Le grand retour, en République tchèque, de la Journée internationale des femmes

Discréditée sous le régime communiste, la Journée internationale des femmes est, après une pause de quatorze ans, de nouveau célébrée en République tchèque, suite à un vote des députés. Fêtée alors un peu partout dans le pays, la Journée des femmes ressuscitée a engendré une polémique dans la société : est-elle vraiment d'actualité ?

Pour certains, c'est un vestige du passé. On se souvient encore du temps, où les enfants fabriquaient, obligatoirement, à l'école, des voeux pour leurs mamans "travailleuses" et les cuisinières de la cantine scolaire, où les syndicats socialistes de chaque entreprise organisaient des soirées spéciales, où les femmes recevaient, au Château de Prague, des distinctions d'Etat. Et puis, l'un des nombreux paradoxes de l'époque, le 8 mars fut une fête copieusement arrosée, donc appréciée surtout par les hommes. "La Journée des femmes restera une fête bolchevique. Impossible de rétorquer, ici, en République tchèque, qu'elle est fêtée aussi dans d'autres pays démocratiques. La situation est incomparable : ces pays-là n'ont pas vécu, pendant 40 ans, l'horreur du communisme.", écrit, dans le journal Mlada fronta Dnes, le sénateur du Parti civique démocrate Josef Pavlata.

Mais pour d'autres, c'est une nouvelle fête qui vient de naître, en République tchèque : une occasion de faire un bilan sur la situation des femmes et de réfléchir comment l'améliorer. En effet, les actions mises en place ces derniers jours en Tchéquie semblent redonner à la fête sa vraie valeur et son sens d'origine : le week-end dernier, au cours d'un séminaire à Prague, le chef du cabinet, Vladimir Spidla, a condamné la silencieuse discrimination des femmes sur le marché du travail tchèque. Une fraction féminine a été fondée au sein du Parti chrétien-démocrate, l'un des membres de la coalition gouvernementale. La République tchèque s'est jointe à une campagne mondiale contre la violence conjugale, lancée, ce lundi, par Amnesty International. Le Conseil du gouvernement pour la parité entre les hommes et les femmes prépare une série de modification des lois, visant à renforcer la sécurité des femmes maltraitées par leurs partenaires. Selon un récent sondage, plus de 50% des femmes sondées seraient concernées... La parité, la sous-représentation des femmes en politique, leur avenir au sein de l'UE... autant de questions sont traitées lors des colloques de spécialistes tchèques et françaises, organisés régulièrement à l'Institut français de Prague. Monika Pajerova, qui y participe, s'engage dans la politique depuis la Révolution de 1989...

"Les femmes tchèques sont discriminées dans la vie professionnelle : elles sont moins bien payées que les hommes (la différence de salaires peut grimper jusqu'à 20-25%), elles occupent peu de postes de responsabilité. Quant à la politique, en France, par exemple, on trouve 12% des femmes à l'Assemblée nationale. Ici, le nombre est un peu plus élevé, mais on pourrait faire mieux... Je pense que chaque équipe, dans n'importe quel domaine de vie, devrait comporter 30% des femmes. A ce moment-là, les choses vont changer. En politique, si une 'équipe' compte peu de femmes, ces dernières ne peuvent s'occuper que des questions 'féministes', c'est-à-dire des affaires sociales, de la famille, des enfants etc. Mais à partir du moment où l'on franchit la barre de 30%, les femmes peuvent traiter, tout comme les hommes, des thèmes de la démocratie en générale."

Selon Monique Halpern de la Coordination nationale pour le Lobby européen des femmes, la femme d'un pays ex-communiste a une position spécifique...

"Pour moi, c'est une énigme de savoir, ce qui est resté de ces 40 ans du système communiste, d'un système qui, formellement, mettait en place l'égalité entre les hommes et les femmes. Je sais que les femmes ne se sont pas appropriées la cause, qu'il ne s'agissait pas d'un mouvement social, comme en France, mais quand même, il y avait des femmes au Parlement et aux postes de responsabilité. Ici, on n'avait pas ces stéréotypes contre lesquels on lutte en France. Est-ce qu'il ne reste rien de cela ? Personne n'a jamais pu me l'expliquer. Alors je suis toujours un peu intimidée, quand je parle à des femmes tchèques, polonaises, hongroises ou russes, parce que je sais qu'elles ont connu des temps autres. Et je sais aussi que la transition vers l'économie de marché s'est accompagnée d'une grande perte de moyens pour les femmes."

Auteur: Magdalena Segertová
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