Le prix « Mémoire de la nation » décerné à l’occasion de la fête nationale

Dana Vargová, photo: Lukáš Zentel / Site officiel du prix Mémoire de la nation

Vingt personnalités de cinq Etats européens ont été nominées pour le prix « Mémoire de la nation » qui récompense l’engagement individuel pour la liberté et le respect de la dignité humaine au cours du XXe siècle. Décerné depuis 2010 le jour de la fête nationale du 17 novembre par l’association Post Bellum, le prix a pour la première fois mis à l’honneur non seulement des Tchèques mais aussi des lauréats des pays voisins.

L’association Post Bellum rassemble depuis 2001 les témoignages de ceux ayant vécu le protectorat de Bohême-Moravie ainsi que la période du régime communiste. Elle ne se focalise pas uniquement sur les récits des « victimes » ou des personnes persécutées par ces régimes, mais aussi sur les destins des fonctionnaires du parti communiste et des collaborateurs de la police secrète. En coopération avec la Radio nationale tchèque et l’Institut pour l’étude des régimes totalitaires, Post Bellum gère une base de données accessible en ligne qui regroupe près de 3 000 récits de vie des personnes originaires de treize Etats européens. Ce projet porte le nom de « Mémoire de la nation » le même nom que le prix décerné ce lundi, pour la cinquième année consécutive. Les nominations se font à partir de l’archive en ligne qu’anime l’association. Son directeur Mikuláš Kroupa précise :

Mikuláš Kroupa,  photo: Alžběta Švarcová,  ČRo
« Nous choisissons les lauréats à partir de notre base de données que nous enrichissons au cours de l’année. Nous collaborons avec environ deux cent rédacteurs qui recueillent les récits de vie de ceux ayant vécu le XXe siècle. Pour le prix Mémoire de la nation, nous sélectionnons ceux qui ont eu une attitude courageuse et inspiratrice, ne serait-ce qu’à un moment par le passé. Nous établissons une longue liste et nous l’envoyons à nos collaborateurs et membres de l’association de la Mémoire de la nation qui désignent quel destin leur paraît le plus inspirateur. »

De cette manière, l’association Post Bellum a sélectionné vingt personnalités, quatre de la République tchèque et quatre de chaque pays voisin, la Slovaquie, la Pologne, l’Allemagne et l’Autriche, pour décerner le prix « Mémoire de la nation » à un lauréat de chaque pays. Parmi les quatre Tchèques sélectionnés se trouvaient Rudolf Bereza, chauffeur de bus et signataire de la Charte 77, Juliána Lápková, infirmière dans les mines d’uranium de Jáchymov, Julie Hrušková, prisonnière politique, et Dana Vargová, institutrice et mère d’un fils handicapé et qui a été une des figures phares de l’anticommunisme dans la région de Šumperk en Moravie du Nord. C’est avec ces paroles que le prêtre Tomáš Halík a décerné le prix « Mémoire de la nation » à Dana Vargová :

« Je veux apprécier le rôle qu’ont joué les femmes courageuses dans la lutte morale et politique contre les régimes communistes, les femmes qui se sont engagées directement dans cette lutte et celles qui l’ont appuyée en étant épouses et mères. Dana Vargová est une mère qui a porté avec son fils un double poids, celui de sa maladie et celui du communisme. Nous récompensons aujourd’hui la mère qui avec son fils ont représenté une étincelle d’espoir pour beaucoup de gens. »

Dana Vargová,  photo: Lukáš Zentel / Site officiel du prix Mémoire de la nation
Décédé en 1996, le fils de Dana Vargová a souffert d’un handicap depuis l’âge de 9 ans. Paralysé, Julius Varga est pourtant devenu un opposant actif au régime communiste. Auteur de nombreuses pétitions, il a été plusieurs fois interrogé par la police secrète, où Dana Vargová l’accompagnait toujours. L’appartement de la famille en Moravie du Nord a été un des centres de rencontres des dissidents. Dana Vargová remarque à ce propos :

« Je suis heureuse d’avoir reçu ce prix non seulement pour ma part, mais aussi pour mon mari, pour mon fils et pour tous les amis qui ont aidé Julius à s’engager dans ses activités politiques. C’est grâce à eux qu’il a pu pleinement réaliser son intérêt en philosophie et en politique. En distribuant ses tracts, ils ont risqué des persécutions, comme des expulsions de leurs écoles. »

Pour la première fois depuis son lancement, le prix « Mémoire de la nation » a également été décerné aux lauréats venant des pays voisins. Ainsi ont été mis à l’honneur, l’Allemand Manfred Matthies qui organisait les passages illégaux vers Berlin Ouest, Anton Strholec, Slovaque emprisonné pour tentative illégale d’exil, Kornel Morawiecki, qui a créé en Pologne le mouvement d’opposition « La Solidarité en lutte », et enfin, János Kenedi qui accueillait dans son appartement des séminaires informels des dissidents hongrois.