Le pianiste Ivo Kahánek et le chef d’orchestre Jakub Hrůša distingués par la BBC pour leur enregistrement de Dvořák et Martinů
Considéré comme un des pianistes majeurs de sa génération, sinon le plus grand, Ivo Kahánek a remporté le prestigieux BBC Music Magazine Award dans la catégorie « Concerto » pour son enregistrement des concertos pour piano d’Antonín Dvořák et de Bohuslav Martinů, avec l’Orchestre symphonique de Bamberg et sous la direction du chef d’orchestre tchèque Jakub Hrůša.
Dans la flopée de prix musicaux qui existent, parler de prix prestigieux peut parfois s’apparenter à une jolie étiquette vide de sens. Mais comme le note le site Aktualne.cz, le BBC Music Magazine Award bénéficie d’un triple sceau de légitimité et d’autorité : organisé par un média influent et respecté dans le monde, il est aussi le résultat d’un choix de critiques professionnels et d’un vote public de mélomanes à travers le monde.
Sorti cette année chez Supraphon, l’album Dvořák & Martinů : Concertos pour piano, a vu le jour en deux temps : l’enregistrement de la pièce de Dvořák a été réalisé en studio en octobre 2017, le concerto pour piano No 4 de Martinů, a, lui, été enregistré en salle et en direct en janvier 2019. Cet enregistrement est donc le résultat d’un travail intensif et de longue haleine, et Ivo Kahánek l’a d’ailleurs répété à maintes reprises à sa sortie : dès le processus de création, le pianiste et le chef d’orchestre Jakub Hrůša, ont senti qu’il s’agissait là de quelque chose qui sortait de l’ordinaire :« C’était déjà palpable en effet. Mais ce genre d’impressions peut évidemment induire en erreur. D’autant plus quand on enregistre une musique qui nous est chère. Ce n’était pas quelque chose de calculé dans le sens où on aurait choisi un répertoire tchèque pour que les auditeurs étrangers apprécient parce que c’est authentique. Nous avons choisi un répertoire assez difficile. Le concerto de Dvořák est spécifique car on n’entend pas à l’oreille combien il est compliqué en réalité. D’ailleurs, il existe même des versions arrangées pour le rendre plus facile. Nous sommes revenus à la version d’origine qui est difficile. Pour moi ces deux œuvres, celle de Dvořák et Martinů, sont très proches. En outre, il s’agissait d’une collaboration avec Jakub Hrůša qui est un des meilleurs chefs d’orchestre actuels. Donc travailler dans un tel contexte de liens forts et émotionnels, c’est excellent, mais cela peut parfois semer le trouble : les émotions vécues peuvent ne pas se refléter dans le résultat final. Heureusement dans ce cas précis, ça s’est confirmé ! »
Né en 1979 à Frýdek-Místek, dans le nord-est de la République tchèque, Ivo Kahánek affiche un parcours sans faute. Diplômé de l’Académie des arts de Prague (AMU), il a remporté en 2004 le Concours international de musique du festival Printemps de Prague. Depuis, il collectionne les distinctions, remportant le Concours international de piano Maria Canals à Barcelone, le Concours international de piano Frédéric Chopin de Mariánské Lázně, le concours Concertino Praga. Il a également été invité par la BBC, lors des BBC Proms, pour jouer avec son Orchestre Symphonique, sous la direction de feu Jiří Bělohlávek, et collabore également avec l’orchestre de la Radio tchèque.En plus d’un parcours brillant, le pianiste qui fêtera ses 41 ans dans une dizaine de jours, sait parler avec précision et passion de son art, de sa vision de l’interprétation et du travail sur les partitions. Le tout d’une façon qui satisfait à la fois les connaisseurs et les néophytes. Interrogé sur le trac, compagnon de voyage de tous les artistes se produisant sur scène et que chacun dompte à sa façon, Ivo Kahánek avait répondu l’an dernier à la Radio tchèque par une métaphore sportive éclairante :
« Il doit y avoir autant de types de trac que d’êtres humains. Le trac peut provenir d’une pression extérieure. Imaginons Lionel Messi qui doit tirer un penalty décisif en finale de Ligue des champions : même un joueur de son envergure aura le trac parce qu’il sait que des millions de fans le regardent à cet instant. La passion et l’attente sont extraordinairement fortes. C’est une pression objective. Mais au final, tout dépend de la pression que lui-même va s’imposer. Tout comme un pianiste qui donne des concerts, il doit avoir un mécanisme interne sur l’enjeu de ce qu’il fait. Tant que vous vous mettez vous-même la pression, que vous faites quelque chose pour quelqu’un d’autre, la pression sera toujours énorme. Mais dès que vous le faites pour vous élancer avec passion, pour tirer dans le ballon de manière précise et sublime, alors vous le faites pour le plaisir et donc, le trac n’a pas vraiment de raison de surgir. »
A noter que comme d’autres grands artistes, Ivo Kahánek s’est récemment produit dans le cadre de concerts caritatifs, pour aider une association qui s’occupe des seniors, catégorie de la population la plus fragile en cette période d’épidémie de coronavirus, et pour collecter des fonds permettant l’achat de matériel médical ou de soutenir financièrement des collègues musiciens privés de concerts, et donc de revenus.Le chef d’orchestre Jakub Hrůša aura, lui, bientôt pour tâche de clore le festival du Printemps de Prague, le 4 juin prochain. Un festival de musique qui se déroule, cette année, dans des conditions particulières : en direct, en ligne et à suivre depuis son salon sur le site du festival et les pages Facebook des Centres tchèques dans le monde. L’idée d’origine de la célèbre Neuvième Symphonie de Beethoven a été abandonnée, remplacée par deux quatuors à cordes du compositeur allemand dont on fête cette année le 250e anniversaire de la naissance.