Le plus bel âge du cinéma tchèque présenté à Paris jusqu’au mois de janvier

La Nouvelle Vague tchèque… et après

Fin novembre a été ouverte, à la Cinémathèque française à Paris, une grande rétrospective du meilleur de la production cinématographique tchèque des années 1960-1980. Une vingtaine de films de réalisateurs comme Miloš Forman, Ivan Passer, Jan Němec ou encore Věra Chytilová sont à (re)découvrir jusqu'au 4 janvier prochain.

« La Nouvelle Vague tchèque… et après », tel est l’intitulé de cette rétrospective organisée par le Centre tchèque de Paris. Son directeur Jiří Hnilica a expliqué, au micro de Radio Prague, la genèse de cet événement :

La Nouvelle Vague tchèque… et après
« La Nouvelle Vague du cinéma tchèque est mise en valeur parce que c’est un cinéma de qualité. Avec le recul du temps, on s’aperçoit qu’il a une valeur générale. Voilà pourquoi la Cinémathèque a été enthousiasmée par la proposition du Centre tchèque de Paris de mettre en place une telle rétrospective. Elle a pu voir le jour grâce au centenaire de la Tchécoslovaquie : à cette occasion, l’Etat tchèque a soutenu de nombreux projets commémoratifs et culturels réalisés dans plusieurs domaines, dont le cinéma. Les Archives nationales du cinéma (NFA) ont proposé au réseau des Centres tchèques un coffret de films à projeter dans d’excellentes conditions. C’était le début de ce projet sur lequel nous avons travaillé avec la Cinémathèque depuis le printemps dernier. Dès le départ, nous avons souhaité que la rétrospective s’intitule ‘La Nouvelle Vague… et après’, pour montrer que nous ne nous arrêtons par en 1969. Ce titre fait écho à l’évolution du cinéma tchèque par la suite. C’est peut-être un sujet à creuser à l’avenir… »

Vitalité, recherche du naturel, créativité, originalité et fantaisie sans bornes : c’est en ces termes que l’on parle généralement de la Nouvelle Vague du cinéma tchèque (et slovaque). Nicolas Lethierry D'Ennequin, auteur des textes pour la rétrospective à la Cinémathèque française élargit cette caractéristique du cinéma tchèque de l’époque :

« Dans les années 1960, plusieurs pays ont assisté au développement des productions cinématographiques vraiment nouvelles. Celle de la Tchécoslovaquie est assez particulière, du fait d’être liée, de façon très précise, avec la situation politique et sociale du pays, à l’envie de s’exprimer avec plus de liberté. Une autre particularité : les talents qui ont créé ce nouveau cinéma ont émergé tous en même temps. Dans les premières années de la Nouvelle Vague, en 1963-1964, sept ou huit noms importants apparaissent. Ce sont des gens de la même génération qui ont terminé leurs études à la FAMU de Prague et ont tous commencé à faire leurs films à ce moment-là. Ce sont des cinéastes qui n’ont pas peur de l’imaginaire, des traditions des autres arts. Tandis que le cinéma français de cette époque se méfie d’utiliser des éléments propres aux arts de la scène, à la musique, au dessin… Finalement, c’est un cinéma généreux qui accueillait facilement et mélangeait toutes les formes de création. »

Forman, mais pas seulement

Miloš Forman | Photo: Tomáš Adamec,  ČRo
« Eclairage intime », « Les Petites marguerites », « La Plaisanterie », « L’Oreille » – voici quelques-uns des films projetés à la Cinémathèque de Paris. Celle-ci rend hommage également au réalisateur tchéco-américain Miloš Forman, décédé en avril dernier. Cet hommage n’est pas le premier du genre… Nicolas Lethierry D'Ennequin :

« Il y a deux ans, la Cinémathèque avait consacré une rétrospective à Miloš Forman. Nous avons présenté ses films tchèques, ainsi que ceux qui ont constitué sa carrière américaine et internationale. En France, lorsqu’on évoque la Nouvelle Vague tchécoslovaque, c’est souvent à lui que l’on pense en premier. Nous présentons donc forcément ses films, mais l’objectif de cette rétrospective est de montrer un panorama de toute la production du cinéma tchèque depuis 1963 jusqu’à la fin de la Nouvelle Vague vers 1969. Ce qui nous a intéressé aussi, c’était d’aller voir un peu plus loin. Nous savons bien que cette Nouvelle vague se termine brutalement avec la fin du Printemps de Prague. De nombreux cinéastes qui ont tourné leurs films à cette période-là étaient encore jeunes, ils avaient 30, 35 ans. Nous avons cherché à savoir ce qu’ils étaient devenus quand ils n’avaient pas émigré comme Miloš Forman ou Ivan Passer. Si, et dans quelles conditions ils avaient réussi à continuer à faire du cinéma jusque dans les années 1980. »

Le public français a ainsi l’occasion de voir par exemple le film « Nick Carter à Prague », connu également sous le titre « Adèle n'a pas encore dîné », une comédie réalisée par Oldřich Lipský en 1978. Nicolas Lethierry D'Ennequin précise :

'Nick Carter à Prague',  photo: Studio Barrandov
« Ces films ne sont pas nombreux, nous en présentons deux ou trois. Ils ont été restaurés par la NFA (les Archives nationales du cinéma, ndlr) et nous en profitons pour les découvrir, car ces films sont peu connus en France, quand ne sont pas complètement inédits, comme par exemple ‘Upír z Feratu’ (Le Vampire de Ferat), un film de Juraj Herz qui date de 1982. C’est un film bizarre qui a toute sa place dans cette rétrospective, car il permet de voir ce que Juraj Herz est devenu après avoir tourné un film nettement plus connu, à savoir ‘Spalovač mrtvol (L’Incinérateur de cadavres). »

« Nous présentons au total 23 films, dont ceux qui sont indispensables : des œuvres de Miloš Forman, Jiří Menzel, Věra Chytilová. Mais nous nous sommes rendus compte qu’il y avait à cette époque d’autres films aussi, moins connus, voire inconnus en France, mais qui demeurent très populaires en République tchèque, à savoir des comédies musicales comme ‘Limonádový Joe’ (Joe Limonade) ou ‘Starci na chmelu’ (Les Cueilleurs de houblon). En France, je ne sais pas si on les associerait spontanément à la Nouvelle Vague… Je pense toutefois qu’ils y sont parfaitement intégrés. Très inventifs visuellement et rattachés à la tradition artistique pragoise, ils se distinguent par le même flamboiement de créativité. »

'Les Cueilleurs de houblon'