Le musée de l'art rom de Brno : un cas unique au monde

Hormis des sections consacrées à l'art rom dans divers musées dans le monde, le musée de la culture rom établi à Brno n'a pas d'équivalent. Situé dans un quartier populaire un peu à l'extérieur du centre, il est dirigé par Jana Horvathova, une femme énergique et déterminée, elle-même issue d'une famille bi-culturelle. C'est dans son bureau décoré de tapisseries indiennes, rappelant les origines lointaines des Roms, et d'autres objets d'artisanat, qu'Anna Kubista l'a rencontrée :

Tout commence en 1991, lorsqu'un petit groupe de l'intelligentsia rom de Brno - surtout des historiens et des ethnographes décident de se lancer dans la fondation d'un musée de la culture rom. Un projet qui avait d'ailleurs fait partie du programme de plusieurs partis politiques de l'après-révolution de velours, mais sans être concrétisé. Fontionnant d'abord comme une association, ce n'est qu'en 2005, que celle-ci devient une organisation bénéficiant du financement de l'Etat. Malgré son ancienneté et son installation dans un bâtiment bien retapé, l'exposition permanente n'en est qu'à ses balbutiements : la salle actuellement ouverte au public couvre la période de 1945 à nos jours, alors que l'ambition du musée est de remonter jusqu'aux origines mêmes des Roms, jusqu'à cette Inde mythique. Ainsi donc, à cause de la diversité même du peuple rom, le musée entend embrasser la culture rom de manière exhaustive, pour faire ressortir les différences selon les pays où les différentes ethnies se sont autrefois installées. Jana Horvathova :

Jana Horvathova
« Au début, quand nous avons fondé le musée, nous ne voulions pas nous limiter par exemple en n'envisageant uniquement que les Roms de Tchécoslovaquie ou d'Europe centrale. Bien entendu, la majorité des oeuvres de notre collection provient du territoire de l'ancienne fédération. Mais quand nous avons l'occasion d'aller à l'étranger, nous la prenons et essayons de nous documenter sur la vie des Roms là-bas, car c'est un bon moyen de comparaison et c'est très intéressant de voir les éléments communs de la vie des Roms dans différents pays. »

Mais peut-on parler d'art rom ? L'expression est-elle somme toute appropriée ? Une question qui n'avait pas échappé aux fondateurs du musée, ni même à Jana Horvathova :

« Bien sûr, c'est un terme problématique. Il y a eu un débat autour. Ce n'est pas un terme scientifique, mais nous l'utilisons néanmoins parce que nous sommes le musée de la culture rom dont la fonction est de rassembler les documents et témoignages de la culture rom. Bien qu'au départ nous n'ayons pas eu l'intention de créer un fonds artistique, au vu de notre expérience sur le terrain, nous nous sommes rendus compte qu'il était impossible de ne pas en tenir compte. En effet, sur le terrain, il y a énormément de Roms qui sont dans un processus de création artistique, qu'ils soient peintres, dessinateurs ou sculpteurs sur bois, ou bien qui créent des oeuvres avec des matériaux moins traditionnels. Le monde ne les connait pas. Et si nous les avions ignorés et que nous n'avions pas essayé de présenter leur art, il y a fort à parier que le monde ne les connaîtrait toujours pas. En fin de compte, nous avons créé la collection d'art plastique non pas tant à cause de la valeur esthétique des oeuvres, mais parce que les artistes parviennent à exprimer leur opinion, leur point de vue sur le monde, leurs pensées. Pour nous, c'est quelque chose de très précieux. Et ça nous permet de rendre compte de la culture spirituelle rom. »

A noter que le Palais des Foires, à Prague, consacre une exposition à l'holocauste rom, et ce jusqu'au 17 juillet.

Retrouvez la suite de cet entretien avec Jana Horvathova, dans une de nos rubriques culturelles estivales.

Photo: Jana Sustova