Le réalisateur Miloš Forman a su ingénieusement décrire les Tchèques
La mort, samedi dernier, du réalisateur tchèque Miloš Forman, 86 ans, installé depuis la fin des années 1960 aux Etats-Unis, a eu un large écho dans l’ensemble des médias tchèques. Nous vous en présenterons quelques extraits. Cette nouvelle revue de presse se penchera ensuite sur les protestations qui se déroulent dans les pays de l’Europe centrale. Il y aura également la question du Parti communiste tchèque et des relations tchéco-américaines. Quelques mots enfin au sujet des troubles du comportement alimentaire qui touchent en Tchéquie même des catégories d’âge très basses.
« A travers sa création, Miloš Forman ne voulait pas défendre des thèses. L’important pour lui, c’était de raconter une bonne histoire. Une chose qu’il soulignait dans ses interviews et qu’il a prouvée dans ses films. Il ne les tournait pas pour plaire aux critiques, à ses collègues ou à lui-même, mais pour satisfaire les spectateurs intelligents. Doté d’un aplomb sain et d’un élan hors du commun, il a su, en dépit de conditions difficiles de départ, mettre en valeur son grand talent. L’étape tchèque de la carrière artistique de Forman a été assez courte, mais il a pourtant réussi à réaliser, en l’espace de quelques années, les plus importants films qui aient été créés dans ce pays. »
Pour l’auteur d’une note mise en ligne sur le site aktualne.cz, l’œuvre de Miloš Forman traduit son aspiration à la liberté et à la vérité. Deux qualités qui semblent aujourd’hui s’estomper. Et un nouveau « Forman » qui serait capable de saisir notre situation actuelle, où la liberté va da pair avec les mensonges, fait cruellement défaut en ce moment. D’après lui, le grand mérite de Miloš Forman est d’avoir su ingénieusement décrire le caractère des Tchèques et de leur tendre un miroir qui n’était pas forcément flatteur… L’hebdomadaire Respekt a dressé un récapitulatif de l’ensemble de l’œuvre de Forman avant de conclure :
« Doté d’un intelligence, d’une adaptabilité, d’une rationalité, d’une volonté et d’une discipline hors du commun, Miloš Forman a réussi à transformer son heureuse carte américaine en jackpot. Dans l’ancienne Tchécoslovaquie, il a tourné des films qui nous font encore aujourd’hui rire et nous laissent l’estomac noué. Pour toute une génération de cinéastes et de spectateurs tchèques, il est devenu « notre homme en Amérique ». Une preuve de ce que même un orphelin issu d’une petite ville, Čáslav, peut vivre et réaliser son rêve américain. »
Ces protestations qui secouent les pays de l’Europe centrale
« Pendant le week-end écoulé, près de cent mille personnes ont protesté à Budapest contre le parti Fidesz, vainqueur des dernières élections législatives. Des dizaines de manifestants ont demandé au même moment, à Bratislava, le départ du président de la police slovaque. A Prague aussi, des milliers de personnes ont récemment manifesté en soutien de l’indépendance et de la liberté des médias publics, tandis que la Pologne est régulièrement le théâtre des manifestations contre le gouvernement conservateur. » C’est ce que que l’on pouvait lire dans une récente édition du quotidien Hospodářské noviny qui indique également :« Cette fièvre qui enflamme l’Europe centrale n’est nouvelle. De cette façon, les citoyens expriment tout simplement leur indignation qu’ils adressent aux politiciens, tant à ceux qui sont au pouvoir qu’à ceux dans l’opposition. ‘Vous ne faite pas bien votre travail’, tel est par ailleurs un des mot d’ordre des manifestations qui se tiennent en Slovaquie dont un des buts est aussi de motiver les gens à s’engager dans la vie publique. Cet engagement devrait se traduire, par exemple, par une attention accrue accordée aux cas de corruption ou par la volonté des gens de présenter leurs candidatures aux élections locales. »
Le fait qu’au bout de près de trente ans écoulés depuis la transition d’un régime autoritaire vers la démocratie libérale, les gens ne croient plus ni à la politique ni les représentants politiques, est une très mauvaise nouvelle. Et l’auteur du texte publié dans le quotidien Hospodářské noviny de conclure que « même si le pouvoir ne traîne pas encore dans la rue, la rue est en train d’acquérir un pouvoir grandissant. »
Les communistes tchèques en 2018
« Il ne reste rien de la vision révolutionnaire du Parti communiste de Bohême et Moravie (KSČM) ». C’est sous ce titre que le supplément Česká pozice du quotidien Lidové noviny a publié, à quelques jours du 10ème congrès du parti de ce samedi, un entretien avec l’historien Michal Kopeček pour savoir dans quelle condition le Parti communiste se trouvait aujourd’hui :« Le Parti communiste de Bohême et Moravie est l’unique parti politique s’est opposé dès le début des années 1990 au capitalisme et qui défendait le maintien d’un système de solidarité sociale fort. C’est par cette identité historique qui mobilise et à la fois décourage les électeurs, qu’il diffère des autres partis anti-système... Avant 1989, le Parti communiste tchécoslovaque (KSČ) était un pilier de l’ancien régime et de ce fait une partie importante de la population active y a adhéré. Tous ceux, pour lesquels il ne représentait qu’un point de départ vers une carrière professionnelle, l’ont promptement quitté. Or, le KSČM ne compte aujourd’hui que des membres fidèles, ainsi que beaucoup de communistes convaincus. »
D’après cet historien, tout en étant un parti non libéral, le parti communiste demeure un parti démocratique, car élu par une partie de la population dans le cadre d’élections libres. Voilà pourquoi, aussi fâcheux que cela puisse paraître pour beaucoup, il ne devrait pas être exclu d’une éventuelle participation politique. Pour lui, « le danger de l’autoritarisme est aujourd’hui immense, il est vrai, mais ce ne sont pas les communistes qui sont les plus dangereux, bien que ce style politique soit le leur ». Rappelons qu’aux dernières élections législatives, les communistes ont entregistré un score plus faible que jamais, ayant été plébiscités par près 7% des électeurs.
Les relations tchéco-américaines dépourvues de contenu ?
« Une alliance et une amitié sincère ». C’est par ces paroles que le porte-parole présidentiel a caractérisé la rencontre, ce mercredi, du président Miloš Zeman avec l’ambassadeur américain à Prague, Stephen King. D’après l’auteur d’une note mise en ligne sur le site respekt.cz, le fait même de cette rencontre ait eu lieu constitue un succès. Il explique pourquoi :« Il a fallu un certain temps pour que l’ambassadeur américain qui avait remis ses lettres de créance à Prague l’automne dernier soit de nouveau reçu au Château de Prague. Le président Zeman semble être vexé, car à la différence de beaucoup d’autres présidents et chefs de gouvernement européens, il n’a pas été invité à la Maison Blanche. Mais c’est de sa faute, car sa politique est à tel point prorusse qu’une rencontre avec lui pourrait être délicate pour le président Trump. »
Le problème des relations tchéco-américaines demeure pourtant ailleurs, dépassant la durée du mandat d’un président tchèque. Selon le site respekt.cz, ces relations sont dépourvues de contenu et il n’y aurait sur la scène politique tchèque personne qui sache les stimuler. Vue des Etats-Unis, la Tchéquie est un petit pays et c’est aux atlantistes locaux qu’incombe la tâche d’initier quelque chose.
Parler de l’anorexie
« L’anorexie touche les enfants, ainsi que les femmes d’âge mûr. » C’est le titre de l’éditorial du quotidien Mladá fronta Dnes de ce jeudi qui est consacré à ce trouble, devenu ces jours-ci fréquemment évoqué en raison de la parution d’un livre autobiographique dans lequel la populaire biathlète tchèque Gabriela Koukalová parle ouvertement de ses problèmes de troubles alimentaires dont elle a souffert pendant sa carrière sportive. Le journal rapporte :« En Tchéquie, l’anorexie touche désormais non seulement les adolescents comme c’était encore récemment le cas, mais aussi les enfants de moins de 13 ans. C’est dans cette catégorie d’âge que les établissements sanitaires recensent la plus grande augmentation du nombre de malades. D’un autre côté, les données retenues révèlent que se sont aussi les femmes autour de la quarantaine qui en souffrent aujourd’hui plus souvent que jamais. La durée d’hospitalisation de ces malades, lorsqu’ils décident de subir un traitement, varie autour d’une quarantaine de jours. Il n’y a pourtant que la moitié d’entre eux qui arrivent à en sortir totalement guéris. »
Le journal contredit aussi l’idée que les troubles du comportement alimentaire touchent uniquement les jeunes filles et les femmes, le nombre d’hommes qui en souffrent se situant autour de 10% de l’ensemble des malades. Un autre constat alarmant, c’est que parmi les maladies psychiques, c’est justement l’anorexie qui est à l’origine du plus grand nombre de décès.