Le Metro Comedy Club, un havre de paix - et de rire - à Prague pour les expatriés

Kristýna Haklová

Situé dans le quartier de Žižkov, le Metro Comedy Club, qui propose des spectacles en anglais, est devenu un lieu incontournable pour les expatriés et les Pragois qui souhaitent passer une soirée à rire. Kristýna Haklová, qui en est à la fois la principale artiste et la cofondatrice, évoque son parcours de comédienne et son aventure avec le Metro Comedy Club.

« Je suis la cofondatrice du Metro Comedy Club à Žižkov. Nous sommes le premier véritable club de stand-up en République tchèque et nous nous adressons principalement aux expatriés. La plupart de nos spectacles ont lieu du mercredi au samedi et sont en anglais. Nous accueillons beaucoup d’humoristes de la scène locale, mais aussi des humoristes itinérants venus de partout dans le monde. »

C'est donc le premier lieu exclusivement dédié au stand-up en Tchéquie ?

« Traditionnellement, sur la scène humoristique tchèque, il n’existe pas vraiment de lieu dont l’activité principale est le stand-up, et encore moins où c’est la seule activité. Un comedy club est en cours de construction à Ostrava et ouvrira bientôt ses portes, mais à Prague, nous sommes plus ou moins les seuls à proposer un tel concept. »

Comment avez-vous commencé à faire de la comédie ?

« J’ai commencé à me produire sur scène en 2016. J’aimais assister en tant que simple spectatrice aux performances des autres artistes, et à l’époque, il y avait peu de possibilités de s’essayer à la comédie. J’ai donc commencé par aller jouer à Berlin, où la scène comique anglophone est immense avec plusieurs spectacles chaque soir. On peut y vivre, en quelque sorte, le fantasme de New York City en allant de micro en micro et en testant ses blagues plusieurs fois par soir. J’ai tellement adoré que je me suis dit qu’il fallait importer cela à Prague, qui n’est pas beaucoup plus petite que Berlin. Je me suis dit que nous pourrions nous aussi avoir un spectacle hebdomadaire, voire quotidien, et c’est ce que j’ai fait. »

« Nous avons commencé en 2017 avec un premier spectacle hebdomadaire dans un bar de la rue Krymská, qui est d’ailleurs joué encore aujourd’hui chaque mardi soir ! À partir de là, nous avons ajouté des open mics (scènes ouvertes) et des spectacles le vendredi, et finalement, en voyant l’engouement, mon amie Katie Andersen m’a dit qu’elle aimerait que nous ouvrions ensemble notre propre comedy club. Katie est une Américaine qui vit à Prague car sa compagne est tchèque, elle est comédienne, elle aime le stand-up et elle voulait faire quelque chose à Prague, alors elle s’est dit ‘pourquoi ne pas monter un comedy club ?’ Nous avons fait quelques calculs et nous étions convaincues que cela pouvait marcher, qu’il y aurait assez de monde. Il s’avère que nous avions raison. Nous venons de fêter notre premier anniversaire et il semble que les gens apprécient vraiment de venir ici. »

Vous dites que pour les expatriés, il peut être un peu plus difficile de rire lorsque l’on vit dans un pays dont on ne parle pas la langue et où comprendre l’humour local peut être délicat. Comment avez-vous réussi à créer une communauté pour que les expatriés puissent rire ensemble ?

« Cela s’est fait naturellement. Mon intention était simplement de faire de l’humour sans me dire ‘c’est un spectacle pour les expats’ ou ‘c’est un spectacle pour les locaux’. D’une part parce que la comédie reste de la comédie et d’autre part parce que je me produis dans les deux langues. Je ne voyais pas une si grande différence. Mais j’ai fini par remarquer que pour beaucoup d’artistes et de spectateurs, venir ici est vécu presque comme un soulagement. Souvent, ils n’ont pas réellement avec qui plaisanter dans leur entourage. Ils peuvent travailler dans une entreprise où les employés sont de différentes nationalités, et, même si tout le monde y parle anglais, le sens de l’humour varie beaucoup en fonction des origines sociales et culturelles. »

« Nous avons un certain nombre d’expatriés qui viennent ici régulièrement car ils peuvent rire avec des personnes qui sont sur la même longueur d’ondes qu’eux. Nous avons même quelques habitués qui viennent sans forcément descendre au sous-sol pour assister aux spectacles. Ils viennent simplement pour s’installer au bar et se détendre après le travail. »

« Je trouve que c’est très gratifiant de pouvoir offrir cet endroit pour rire et s’amuser à des gens qui se sentent un peu dépaysées. Je me reconnais un peu en eux car j’ai vécu en Nouvelle-Zélande, j’étais donc moi-même expatriée et je me souviens que cela a été très compliqué de faire la connaissance de gens juste pour boire une bière après le travail et discuter. C’est important d’avoir des lieux de rencontres et d’échanges sociaux comme celui-ci. Même les introvertis apprécient de se retrouver dans un environnement où ils comprennent les gens qui parlent autour d’eux. Je trouve cela fantastique et ce projet me tient à cœur. »

Kristýna Haklová | Photo: Jiří Šeda

Qu’est-ce qui rend l’humour tchèque spécial ? Vous en inspirez-vous dans vos sketchs ?

« Je pense que les aspects nationaux ou culturels de l’humour sont proches de ce que nous sommes en tant que peuple. Je ne veux pas trop généraliser, mais les Tchèques sont à la fois décontractés et réservés. Souvent, vous avez un ami tchèque dans votre groupe qui ne dit pas grand-chose, mais quand il parle, c’est toujours hilarant. Un peu comme s’il recueillait des données pour vous surprendre ensuite avec une blague sortie de nulle part. »

« Je pense que les Tchèques aiment beaucoup l’ironie, l’humour pince-sans-rire, et ils n’ont pas peur non plus de l’humour noir. C’est sûrement le reflet de la culture tchèque en tant que telle. Statistiquement, par exemple, les Tchèques aiment beaucoup les humoristes scandinaves parce que leur humour est tout aussi sombre et cynique. »

« Mais si vous êtes un bon comique, et que vous excellez dans ce que vous faites, les blagues franchissent facilement les frontières. Même si l’écriture des blagues joue un rôle important, je pense que le style de jeu est la chose principale qui différencie les comédiens. Un bon comique doit donc savoir plaire à un public international. Des gens de tous horizons et de toutes nationalités viennent au Comedy Club et nous avons des artistes aux origines variées également, c’est assez international. »

Quid du fait d’être une femme humoriste en République tchèque ?

« Honnêtement, c’est très facile. Personne ne se plaint. Personne ne pense que nous ne sommes pas drôles, je n’ai jamais vu personne hésiter à acheter une place parce qu’une femme se produit et je ne vois personne non plus qui serait surpris par le fait que les femmes sont drôles. Il y a même pas mal de comédiennes à succès en République tchèque et, d’après mon expérience, les promoteurs essaient toujours de mettre des femmes à l’affiche et font même un effort supplémentaire pour y parvenir parce que, statistiquement, elles sont moins nombreuses. La majorité des spectacles accorde une place importante aux femmes humoristes, elles sont souvent plusieurs à se produire, il ne s’agit pas d’inclure une femme au programme juste pour la symbolique. »

« L’un des plus anciens groupes de comiques du pays, Na stojáka, est célèbre dans ce domaine depuis vingt-cinq ans. Les personnes qui assistent à leurs spectacles sont des hommes tchèques d’une cinquantaine d’années, et pourtant, lors de leur show, ici à Prague, leur line-up était composé de trois femmes et d’un homme. C’est la preuve, je pense, qu’il n’y a aucun problème avec la présence des femmes dans le stand-up. Les gens sont très solidaires et ouverts, et ils sont aussi très attentionnés. En tant que femme comédienne, je me sens donc tout à fait la bienvenue ici. »

Auteurs: Amelia Mola-Schmidt , Mathis Elias-Jean
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