Le projet du futur mémorial de Lety dévoilé
On connaît enfin l’apparence du futur mémorial de Lety (Bohême du Sud), dédié au souvenir des Roms et Sinti de Tchécoslovaquie, victimes de l’Holocauste. Trente ans après la révolution de Velours et après des années de tergiversations des gouvernements tchèques successifs pour faire démolir la porcherie située sur l’ancien camp de concentration, la communauté rom va bientôt avoir un lieu de piété digne de ce nom pour rendre hommage à ses morts.
En début de semaine, la directrice du Musée de la Culture rom de Brno, une institution qui est la cheville ouvrière du futur mémorial, a présenté le projet vainqueur, fruit de la collaboration d’une équipe de deux cabinets d’architectes tchèques, les ateliers Terra Florida et Světlík.
Ce mémorial qui doit commémorer les victimes rom et sinti de l’Holocauste combinera un espace d’exposition intérieur destiné à une meilleure compréhension de cette tragédie et une ouverture sur l’extérieur, avec un bois et des sentiers de promenade incitant à la réflexion et au recueillement. Jan Sulzer, de l’atelier Terra Florida :
« Au nom de toute l’équipe, je voudrais remercier le Musée de la culture rom, le jury et les descendants des victimes de nous avoir fait confiance en choisissant notre projet. C’est un honneur. Nous avons essayé de travailler dans la plus grande humilité en créant un espace naturel qui ne serait pas uniquement un lieu de piété mais qui puisse également raconter ce qui s’y est passé. Nous voulons rappeler la mémoire des victimes de ce camp et créer un espace de débat public. Nous espérons que ce mémorial deviendra un symbole de réconciliation. »
Un symbole de réconciliation dont la communauté rom avait vraiment besoin, alors que ses représentants se sont battus pendant des années pour faire reconnaître leur droit à un mémorial à Lety. Car à l’endroit même des souffrances et de la mort de centaines de Roms se trouvait depuis les années 1970 une porcherie industrielle.
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Une situation jugée indigne et scandaleuse par les associations de défense des droits des Roms et régulièrement montrée du doigt par Bruxelles. Les gouvernements successifs s’étaient défaussés depuis le début des années 1990, invoquant le manque de moyens financiers. Il a fallu attendre 2017 pour que le gouvernement finissant de Bohuslav Sobotka signe in extremis le contrat d’acquisition de la porcherie, comme il s’y était engagé. Racheté pour 450 millions de couronnes, le site a dû encore être assaini pour une enveloppe de 120 millions.
Le projet de mémorial est estimé à 31,5 millions de couronnes pour la première phase de construction, et une bonne partie du financement est assurée via des subventions européennes et norvégiennes. Les travaux pourraient commencer dès l’an prochain, avec pour horizon une inauguration du mémorial en 2023, comme le précise Alica Sigmund Heráková du Musée de la culture rom :
« La prochaine étape, c’est de se débarrasser de tous les bâtiments encore présents et qui sont un symbole de la frustration des survivants, des militants et de tant de personnes. Après la démolition, le Musée et les architectes qui ont remporté le concours vont négocier, signer un contrat qui sera la base de notre coopération en vue de la construction du mémorial. »
Le mémorial permettra notamment de rappeler que, entre août 1942 et mai 1943, un peu plus de 1 300 Roms tchèques et moraves, dont plusieurs centaines d’enfants, ont été détenus dans le camp de Lety, souvent gardés par des douaniers tchèques. 327 prisonniers sont morts sur place tandis que plus de 500 autres y ont séjourné avant d’être transférés à Auschwitz. Jusqu’à l’éclatement de la Deuxième Guerre mondiale quelque 10 000 Roms vivaient en Tchécoslovaquie. Moins de 600 prisonniers roms du pays sont revenus des camps de concentration après la guerre.