Le Kin-Ball, un sport « de gens bien » venu du Québec en Tchéquie

La coupe du monde des clubs à Hradec Kálové en août 2022

Quel sport réunit trois équipes autour d’un gros ballon ? C’est le Kin-Ball, un sport collectif créé dans les années 1980 au Québec. En Tchéquie, il a fait son apparition il y a une dizaine d’années, tout d’abord dans les écoles, avant que des clubs ne se mettent en place. La communauté de kin-balleurs tchèques réunit aujourd’hui quelque 300 membres adultes, dans l’esprit fair play qui définit ce sport co pas tout à fait comme les autres.

En bleu,  Stéphanie Lebreton et l'équipe mixte des Ponts-de-Cé à Hradec Králové | Photo: Jean-Paul Remacle

Les deux sports collectifs les plus populaires en Tchéquie sont indéniablement le hockey sur glace et le foot, mais une nouvelle discipline a également sa place dans les gymnases depuis une dizaine d’années : le Kin-Ball. Si vous n’aimez pas les sports d’équipe, et que vous avez tendance à protéger votre tête de vos mains à la vue d’un ballon, a priori, le descriptif technique du kin ball – « trois équipes de quatre personnes sur un terrain de 20 m x 20 m autour d’un ballon d’1,22 m de diamètre » – ne vous donnera sans doute pas envie de chausser vos baskets. Quoi que ! Le Kin-Ball, comme le précise la Fédération de Kin-Ball française sur son site, « renverse tous les codes habituels des sports collectifs ». L’objectif du jeu étant de ne pas faire toucher le ballon au sol.

Trois équipes autour d’un gros ballon

Venue participer à la Coupe du monde des clubs à Hradec Králové en août, la joueuse du club angevin des Ponts-de-Cé Stéphanie Lebreton, explique les règles de ce sport co aux phases de jeu rapides et aux reprises de balle parfois accompagnées de belles glissades :

Stéphanie Lebreton à Hradec Králové | Photo: Jean-Paul Remacle

« Sur un demi terrain de handball, plutôt carré quand même, on va prendre trois équipes de quatre joueurs, et un gros ballon d’un mètre vingt de diamètre. L’idée étant de s’envoyer la balle d’équipe en équipe, ou de la rattraper et d’attaquer une nouvelle équipe, pour qu’elle la rattrape à son tour et la renvoie. Pour la comparaison, prenons par exemple le volley : là où on peut marquer des points c’est sur le sol, comme pour le volley, sauf qu’au Kin-Ball, on n’a pas de filet. On peut également faire un parallèle avec la passe à dix, qui est un jeu pour enfants dans lequel on s’envoie la balle de personne à personne, alors qu’au Kin-Ball, c’est à une équipe adverse. »

« Par contre, à l’inverse de tous les autres sports – au basket, quand on met un panier, on marque des points ; au foot, quand on met un but, on marque des points – au Kin-Ball, c’est dans le sens inverse. C’est-à-dire que si une équipe ne rattrape pas la balle ou fait une faute, ce sont les deux autres équipes qui marquent un point. Ainsi, on a systématiquement une équipe attaquante, une équipe qui défend et une équipe qui est passive. Mais on joue toujours à deux contre un, car l’équipe qui est passive marquera également un point à ce moment-là. »

La coupe du monde des clubs à Hradec Kálové en août 2022 | Photo: Anaïs Raimbault,  Radio Prague Int.

Sport dont la Fédération internationale recense quelque 3,8 millions de joueurs dans le monde entier, le Kin-Ball a été développé au Québec dans les années 1980, dans un objectif de lutte contre l’obésité et de remotivation des enfants dans la pratique d’une activité physique régulière. Importé en France en 2011, en Tchéquie, cela fait une dizaine d’années que le sport a trouvé sa place, en premier lieu dans les écoles, comme l’explique la présidente de la Fédération tchèque de Kin-Ball Adéla Boschat :

Adéla Boschat | Photo: Archives d’Adéla Boschat

« Cela fait déjà 10 ans que mon père a ramené le Kin Ball en Tchéquie, parce qu’il a une entreprise de vente de matériel sportif. Il a vu le Kin-Ball quelque part, et il s’est dit : ‘On pourrait essayer cela’. Il est ensuite tombé amoureux du Kin Ball, et il voulait répandre ce sport en Tchéquie. Donc c’est lui et ma mère qui ont commencé, d’abord avec la promotion dans les écoles, où ils ont montré aux enseignants comment jouer au Kin-Ball. Ensuite les écoles se sont inscrites, elles ont acheté du matériel. Et nous avons maintenant plus de 600 écoles qui jouent au Kin-Ball régulièrement, chaque semaine. »

Dix clubs, 600 écoles, 500 joueurs

Outre la pratique dans les écoles, les amateurs adultes de Kin-Ball se sont pour leur part réunis au sein de clubs sportifs. Comptant environ 300 membres (joueurs et arbitres) en tout, il en existe actuellement une dizaine dans le pays, qui s’affrontent une fois par mois dans le cadre du Kin-Ball Czech Open.

Lise Guillet  (debout à droite) et l'équipe mixte du KBAR de Rennes à la coupe du monde des clubs à Hradec Králové | Photo: Archives de Lise Guillet

A la radio, rien ne semble distinguer un match de Kin-Ball d’un autre sport en salle. Mais au milieu des encouragements de fans, des coups de sifflets et des crissements de chaussures de sport sur le parquet, les oreilles attentives auront peut-être distingué un cri qui revient à intervalles réguliers sur le terrain : « Omnikin ». Lise Guillet, joueuse du club KBAR de Rennes, en explique la fonction :

« Quand on joue, on crie ‘OMNIKIN’ bleu, gris ou noir pour appeler la couleur d’une autre équipe. Quand l’équipe frappe et appelle la couleur noire, par exemple, l’équipe noire doit rattraper le ballon le plus vite possible, et dans la foulée, rappeler une autre équipe en disant ‘OMNIKIN’ gris ou bleu, dans ce cas-là. »

L'équipe mixte du KBAR de Rennes à la coupe du monde des clubs à Hradec Králové | Photo: Jean-Paul Remacle

Petite précision de la Fédération française de Kin-Ball : le terme « omnikin » « vient du latin ‘omni’, qui signifie ‘tout’, et du mot grec ‘kin’, qui veut dire ‘l’homme en mouvement’. ». Il est vrai que, de par le temps limité autorisé pour renvoyer le ballon, le Kin-Ball est un jeu rapide, dans lequel les joueurs sont toujours en mouvement. Néanmoins, le spectateur, même novice, se laisse facilement prendre par le jeu. Peut-être parce que la taille du ballon (1,22 m de diamètre, mais moins d’1 kg) le rend bien plus facile à suivre qu’un match de hockey… mais surtout parce que même en compétition, l’ambiance reste amicale, aussi bien parmi les joueurs que parmi les supporters.

En bleu,  Stéphanie Lebreton et l'équipe mixte des Ponts-de-Cé à Hradec Králové | Photo: Jean-Paul Remacle

Les règles du jeu ont d’ailleurs été élaborées de manière à mettre l’accent sur le respect des autres joueurs et des arbitres, l’esprit d’équipe et l’implication permanente de tous les joueurs. Ainsi, l’une des règles au cœur du jeu est que l’équipe qui fait la frappe doit forcément appeler l’équipe qui a le plus de points à ce moment-là. Etant donné que si l’équipe appelée ne parvient pas à rattraper la balle, alors les deux autres équipes marquent un point, ainsi, même l’équipe qui a le moins de points – et qui est passive dans cette phase de jeu donnée – peut remporter un point et remonter dans le jeu. L’esprit de compétition est bien là, mais les écarts de score trop importants sont ainsi évités.

Adéla Boschat joue avec l'équipe féminine de Pardubice à la Coupe du monde des clubs à Hradec Kálové | Photo: Jean-Paul Remacle

Coopération, fair-play et esprit d’équipe

Le fair play est en général l’argument avancé par les joueurs lorsqu’on leur demande ce qui les a séduits dans ce sport. Stéphanie Lebreton :

Lise Guillet et Stéphanie Lebreton à la coupe du monde des clubs à Hradec Kálové en août 2022 | Photo: Anaïs Raimbault,  Radio Prague Int.

« Tout d’abord, il y a le côté ‘nouveauté’ dans ce sport. Forcément, quand on arrive dans ce sport, c’est plus facile de progresser rapidement parce qu’il n’y a pas tant de monde que ça qui y joue. C’est plus facile d’évoluer sans se dire ‘tout le monde est plus fort que moi’. »

« Ensuite, il y a le côté ambiance fair-play et esprit d’équipe qui joue un rôle. Quand j’ai commencé le Kin-Ball, il y a dix ans, il y avait tellement peu de joueurs que tout le monde se connaissait, et c’était donc plus facile de se côtoyer, d’évoluer. Le Kin-Ball évolue et il y a de plus en plus de personnes qui participent, heureusement. Mais le fair-play est quelque chose qui reste présent dans le Kin-Ball et qui est intéressant. On peut le retrouver dans d’autres sports, comme l’ultimate, mais c’est sûr qu’on ne l’a pas dans tous les sports. »

Stéphanie Lebreton  (à gauche) et l'équipe mixte des Ponts-de-Cé à la coupe du monde des clubs à Hradec Králové | Photo: Archives de Stéphanie Lebreton

Elle-même joueuse au club de Pardubice depuis les débuts du Kin-Ball en Tchéquie, Adéla Boschat conclut :

Lise Guillet  (au centre) et l'équipe mixte du KBAR de Rennes à la coupe du monde des clubs à Hradec Králové | Photo: Archives de Lise Guillet

« Ce que j’aime bien dans le Kin-Ball, c’est que la communauté est vraiment différente de celles des autres sports. Peut-être que c’est parce qu’il n’y a pas beaucoup d’argent dans ce sport, donc ça n’attire que les gens qui sont motivés et passionnés. Quand j’ai commencé, je me suis dit que c’était vraiment un sport pour les gens bien, parce qu’une grande place est accordée au fair-play. Même quand les arbitres sifflent, il n’arrive jamais que quelqu’un aille les voir et dise des grossièretés. C’est quelque chose que j’apprécie beaucoup parce que dans les autres sports, comme dans le volley ou le basket, il y a toujours un côté ‘méchant’. Je pense qu’étant donné que le Kin-Ball est un sport nouveau, il attire des gens bien, et le fair-play y est vraiment important. »

Preuve en est, même si aucune équipe tchèque n’a terminé à la première place à la Coupe du monde des clubs à Hradec Králové, l’ambiance n’en était pas moins conviviale, sur le terrain, dans les tribunes – ou à la soirée qui est venue clore la compétition.

Les clubs participant à la coupe du monde des clubs à Hradec Kálové en août 2022 | Photo: Anaïs Raimbault,  Radio Prague Int.