Le non remboursement des actifs de CEFC peut-il menacer les échanges tchéco-chinois ?
L’affaire fait les gros titres de la presse tchèque depuis la fin de la semaine dernière. Elle oppose la division Europe du conglomérat chinois CEFC au groupe financier tchéco-slovaque J&T. Celui-ci a repris le contrôle de ses parts majoritaires dans les sociétés propriétés de CEFC en République tchèque en raison du non remboursement des emprunts contractés pour un montant de quelque 450 millions d’euros. Le litige pose la question de savoir quelle pourrait être la suite donnée aux investissements de la Chine en République tchèque.
Les chiffres, pourtant, ne confirment pas (encore) toutes les promesses qui ont été faites et les belles paroles prononcées. En réalité, le volume des investissements réalisés jusqu’à présent reste très éloigné de ce qui avait été annoncé, comme le confirmait récemment sur les ondes de la Radio tchèque l’économiste Jana Matesová, ancienne représentante de la République tchèque auprès de la Banque mondiale :
« L’apport économique pour la République tchèque est pour l’heure tout à fait insignifiant. D’un autre côté, on ne pouvait pas s’attendre à ce que le volume des investissements chinois qui avait été annoncé puisse se réaliser en l’espace d’un an ou deux. Le calendrier établi était irréaliste dès le début. Et puis de nombreux investissements sont prévus dans des secteurs d’activité régulés, comme la finance, ce qui est souvent très compliqué. »
Compliqué, le différend qui oppose J&T à CEFC (China Energy Fund Committee) l’est au moins tout autant. En fin de semaine dernière, le groupe financier tchéco-slovaque, qui possède notamment la banque éponyme J&T, a annoncé avoir limogé le conseil d’administration de CEFC pour le remplacer par un management de crise. Bien que lassé d’attendre le remboursement de ses prêts par la société chinoise, la direction de J&T affirme rester ouverte aux négociations et que les choses rentreront dans l’ordre si la dette est remboursée conformément aux conditions initialement convenues. De son côté, les dirigeants de CEFC contestent cette décision et assurent que l’argent dû sera prochainement versé par CITIC Group, une entreprise publique chinoise de fonds d’investissement qui, prochainement, devrait racheter 49% des parts de CEFC en Europe.Selon le quotidien économique Hospodářské noviny, le montant des actifs de CEFC en République tchèque s’élève à environ 35 milliards de couronnes (près de 1,4 milliard d’euros). Autant d’achats qui ont été effectués ces trois dernières années, comme celui des brasseries Lobkowicz ou du club de football du Slavia Prague. Sinologue et directrice de l’Institut de l’Extrême-Orient de la Faculté des lettres de l’Université Charles, Olga Lomová reproche aux représentants tchèques de ne pas avoir fait preuve de suffisamment de prudence :
« Je suis le développement des relations entre les deux parties depuis le début en 2014 et je constate que la principale erreur qu’ont faite Miloš Zeman et d’autres politiques tchèques a été de s’enthousiasmer pour un approfondissement des échanges avec la Chine et pour le développement de l’économie tchèque à travers de grands investissements chinois essentiellement sur une base émotionnelle sans la moindre expertise. La conséquence est que cette coopération s’est développée via une société qui était alors totalement inconnue (CEFC) et qui n’avait aucune référence. »Malgré cela, nombreux encore sont ceux à Prague à penser que ce différend entre J&T et CEFC n’entravera pas le développement des relations entre la République tchèque et la Chine. Le Château de Prague a estimé qu’il ne lui appartenait pas de se prononcer sur cette affaire et que celle-ci ne remettait pas en cause la tenue de la prochaine visite du président Zeman dans la deuxième puissance économique mondiale.