Le film tchèque « I, Olga Hepnarová » en ouverture de la section Panorama à la Berlinale

'I, Olga Hepnarová', photo: Black Balance

Le coup d’envoi de la Berlinale, grand rendez-vous du cinéma du début de l’année en Europe, sera donné ce jeudi. Et cette année, le cinéma tchèque est représenté par trois films dans la sélection officielle. Le film « Nikdy nejsme sami » du réalisateur franco-tchèque Petr Václav sera présent dans la section Forum. Le film « Ani ve snu ! » de Petr Oukropec a été sélectionné dans le programme destiné à la jeunesse, une section compétitive intitulée Generation 14+. Et surtout, le tout premier opus d’un duo de réalisateurs tchèques, Tomáš Weinreb et Petr Kazda, intitulé « I, Olga Hepnarová », co-production entre la République tchèque, la Pologne, la Slovaquie et la France, présentée en première à Berlin. Pour en parler, Radio Prague a joint le coproducteur français, Guillaume de Seille, d’Arizona Productions :

'I,  Olga Hepnarová',  photo: Black Balance
« J’ai rencontré Tomáš et Petr à Wroclaw avant qu’ils ne réalisent leur film. Ils présentaient leur projet dans le cadre de ce festival que j’aime beaucoup en Pologne. Ils me semblaient un peu seuls, et en même temps, avec une proposition formelle qui était assez intéressante et nouvelle. C’est souvent ce qu’on fait : aider de jeunes talents un peu isolés qui en ont besoin. On s’est donc acoquinés à ce moment-là. Le tournage a eu lieu, la post-production a été longue, convaincre les festivals n’a pas non plus été facile mais au bout de quatre ans, le film est fini et on en est très contents. »

En quelques mots, rappelez-nous qui était le personnage principal du film, Olga Hepnarová ?

Olga Hepnarová,  photo: ČT
« Personnellement, je ne connaissais pas l’histoire. C’est une histoire très tchécoslovaque qui n’a pas beaucoup passé les frontières, en tout cas, des pays non-limitrophes comme la France. Olga Hepnarová était la dernière condamnée à mort féminine de la Tchécoslovaquie, dans les années 1970. Malheureuse, probablement mal aimée par une famille qui ne l’aimait pas assez, elle a décidé à un moment de tuer des gens en lançant un camion sur un abribus à Prague. A priori, comme ça, l’histoire n’est pas glamour ou pas forcément excitante pour des étrangers, et probablement même pour des Tchèques ou des Slovaques. Mais la proposition formelle qu’ils avaient en tête pour aborder le sujet, c’est-à-dire à la fois un film historique, sobre, noir et blanc, très précis, ni à charge ni à décharge, c’était une promesse originale par rapport à ce que fait le cinéma tchèque depuis dix, vingt ans. En même temps, c’est presque lié à ce que peuvent faire les bonnes séries américaines comme Mad Men où parler du passé a évidemment un impact très direct et touchant sur l’histoire contemporaine. La conclusion du film de Tomáš et Petr, c’est qu’il faut aimer ses enfants et prendre soin de sa famille. »

Qu’est-ce que ça veut dire pour un film, comme c’est le cas pour celui-ci, d’être présenté en première à la Berlinale ?

« Il est présenté dans section Panorama qui est la section officielle parallèle importante de Berlin. Pour la petite histoire, à l’origine, le film était invité au Forum, une section un peu plus pointue, expérimentale et difficile. On a fini par monter d’un cran. On a encore monté d’un cran le 21 janvier car Panorama a même décidé d’ouvrir la section avec ce film. Historiquement, Panorama est aussi une section LGBT, même si personne chez nous ne pense que le film est particulièrement LGBT, mais ça fait partie d’un des thèmes du film. C’est aussi un film de l’Europe de l’Est et Berlin, depuis 60 ans, a une tradition très forte de faire découvrir à l’Europe de l’Ouest des pépites de l’Europe de l’Est. Enfin, c’est le deuxième marché le plus important en Europe après Cannes et même si le film n’est pas forcément un blockbuster ou un film facile, ça lui donne une chance assez forte d’avoir une diffusion dans les festivals des douze, dix-huit mois qui vont venir, et éventuellement même d’être acheté par des pays plus exotiques comme en Asie ou en Amérique latine. Sans Berlin, on n’y arriverait jamais ! »

Plus concrètement, en tant que coproducteur et distributeur, comme fait-on pour rendre plus visible un film tchèque ? Comme vous le disiez la production tchèque est peu connue à l’étranger où tout le monde pense en général à la nouvelle vague tchécoslovaque et s’en est arrêté là !

'I,  Olga Hepnarová',  photo: Black Balance
« Eh oui ! Je n’ai pas de recette, à part qu’il faut se battre pour avoir la meilleure plateforme de lancement possible. Berlin, c’est la deuxième meilleure solution de tir et on l’a ! Ouvrir la section Panorama, c’est pratiquement historique pour un premier film tchèque. Après, en effet, on essaye, à travers des outils de communication comme le poster, l’affiche, le dossier de presse, la bande-annonce, de donner la meilleure image du film, et en même temps, quelque chose d’un peu sexy et engageant. Ce n’est pas forcément la direction qu’ont choisie Tomáš et Petr en République tchèque pour le lancement du film qui y sortira en mars en salles. Ils ont choisi une voie plus difficile et probablement choquante que nous n’avons pas. L’histoire d’Olga n’est pratiquement pas connue en-dehors de la République tchèque et la Slovaquie, donc on utilise d’autres vecteurs pour accrocher le spectateur qui achète son billet à Berlin, le vendeur qui peut acheter le film ou le programmateur au Mexique ou en Israël. »