘l’enfant roi’, celui à qui l’on permet tout, qui est le roi de la famille, est une expression qui n’existait pas dans les années 1970. C’est un phénomène beaucoup plus présent dans nos sociétés actuelles. Petit, j’étais fasciné par cet enfant qui pouvait rouler en voiture dans sa maison, qui avait une chambre qui nous faisait rêver. Je n’avais pas du tout perçu la critique sociale très dure qui fait la force du film de Francis Veber. Les riches ne s’en sortent pas, les pauvres ne s’en sortent pas… »
« Le Jouet est probablement le film le plus fort de Francis Veber grâce à cette analyse de la société au vitriol. Du coup, il y avait la place pour développer ces thèmes, pour faire un film sur les rapports humains et particulièrement sur les rapports père-fils. C’est quelque chose qui me touche particulièrement. J’avais envie de parler de la difficulté que nous avons de communiquer avec les gens que nous aimons le plus, de la difficulté de leur dire « je t’aime ».
« Francis Veber a été très content en voyant le film. Il a dit : ‘J’ai fait un sapin, vous avez fait un sapin de Noël’. »
Comment ont changé les personnages par rapport au premier film ?
« En fait, cette question ne se pose pas à partir du moment où les personnages sont différents car le parallèle n’est plus possible. Sami habite dans une cité, il a des problèmes pour joindre les deux bouts et se trouve dans une situation familiale particulière. Jamel Debbouze, qui joue ce personnage, n’avait pas à avoir peur d’imiter ou de ne pas être à la hauteur parce que son personnage a sa propre histoire. Elle est différente de celle de Perrin incarné par Pierre Richard dans le film original. La question pourrait plutôt se poser sur l’enfant et sur le personnage de Daniel Auteuil, mais eux aussi ont des liens, des relations humaines, des parcours psychologiques qui leur sont propres. »
Sami, ça ne pouvait être que Jamel
Comment vous avez trouvé vos acteurs ? Notamment Simon Faliu qui incarne Alexandre, le fils de cet homme le plus riche de France ?
« Lors du casting, j’ai vu à peu près 150 enfants. Simon s’est démarqué au deuxième tour. J’ai fait passer une scène clé du film, qui est une scène d’émotion, quand j’ai revu cinq ou six enfants. Simon avait alors onze ans et sa performance nous a tellement épaté de par sa maturité… Dans une partie du film, il joue un enfant très dur et insupportable. Et lui, qui est un amour de môme, a dit en voyant le film : ‘J’espère que les gens ne vont pas penser que je suis comme ça !’. Par ailleurs, il fait aussi la voix du Petit Nicolas dans le film d’animation éponyme présenté dans ce festival. »
Et pour les autres acteurs, notamment pour Jamel Debbouze et Daniel Auteuil, qui sont tous les deux connus en République tchèque notamment grâce à leurs précédents films ? Leur choix a été évident de suite ?
« Quand Sonja Shillito et moi avons écrit la première version du film, nous nous sommes interdit de penser aux acteurs. C’est trop risqué. Nous avons abord envoyé le scénario à Daniel Auteuil. Il était parfait pour ce rôle de l’homme le plus riche de France qui a un handicap de communication, une difficulté à traduire ses émotions. Daniel est un acteur formidable, il sait transmettre une émotion sans même cligner un œil ! »
« Daniel Auteuil était persuadé que Sami, ça ne pouvait être que Jamel qui est d’ailleurs son voisin à Paris, dans le Sud de la France et en Corse ! Tous les deux, ils avaient énormément envie de tourner ensemble. Il ne faut pas oublier l’actrice Alice Belaïdi qui, dans le film, forme un couple avec Jamel. Elle joue dans quelques scènes seulement, mais on a l’impression qu’elle est présente pendant tout le film ! Ils sont un peu comme Spencer Tracy et Audrey Hepburn, j’aurais envie de faire vingt films avec eux. »
James Huth, retrouve-t-on dans ce film quelque chose de votre relation avec votre père ?
« Je crois que c’est le cas dans tous mes films (rires)... Et particulièrement dans celui-là. J’avais un père très présent, très écrasant et à la fois exceptionnel, avec qui c’était très compliqué. Alors oui, une de mes motivations premières pour faire ce film était probablement les relations père-fils. »
« Le Nouveau Jouet » est sorti en salles en République tchèque le 24 novembre dernier.