Le ministère de l’Agriculture fait la chasse à la vente de vin en vrac
Afin de lutter contre le marché noir, le ministère tchèque de l’Agriculture envisage de limiter très rigoureusement la vente de vin en vrac étranger en République tchèque. Récemment, la Fédération nationale des viticulteurs (SVČR) a estimé à 2,5 milliards de couronnes (près de 90 millions d’euros) le montant annuel du manque à gagner pour l’Etat, conséquence de la vente illégale de vin dans le pays.
La qualité du vin, elle, est la préoccupation de l’Inspection nationale agricole et alimentaire (SZPI). En 2010, celle-ci avait détecté des manquements ou infractions dans 2,5% des contrôles. Trois ans plus tard, ce taux s’élevait à près de 50%. Autant de chiffres qui donnent une idée de l’étendue du problème. Aujourd’hui, on estime ainsi à 100 millions de litres la quantité de vin vendue chaque année en République tchèque sans être déclarée. Vendu dans environ 30 000 endroits différents dans le pays, parfois même dans des bouteilles en plastique dans des stations-services, des superettes ou chez des fleuristes, le vin en vrac, qu’il soit produit en République tchèque ou à l’étranger, est mis en cause par les autorités. Lorsqu’il est importé, ce vin peut être revendu au noir, parfois en étant présenté comme produit en Moravie, principale région viticole en République tchèque, ou en Bohême. D’autres fraudeurs, eux, préfèrent sophistiquer le liquide en le coupant ou en lui ajoutant des colorants par exemple.
Pour lutter contre ces pratiques, le ministère de l’Agriculture entend notamment limiter les ventes de vin en vrac étranger. Comment ? C’est ce qu’explique Tibor Nyitray, président de la SVČR :« Les ventes se feraient dans des emballages étiquetés qui ne pourraient plus être réutilisés et de nouveau remplis une fois vides. Le consommateur aurait ainsi la garantie que le produit qu’il achète est du vin. Et en cas de problème ou d’infraction, il serait aisé de trouver la trace du responsable. »
Plus concrètement, le vin ne pourrait plus être importé que dans des emballages, par exemple des cubitainers, d’une contenance maximale de vingt-cinq litres. Initialement, le ministère avait même envisagé d’interdire les importations de vin en vrac étranger et de limiter sa vente chez les seuls producteurs. Ces deux mesures se sont heurtées toutefois à une forte opposition tant des viticulteurs que des revendeurs, dont nombre d’entre eux sont dépendants de la vente en vrac. Néanmoins, selon le projet de loi qui devrait être présenté au gouvernement avant la fin du mois de juin, le vin en vrac ne serait plus distribué que par les caves elles-mêmes ainsi que dans certains points de vente et des vinothèques avec lesquels un accord aura été précédemment signé, le tout sous la surveillance de la SZPI. Une nécessité notamment pour les vinothèques dont certaines réalisent jusqu’à 80% de leur chiffre d’affaires grâce au vin en vrac.
Si le ministère espère bien que ces nouvelles mesures limiteront le marché noir, d’autres estiment que le problème ne sera pas réglé et que c’est l’ensemble du système qui doit être revu. C’est du moins l’avis de Miloš Michlovský, du SVČR :« Ce que nous devons viser de façon plus générale, c’est une plus grande qualité non seulement du vin, mais aussi de son service et de sa consommation. Un vieux proverbe français dit que seul le verre devrait séparer le consommateur du vin, et je pense que c’est vers une telle culture que nous devons tendre. »