Le Service tchèque de secours en montagne, saint-bernard des temps modernes

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Même si elle n'est plus crainte ni même respectée comme autrefois, la montagne, fascinante et envoûtante, n'en reste pas moins un milieu hostile. Chaque année, des milliers de visiteurs en sont d'ailleurs les victimes. Et depuis un peu plus de 70 ans, en République tchèque, c'est le Service national de secours en montagne qui sauve des centaines de vies.

Les premières excursions de l'homme en montagne ont entraîné avec elles leurs premières victimes. Il s'agissait alors de chasseurs, d'herborisateurs, de botanistes ou encore de chercheurs d'or qui se perdaient et disparaissaient. Bien que conscient des risques qu'il encourrait, l'homme continua pourtant à vouloir tirer profit des richesses de la montagne. Et malgré des conditions de vie difficiles et une météo capricieuse, il est donc monté de plus en plus haut, conquérant les sommets des monts les plus redoutés. Puis sont apparus les premiers touristes, fascinés par la beauté de la nature et des paysages. Ils venaient en hiver comme en été et s'adressaient aux habitants locaux, connaisseurs des montagnes, pour qu'ils leur fassent découvrir les coins les plus mystérieux et les plus inaccessibles. C'est ainsi que dans les massifs tchèques a vu le jour, en 1850, un service de guides et de porteurs qui, pour pouvoir exercer leur activité, devaient être capables d'apporter les premiers soins en cas de besoin lors des excursions.

63 ans plus tard, le 24 mars 1913, un lundi de Pâques, sous un soleil printanier, quatre Tchèques et deux Allemands prennent le départ d'une course de fond longue de 50 kilomètres sur les pistes des Monts des Géants. Bohumil Hanc, skieur reconnu, est l'un d'entre eux. En se pointant sur la ligne de départ, il n'a qu'un objectif en tête : ne pas laisser l'un des concurrents allemands franchir en vainqueur la ligne d'arrivée. Obnubilé par cette idée, Bohumil Hanc, pourtant parti en chemise et sans bonnet, est le seul à ne pas abandonner quand le soleil se transforme tout d'abord en pluie, puis en tempête de neige. Sur le bord du parcours, il rencontre son ami, Vaclav Vrbata, venu l'encourager. Ce dernier n'hésite alors pas à risuqer sa vie en donnant à Hanc son manteau et son bonnet. Quelques heures plus tard, à des endroits différents, les deux hommes sont retrouvés, morts de froid. Depuis ce jour légendaire et le sacrifice de Vaclav Vrbata, considéré comme l'acte fondateur du secours en montagne, le 24 mars est célébré en Tchéquie comme la Journée du Service de secours en montagne. Mais il fallut encore attendre 1934 pour que le Service tchèque de secours en montagne soit officiellement créé.

Jiri Brozek et le ministre de l'Aménagement territorial Jiri Paroubek,  photo: CTK
Aujourd'hui, le Service tchèque de secours en montagne, qui a donc fêté ses 70 ans en 2004, opère dans les sept régions montagneuses du pays. Depuis le 1er décembre 2004, son budget d'environ quatre millions d'euros est financé à 90 % par le ministère de l'Aménagement du territoire. Un soutien financier essentiel pour le Service, comme l'explique son chef, Jiri Brozek :

« Nous pouvons enfin nous consacrer entièrement aux missions qui sont les nôtres à l'origine, à savoir notamment porter secours en montagne et intervenir de façon rapide et efficace, ou encore, par exemple, en ce moment, trouver une solution aux problèmes que posent les aggrandissements des stations de ski. Ce sont des préoccupations permanentes qui ne sont pas valables uniquement l'hiver, mais aussi pour les activités estivales qui, de plus en plus, demandent et nécessitent l'action du Service de secours en montagne. »

En 2004, pas moins de 6700 personnes ont dû être secourues dans les montagnes tchèques. Si treize d'entre elles ont succombé à leurs blessures, en revanche, plus de trois cent vies ont pu être sauvées. Jiri Brozek :

« Je n'ai pas avancé ces chiffres seulement pour souligner les malheurs qui peuvent arriver en montagnes, mais surtout pour qu'il y ait une prise de conscience. Avec l'éducation et une certaine pression de notre part pour que soient adoptées de nouvelles règles de sécurité, nous voudrions, par exemple, que les jeunes utilisent des casques lorsqu'ils font du ski alpin. Cette année, grâce au nouvel argent du ministère, nous avons ainsi pu équiper nos employés permanents de casques qu'ils sont tenus de porter lors de leurs missions, et ce afin de montrer l'exemple. Et puis, avec l'entretien des pistes, les équipements et le matériel des skieurs toujours plus performants, les vitesses des descendeurs sont de plus en plus importantes sur les pistes et, logiquement, les conséquences des accidents le sont aussi. Ce sont quelques-uns des principaux problèmes que nous rencontrons en hiver. Pendant l'été, les problèmes sont différents. Qu'il s'agisse seulement de cyclisme ou d'autres sports à risques, notre mission n'est plus seulement de soigner les blessés, mais aussi d'intervenir le plus vite possible, car les blessures sont de plus en plus graves. C'est pourquoi nous réclamons des équipements performants, pour être là où il faut quand il le faut, surtout que nous devons souvent intervenir dans des endroits difficilement accessibles. »

Chef du Service de secours dans les Krkonose, Monts des Géants, les plus hauts sommets en République tchèque, Adolf Kleps est également très concret lorsqu'il s'agit de dresser un bilan pour l'année écoulée dans le massif dont il a la charge :

« En 2004, il y a eu 2500 accidents dans les Monts des Géants, dont 820 à Spindleruv Mlyn, la plus importante station tchèque de sports d'hiver, ce qui est un chiffre alarmant, d'autant qu'il s'agit le plus souvent d'accidents graves. La saison s'est d'ailleurs terminée par deux accidents mortels. Nous cherchons donc les solutions pour éliminer au maximum les dangers comme, par exemple, les collisions entre skieurs. Nous sommes également fréquemment confrontés à des situations quand les skieurs sortent des pistes pour aller en forêt et heurtent ensuite violemment des arbres. J'avance ces chiffres et ces exemples pour dire que beaucoup d'efforts sont faits à Spindleruv Mlyn pour la sécurité. C'est notre priorité absolue. Récemment, nous avons notamment installé des centaines de mètres de filets de protection le long de certaines pistes dangereuses. Nous nous efforçons aussi de réguler le trafic sur les pistes afin de minimiser les risques d'accidents et de collisions. »

Pendant l'été, les interventions du Service de secours sont moins nombreuses. Mais avec l'apparition de nouvelles pratiques sportives, les interventions en urgence nécessitent des moyens toujours plus importants. Adolf Kleps :

« Pour la saison estivale en 2004, dans les Monts des Géants, le Service de secours est intervenu pour 70 accidents, dont 28 à Spindleruv Mlyn. De nouveau, il s'agissait d'accidents graves causés, pour l'essentiel, par la pratique du vélo en montagne. En revanche, le nombre d'accidents découlant du tourisme pédestre est en baisse, et ce pour une raison très simple, puisque depuis quelques années les Allemands de l'est qui constituaient le plus gros des troupes sont de moins en moins nombreux et nous abandonnent. Désormais, ce sont les sports extrêmes procurant des montées d'adréaline qui sont très en vogue, mais leur pratique est la source de nombreux accidents. Le problème réside dans le fait que beaucoup de gens qui pratiquent ces sports, comme le parapente ou le deltaplane, ne sont pas suffisamment entraînés. Nous sommes alors confrontés à des situations de secours inhabituelles, car il s'agit également d'une aide technique. Lorsqu'une personne reste accrochée en haut d'un arbre, il nous faut d'abord la faire descendre avant de pouvoir la soigner. »

Sans le tonnelet de rhum du légendaire chien sauveteur des montagnes, mais équipés d'hélicoptères et de scooters, le Service de secours en montagne continue donc, jour après jour, de mission en mission, de marcher sur les traces du saint-bernard.