Le smog qui pollue « l’air spirituel »
Même si la situation s’est quelque peu améliorée ces deux dernières semaines, une importante dégradation de la qualité de l’air a été constatée en octobre et en novembre un peu partout en République tchèque. Cette pollution atmosphérique, très courante à l’automne et en hiver notamment par temps ensoleillé et dans les régions industrielles et les zones urbaines, est la conséquence d’une importante concentration de smog, concentration qui dépasse la limite autorisée dans la plupart des stations de mesure. La République tchèque a donc étouffé sous le smog, a-t-on donc pu lire ou entendre à plusieurs reprises sur Radio Prague. L’occasion pour nous de nous intéresser tout d’abord à ce petit mot « smog », mais aussi à celui de « vzduch », qui désigne, lui, « l’air ».
Dès le XIIIe siècle ce smog a été identifié dans la capitale de l’empire britannique, où on utilisait le charbon pour le chauffage domestique, mais c'est au milieu du XVIIIe siècle que les choses s'aggravent véritablement avec la révolution industrielle. Aujourd’hui, outre le charbon, la combustion d’autres carburants par les usines et les centrales thermiques et bien entendu les gaz d’échappement des véhicules contribuent également grandement à la formation de cette épaisse couche de brume brunâtre et épaisse constituée de polluants atmosphériques qui repose également sur la Bohême et la Moravie depuis plusieurs dizaines d’années déjà, l’activité industrielle y étant restée relativement importante comme elle l’était à l’époque de la Tchécoslovaquie. Ainsi donc pour les origines de ce mot « smog », qui ne possède certes aucune étymologie tchèque, mais n’en est pas moins très usité par les Tchèques.
Avec ce smog, la qualité de l’air s’est ainsi dégradée. L’origine de ce mot « vzduch » - « l’air », est elle aussi très intéressante. Notamment parce que, à la différence de « smog », il s’agit d’un mot sinon tchèque, du moins d’origine slave. Il s’agit toutefois d’un mot relativement jeune, puisqu’il n’est apparu qu’au début du XIXe siècle, au moment du renouveau national, une période bien connue des amateurs de l’histoire tchèque. Une période surtout de réveil de la conscience nationale tchèque qui passait notamment par la langue, comme nous l’avons déjà évoqué dans cette rubrique, et notamment dans notre série consacrée à l’histoire de la langue tchèque. Mais « vzduch » tire son origine du russe, et plus précisément du mot « vozduch », qui lui-même semble provenir du slavon « duch ». A l’époque, Josef Jungmann, un des grands linguistes de l’époque artisans de la modernisation de la langue tchèque, l’adopte pour la traduction du poème épique « Le Paradis perdu » de John Milton, suivant ainsi les conseils d’un autre grand linguiste, philologue et historien Josef Dobrovský. Avant cette traduction, la langue tchèque ne connaissait que le mot « povětří » pour désigner l’air. Bien entendu, il existe quelques nuances entre l’emploi de « vzduch » et de « povětří », mais, pour résumer, disons simplement que le mot « vzduch » possède une connotation plus poétique, notamment parce qu’on y retrouve une certaine notion d’esprit – « duch ». Le mot est également relativement proche du terme « dech », qui désigne, lui, le souffle et la respiration, tout le contraire, on le constate ainsi, de ce fameux smog gris et industriel…C’est donc sur cette belle notion en quelque sorte d’air spirituel et poétique, mais aussi d’air indispensable à la vie que s’achève ce « Tchèque du bout de la langue ». On se retrouve dans quinze jours. D’ici-là, portez-vous du mieux possible - mějte se co nejlíp !, portez le soleil en vous - slunce v duši, salut et à bientôt - zatím ahoj !