Le réveil des sources
Il est impossible d’imaginer le paysage tchèque sans les sources, les fontaines et les puits. Ils donnent de l’eau qui est le sang de la terre et contribuent à rehausser le charme des forêts et des prés de Bohême et de Moravie. Ces dernières années nous assistons à un regain d’intérêt pour le rôle de l’eau dans le paysage et à la mobilisation de ceux qui se rendent compte de l’importance des sources d’eau qui sont aussi sources de vie. Parmi ceux qui sont sensibles à cette problématique et lui vouent un intérêt passionné il y a l’écrivain Ondřej Fibich et la photographe Ivana Řandová .
« Nous allons continuer encore pendant quelques années parce que nous découvrons toujours plus de nouveaux sites charmants comme des sources ensevelies qu’il faut de nouveau creuser pour les faire rejaillir. Aujourd’hui, c’est aussi pour nous un mode de vie. Evidement nous serons contents de pouvoir présenter les résultats de nos recherches et nos découvertes à tous ceux qui aiment de beaux recoins calmes et aussi une eau qui est bonne à boire. »
Le premier tome de la trilogie « Le ciel des sources » est sorti déjà en 2009 aux éditions Hrad Strakonice. Et ces dernières semaines les auteurs présentent au public le deuxième tome de leur oeuvre. Ondřej Fibich précise que le projet concerne 120 fontaines qui se trouvent approximativement sur une zone entre la les villes de Klatovy et Brloh donc dans la région de Český Krumlov. Les auteurs ont recherché surtout les sources qui ont quelque chose d’intéressant et de mystérieux, qui ont suscité la naissance de légendes. Certaines fontaines ont inspiré la naissance de légendes sur des démons, ondins et nains, d’autres sources sont consacrées au culte marial comme par exemple celle de Strašín. Il y a également beaucoup de sources de sainte Anne qui étaient souvent à l’origine des stations thermales car les gens utilisaient l’eau de ces sources pour se soigner. Ondřej Fibich cherche dans les sources leur poésie et cela se reflète aussi dans son ouvrage :
« Je voulais aborder chaque fontaine en tant que poète. J’ouvre chaque source par un petit poème de quatre vers qui cherche à saisir ce qui est caché dans ses profondeurs, ce qui permet à la source de nous parler. (…) Evidemment ces sources sont liées avec de petites chapelles et des églises construites dans ces endroits, mais aussi avec des phénomènes naturels, des roches, des animaux, des plantes, des fleurs et les destins des gens qui y ont vécu. Et c’est ce que j’aimerais surtout souligner. Bien que cela puisse paraître incroyable nous avons découvert que chaque source était liée avec un sort humain. Nous parlons donc avec ces gens ou avec leurs descendants pour trouver la clé qui nous permettrait d’ouvrir et de comprendre telle ou telle source. »Le lancement du second tome du livre « Le Ciel des sources » a eu lieu dans l’écurie du château fort de Rábí, une imposante ruine d’une forteresse féodale en Bohême de l’Ouest. Selon les auteurs du livre le château de Rábí est le centre naturel de la région de Prácheň, un lieu magique qui a fait naître de nombreuses légendes, un lieu qu’on n’arrête pas de découvrir. Et Ondřej Fibich d’ajouter que près des ruines du château il y a la source qui porte le nom du légendaire commandant des armées hussites Jan Žižka. Cette source cachée qui reste inaperçue par les gens, n’a pas échappée à l’attention d’Ondřej Fibich. Il en parlera et il évoquera son histoire d’ailleurs dans le troisième tome de son ouvrage :
«L’année prochaine devrait paraître le troisième et dernier tome de la trilogie qui achèverait nos pèlerinages et nos recherches non seulement dans le massif de la Sumava mais aussi dans les archives ; j’ai à l’esprit des pierres solitaires intéressantes, des croix expiatoires, des fonts baptismaux …»
Il va de soi que lors du lancement du livre dans les écuries de Rábí, les invités ont bu de l’eau de source. Ils ont eu l’occasion de savourer l’eau de plusieurs fontaines miraculeuses de la région.
Le livre « Le ciel des sources » peut être considéré aussi comme le signe du regain d’intérêt plus général pour les sources, les fontaines et les puits dans le paysage tchèque. Ceux qui ne sont pas indifférents à cette grande richesse naturelle que représente l’eau pour le pays ne restent pas passifs. Ils travaillent dans le cadre de l’Association de jeunes protecteurs de la nature et ils ont lancé une campagne nationale intitulée « Sauvons les sources ». La campagne a été lancée déjà en 1999 par l’Association et la société « Forêts de République tchèque » et a été appuyée d’une façon intermittente par les ministères de l’Education et de l’Environnement. En 2008 les organisateurs de la campagne se sont joints à ceux qui cherchaient à établir un registre des sources sur le territoire de République tchèque et c’est grâce à eux qu’une partie de cette richesse naturelle est déjà enregistrée. Selon le rapport annuel de l’Association de jeunes protecteurs de la nature à la fin de 2009 il y a avait dans le registre 2360 sources, fontaines, puits et forages. Les membres de l’Association ont enregistré cependant aussi 37 sources taries, 22 détruites et 98 menacées. Rien qu’au cours de l’année 2009, le nombre de sources enregistrées a augmenté de 1500. Il est évident que ce nombre ne peut pas augmenter indéfiniment et qu’après un certain temps le registre atteindra son plafond. Les spécialistes évaluent le nombre de sources de tous genres sur le territoire tchèque à 10 000 et ce chiffre démontre que dans ce domaine il y a encore un grand travail à faire, travail qui prendra sans doute plusieurs années.
Tous ceux qui s’intéressent à cette problématique peuvent trouver sur le site Internet de l’organisation aussi une carte des sources de la République tchèque. La carte est actualisée et les sources sont marquées par des couleurs différentes afin qu’on puisse distinguer celles d’eau potable ou celles qui sont menacées. Les participants à la campagne « Sauvons les sources » sont invités à faire une documentation écrite et photographique sur leur découverte et aussi à réveiller la source, c’est-à-dire à l’épurer, à la débarrasser de plantes envahissantes, à la protéger par un petit toit contre les feuilles mortes. Ils sont invités à continuer à s’occuper de la source aussi dans l’avenir. Ce sont donc eux qui deviendront désormais les patrons des sources et remplaceront les fées, les ondins et les bons esprits de la forêt que l’imagination populaire associait toujours avec les sources et les fontaines.