Le Premier ministre tchèque toujours sur la sellette après le rapport de l’OLAF

Andrej Babiš, photo: ČTK

A la veille du vote de confiance des députés tchèques au gouvernement minoritaire d’Andrej Babiš, dont on imagine aisément qu’il préfèrerait que les médias parlent, ce sont les soupçons de fraude autour des subventions européennes accordées à son « Nid de cigognes » et le rapport de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) qui continuent à faire la une des journaux. Et l’objet de toutes les conversations.

Andrej Babiš,  photo: ČTK
C’est un rapport d’enquête européen, transmis au ministère tchèque des Finances, dont on n’avait eu que des bribes, mais dont on avait vite compris qu’il était gênant pour le Premier ministre, même si ce dernier s’en défend avec aplomb. Puis il y avait eu l’annonce du ministère selon laquelle il ne serait pas rendu public. Mais c’était sans compter sur le fait qu’aujourd’hui, à l’heure des réseaux sociaux et des médias omniprésents, peu de choses, aussi embarrassantes soient-elles, restent longtemps sous le tapis.

Ainsi donc, non seulement certains députés tchèques ont-ils pu prendre connaissance de ce rapport de l’OLAF, mais aussi au moins deux quotidiens tchèques, Hospodářské noviny et Lidové noviny. Et comme on pouvait s’y attendre au vu des différentes informations ayant fuité ces derniers jours, le constat n’est pas fameux pour Andrej Babiš, jusqu’à récemment propriétaire du groupe Agrofert, une société aujourd’hui soupçonnée d’avoir bénéficié illégalement d’une subvention européenne d’environ 2 millions d’euros pour la construction d’un centre récréatif surnommé le Nid de cigognes. D’après le quotidien économique Hospodářské noviny, l’enquête de l’OLAF pointe du doigt diverses irrégularités : lors de la demande de subvention puis de son obtention, les représentants du destinataire de cette dotation auraient fourni des informations mensongères tout en dissimulant d’importantes.

Alors que le vote de confiance de son cabinet minoritaire à l’Assemblée est prévu pour ce mercredi, plusieurs députés demandent un report de cette séance, estimant que l’audience d’Andrej Babiš devant la Commission des mandats et de l’immunité est plus importante. On écoute Miroslava Němcová, du Parti civique démocrate (ODS), membre de la Commission des mandats et de l’immunité :

Miroslava Němcová,  photo: Filip Jandourek,  ČRo
« Si quelque chose doit être reporté, ce n’est certainement pas la réunion de la Commission des mandats et de l’immunité, mais le vote de confiance à la Chambre basse. »

Or le Premier ministre dans la tourmente a justement demandé à reporter cette audience également fixée à mercredi. Face aux journalistes, le Premier ministre mis en cause et, rappelons-le, déjà poursuivi par la police tchèque ainsi que dix autres personnes dans cette affaire, a continué à faire comme s’il n’était pas concerné :

« Je ne vois pas le rapport entre l’enquête de l’OLAF et le vote de confiance au gouvernement. Nos représentants juridiques n’ont pas lu ce rapport et je n’ai absolument rien à dire dessus. »

Une chose sur laquelle nombre d’observateurs s’accordent en tout cas : le rapport de l’OLAF met à mal les dénégations d’Andrej Babiš et de ses co-inculpés, qui depuis le début, s’efforcent de discréditer l’enquête, se posant en victimes d’une machination et de l’« arbitraire policier ». C’est ce qu’estime notamment Miroslav Kalousek, du parti TOP 09, et également membre de la Commission des mandats et de l’immunité, qui a pu prendre connaissance du rapport :

Miroslav Kalousek,  photo: ČT24
« Pour qui connaît les raisons de l’inculpation de messieurs Babiš et Faltýnek (vice-président du mouvement ANO, ndlr), le rapport de l’OLAF n’est pas une surprise. Son importance réside plutôt dans le fait qu’une autorité européenne indépendante confirme dans ses conclusions que le travail de la police tchèque n’a rien d’une machination. Que la police tchèque a fait son travail correctement, de manière indépendante et objective. Car l’OLAF dit grosso modo exactement la même chose que les enquêteurs tchèques dans leur dossier. »

Il y a quelques années encore Andrej Babiš n’était qu’un homme d’affaires milliardaire, à la tête du mastodonte agroalimentaire Agrofert et également propriétaire d’un groupe de presse. Fondateur du mouvement politique ANO, il avait mené en 2013 une campagne extrêmement bien ficelée qui avait fait de ce nouveau parti un acteur incontournable, membre d’une coalition gouvernementale tripartite.

Surtout, une grande partie de son succès s’appuie sur la dénonciation de la corruption et la volonté d’en finir avec les méthodes clientélistes des partis traditionnels, autant de sources de mécontentement pour de nombreux électeurs. Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui pointent du doigt la contradiction criante entre le discours et la réalité…