Le rêve olympique du floorball, phénomène en Tchéquie
Avec plus de 40 000 licenciés et de nombreux autres pratiquants à travers le pays, le floorball est devenu un véritable phénomène en Tchéquie. En attendant qu’il devienne un jour, peut-être, discipline olympique, la 31e édition de l’Open de Tchéquie, en fin de semaine dernière, a confirmé l’intérêt du public pour ce sport de crosses développé en Suède dans les années 1980.
Pratiqué avec une crosse et une balle en plastique, le floorball est un sport collectif très proche du hockey, à la différence qu’il est pratiqué en salle, sans patins et que les contacts et le jeu physique sont limités au profit d’un jeu plus technique. Codirecteur de l’Open de Tchéquie, Jan Jivorský identifie trois facteurs qui ont permis le développement du floorball en Tchéquie :
« D’abord, les sports de crosses sont très populaires en Tchéquie, le hockey sur glace ou le hockey sur gazon par exemple. Mon associé, Martin Vaculík, qui a été l’un des premiers présidents de la Fédération tchèque de floorball, a su voir les avantages que présentait le floorball et il a permis son développement en l’introduisant dans les écoles et en installant des terrains dans les rues. Quand le floorball est arrivé en Tchéquie, il est vite devenu populaire dans les écoles. C’est un sport qui se joue avec une balle et une crosse en plastique, donc ce n’est pas dangereux, on peut jouer à deux contre deux ou à trois contre trois, garçons et filles peuvent jouer ensemble, donc c’est vraiment dans les écoles que le floorball a commencé à se développer. Et enfin, je pense que l’Open de Tchéquie lui-même est très important parce que c’est une compétition qui mélange le floorball d’élite et les catégories dites ‘open’ et qui permet donc à tous ses participants, pendant une semaine, de se rencontrer. C’est forcément très plaisant. »
Ce tournoi, qui a vu le jour en 1993, a été le premier évènement floorball en Tchéquie. De cinq pays participants à la première édition, ils sont passés à seize cette année. À l’occasion de cette 31e édition de l’Open de Tchéquie, les Canonniers du Nantes Floorball étaient les représentants du floorball français. Après une première participation en 2013, le club français a décidé de revenir dans la capitale tchèque pour se mesurer aux meilleures équipes européennes. C’est ainsi que, les 8 et 9 août, les joueurs nantais ont affronté trois équipes tchèques. Trois matchs qui se sont soldés par autant de défaites, et à en croire Arnaud Foulonneau, le président du club, le niveau en Tchéquie est remarquable :
« Bah, c’est un autre monde, en fait, tout simplement. Le niveau n’a a rien à voir avec ce que l’on connaît en France. Ça joue beaucoup plus vite, beaucoup plus fort, c’est précis, et c’est beau ! »
Le fossé qui existe entre les grandes nations du floorball que sont la Suède, la Suisse, la Finlande et la Tchéquie, et les autres est donc bien réel. Coach du SC Vítkovice, club de l’est de la Tchéquie, Lukáš Hrubý explique cette différence de niveau par un manque de connaissances et d’intérêt pour le floorball en Europe de l’Ouest notamment :
« Pour avoir vécu en Allemagne pendant deux ans, je sais qu’ils se concentrent sur le handball et d’autres sports collectifs. Comme ils ne jouent pas au floorball à l’école, ils n’ont pas de base de joueurs et les gens ne connaissent pas ce sport. Vous savez, quand votre enfant revient de l’école et vous dit ‘j’ai joué au floorball aujourd’hui, j’aimerais en faire, tu peux m’acheter une crosse’, le sport se développe vite et vous avez de plus en plus de public aussi. »
Bien qu’une candidature ait été déposée auprès du comité d’organisation par la Fédération française, le floorball, encore récent, n’a pas été retenu comme sport de démonstration pour les Jeux olympiques à Paris. Selon Michal Pažak, capitaine du SC Vítkovice, les écarts significatifs de niveau entre les pays ne permettent pas encore de considérer le floorball comme un candidat sérieux pour les JO :
« Pour moi, le floorball aux Jeux olympiques, ce ne serait pas juste. La Slovaquie ou la Norvège ne peuvent pas espérer gagner contre les meilleures équipes comme la Suède ou la Finlande par exemple. Avant de pouvoir penser à intégrer le programme olympique, il faut d’abord que ces écarts de niveau se réduisent . »
Le floorball aux JO n’est pourtant pas un rêve irréalisable. En 2011, la discipline a officiellement été reconnue par la Comité international olympique. Et en 2017 et 2022, le floorball a fait un grand pas en avant avec son inscription au programme des Jeux mondiaux. Cet évènement, qui a lieu tous les quatre ans, permet de mettre en valeur les sports qui ont obtenu la reconnaissance du CIO et constitue une étape obligatoire pour espérer un jour être ajouté au programme déjà fort chargé des JO.
Les Jeux mondiaux de 2017 en Pologne, comme ceux de 2022 aux Etats-Unis, ont démontré la capacité du floorball à intéresser le public dans de grandes compétitions internationales, mais les scores de certains matchs, avec parfois des écarts de 15 à 20 buts entre les équipes. ont aussi illustré les importantes différences de niveau. Pour la capitaine de l’équipe féminine du club suédois de Pixbo IBK, la responsabilité de faire connaître le sport et de le développer au-delà des frontières de l’Europe du Nord ou de l’Europe de l’Est revient aux actuelles grandes nations du jeu. Selon elle, il s’agit même d’une condition indispensable pour espérer voir un jour le floorball aux Jeux olympiques :
« Pour qu’il y ait ce sport aux Jeux olympiques, je pense que les plus grands pays doivent d’abord améliorer leur niveau. Nous, nous jouons au floorball, donc nous devons peut-être faire quelque chose dans les grands pays pour y introduire le floorball, aller dans les tournois et leur montrer. J’espère vraiment que le floorball sera un jour aux JO. »
En décembre 2023, à Singapour, après une première déjà en 2005, le championnat du monde féminin de floorball s’est tenu en dehors de l’Europe. Cependant, selon Arnaud Foulonneau, le président du Nantes Floorball, cela reste encore insuffisant :
« Ça reste un sport encore un peu trop européen. Même s’il se développe de plus en plus en Asie et un peu en Afrique – nous avons des partenariats avec des clubs africains –, il va falloir que tout cela progresse beaucoup plus vite pour qu’on soit aux JO. »
Ainsi, il reste encore beaucoup à faire. Et pour que cet objectif olympique devienne plus concret, le format du jeu lui-même serait à modifier, selon Jan Jivorský :
« Pour jouer au floorball, il faut nécessairement vingt joueurs, cinq coachs, pour trois tiers-temps de vingt minutes. Ce sont autant de barrières pour aller aux Jeux olympiques, car c’est coûteux de former de si grandes équipes, surtout là où le floorball n’est pas encore très développé. Je pense donc que le floorball sera probablement modifié, comme nous l’avons d’ailleurs fait dans certaines catégories à l’Open de Tchéquie, avec des matchs de 2x20 minutes ou de 3x15 minutes. En réduisant le temps de jeu, on réduira aussi le nombre de joueurs nécessaire. »
Même avec ces changements, le cofondateur de l’Open de Tchéquie considère qu’espérer voir du floorball aux JO dans les vingt prochaines années relève davantage du rêve que de la réalité. En effet, le moyen le plus efficace de faire son entrée dans la famille olympique reste de devenir un sport de promotion. Lors de chaque édition des Jeux, le pays organisateur peut ajouter cinq sports au programme fixe des Jeux, après validation par le CIO.
Ces disciplines représentent le plus souvent la culture du pays organisateur, à l’image du flag football, une variante du football américain qui fera son entrée aux Jeux de 2028, à Los Angeles. Or, Jan Jivorský rappelle que les plus grandes nations de floorball, à savoir la Finlande, la Tchéquie, la Suède ou encore la Suisse ont peu de chances d’accueillir des Jeux olympiques. La dernière fois que l’un de ces pays a accueilli les Jeux, c’était il y a soixante-douze ans, lors des JO d’Helsinki, en 1952.
Contrairement à l’espoir qu’exprimait en 2011 le fondateur de l’IFF, la fédération internationale, András Czitrom, le floorball aux JO, ce n’est donc pas pour tout de suite. En attendant, le public tchèque ne manque, lui, pas une occasion de célébrer ce sport, comme il l’a encore montré lors du week-end écoulé.