Le harcèlement sexuel : un faux-problème dans l'esprit de beaucoup de Tchèques
Une étude menée par l'Institut de sociologie de l'Académie des Sciences pour le Ministère du travail et des affaires sociales, révèle que 28% des femmes et 22% des hommes ont été confrontés au harcèlement sexuel sur leur lieu de travail. Pourtant, dans l'inconscient collectif, ce comportement discriminatoire semble continuer d'être considéré avec légèreté.
Alena Krizkova est directrice du département de sociologie et des gender studies à l'Académie des Sciences. C'est elle qui a dirigé cette étude qui fait suite à l'adoption, en mars 2004, d'un amendement au Code du travail, selon lequel le harcèlement sexuel est désormais considéré comme un délit. Au micro de Radio Prague, elle s'exprime sur les conclusions de cette étude, basée sur des entretiens avec des victimes, des employés, des représentants syndicaux, une première en République tchèque :
« Quand on observe dans quelle mesure se manifestent les phénomènes de harcèlement de manière générale, ou de harcèlement sexuel, sur le lieu de travail, les résultats sont plutôt alarmants. Je dirais que plus des deux tiers de la population a été confronté au harcèlement ou au harcèlement sexuel, au cours de sa carrière. Le plus intéressant, dans cette étude, c'est de voir que la République tchèque et que toutes les personnes interrogées ne sont pas du tout préparées à s'occuper de ces cas qui existent en nombre. Dans les entreprises, il n'y a pas de personnes formées ou qui sauraient s'occuper de telles situations. Ce qui nous a le plus choqués, c'est que les représentants syndicaux refusaient totalement de s'occuper de ce problème, ils avaient tendance à le sous-estimer complètement, et à le considérer comme un problème importé de l'étranger. »
Faux-problème créé de toutes pièces, c'est le leitmotiv qui revient le plus souvent, et l'expression « harcèlement sexuel » a, selon Alena Krizkova, la même connotation négative que le mot « féminisme » en République tchèque. Toutes ces problématiques sont aussi des reliquats du passé récent du pays :« D'un côté, il y a, de manière générale, un manque de volonté pour réellement s'occuper de la problématique de l'égalité entre hommes et femmes, dans notre société. L'influence du communisme est très claire à cet égard : inconsciemment, les gens ont gardé l'impression que ce problème a été plus ou moins réglé de manière artificielle à l'époque communiste, notamment sur le marché du travail en obligeant les femmes à travailler, ou bien encore par les quotas réservés aux femmes dans le monde politique. D'un autre côté, c'est aussi un problème de culture d'entreprise et des relations au sein des compagnies, ce qui n'est pas du tout considéré comme quelque chose d'important, en tout cas dans les entreprises tchèques. Bien sûr, les entreprises étrangères le font. Pendant notre enquête, seules les entreprises étrangères justement avaient par exemple une personne formée pour s'occuper des problèmes de harcèlement sexuel. »
Comme dans le reste des pays de l'Union européenne, les femmes restent les victimes principales du harcèlement sexuel, qu'il s'agisse de ses formes les plus « légères » comme les remarques graveleuses, les commentaires à connotation sexuelle, ou des formes plus graves comme les atteintes physiques. Pourtant, rares sont les plaintes déposées et encore plus les condamnations. Les Etats-membres de l'UE ont jusqu'au mois d'octobre de cette année pour mettre en vigueur une directive adoptée en 2002, qui définit le harcèlement sexuel comme une discrimination et qui prévoit des indemnisations et la nécessité pour les employeurs de mettre en place des mesures préventives au sein des entreprises. L'amendement adopté l'an dernier en République tchèque va dans ce sens, mais l'étude publiée est un indicateur du chemin qu'il reste à parcourir.