Le Sokol, un idéal tchèque de vie en société
Quelque 15 000 personnes sont depuis dimanche et jusqu’à samedi à Prague, où se tient le XVIe rassemblement Sokol, du nom d’une organisation sportive, culturelle et patriotique qui réunit Tchèques d’origine, Tchèques de l’étranger et étrangers d’origine tchèque. Ce grand rassemblement, le premier depuis six ans, est organisé dans le cadre des célébrations du centenaire de la fondation de la Tchécoslovaquie. Mardi soir, ces 15 000 participants étaient réunis à l’O2 Arena pour une soirée de gala au cours de laquelle a été présenté ce que le Sokol, fort de son histoire riche de 156 ans, propose de mieux. Reportage.
« Les idéaux d’hier ne sont plus nécessairement les idéaux d’aujourd’hui, ou en tous les cas ils ne sont plus partagés. »
L’idéal de Sokol, ce n’est pas seulement « un esprit sain dans un corps sain » - devise de l’organisation - c’est aussi une idée que ses membres, depuis ses fondateurs en 1862, au moment de la renaissance du sentiment national tchèque lorsque Bohême et Moravie étaient sous domination autrichienne, se font de leur pays :
« Le Sokol, c’est d’abord une vision patriotique, mais aussi de fraternité entre les gens. Un des aspects marquants de Sokol est qu’il n’y a pas de hiérarchie. Que vous soyez riche ou pauvre, vous êtes membres du Sokol où, c’est une règle, tout le monde se tutoie. Il y a par ailleurs un mélange à la fois social et générationnel, puisqu’un gamin de 2 ans qui gambade peut être pris en charge par un pays qui en a 80, le tout sans aucun chichi. »
Vingt-cinq membres du Sokol de Paris, le seul existant en France, sont présents à Prague tout au long de cette semaine :« Nous avons tout d’abord participé au défilé [dans le centre de Prague] dimanche. C’était comme toujours très émouvant, même si celui de 1994 avait une saveur particulière, puisque c’était le premier ‘slet’ (mot tchèque qui désigne le grand rassemblement des organisations Sokol de République tchèque et de l’étranger) organisé après la révolution et l’ouverture de la République tchèque au monde. Sept hommes parmi nous participent également au mouvement d’ensemble. Et puis nous avons assisté à la soirée gala de sport ce mardi, qui a été une grande réussite en termes à la fois de qualité, de public, très nombreux, et de chaleur humaine. »
Ces jeudi et vendredi, Olivier participera au grand spectacle gymnique - ou mouvement d’ensemble comme il l’appelle lui-même - qui se tiendra à Eden, le stade du Slavia Prague :
« Expliquer ce que c’est, n’est pas facile, car c’est d’abord de l’ordre du ressenti. Quand vous n’êtes pas tombé dedans quand vous étiez petit, vous pouvez même penser que vous avez affaire à une secte parce que le Sokol n’est pas seulement une société de gymnastique. Il y a aussi un aspect affectif très fort et qui est d’autant plus fort pour les Sokols de l’étranger. Pour les Tchèques qui ont émigré, le Sokol représente un lien avec leurs racines et leurs origines tchèques. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles les Sokols à l’étranger subsistent. »
Titi parisien pur jus, Olivier est un exemple parfait de l’importance pour ces Tchèques de l’étranger de l’héritage des valeurs qu’incarne le mouvement Sokol :
« Mon père a quitté la Tchécoslovaquie en 1948 et a rencontré la femme qui allait devenir ma mère à Paris. Lui y resté et moi j’y suis né. J’ai donc baigné dans le Sokol depuis tout petit. J’ai participé à mon premier rassemblement en 1974, j’avais alors 14 ans. A l’époque, seuls les Sokols de l’étranger participaient à ces rassemblements, c’est-à-dire la diaspora tchèque qui a émigré au gré des fluctuations politiques ou des nécessités économiques. A partir de 1962, les Sokols tchèques de l’étranger se sont organisés pour perpétuer ces rassemblements. Tous les 4 ans à l’époque, et tous les 6 ans désormais depuis que la République tchèque est de nouveau ouverte au monde et aux idées libérales, on se réunit et c’est toujours un plaisir de se retrouver, car un lien se crée automatiquement par le simple fait d’être Sokol. »Et s’ils ne sont plus aussi nombreux qu’en 1938 ou 1948, lorsque les rassemblements Sokol à Prague avaient rassemblé jusqu’à plus de 500 000 participants et pris la forme de manifestations patriotiques contre les montées du nazisme puis du communisme, les Sokols de toute la République tchèque mais aussi de Slovaquie et donc de Paris et du monde entier réunis à Prague 100 ans après la fondation de la Tchécoslovaquie entendent quand même bien montrer tout au long de cette semaine de fête et de fraternité qu’un esprit sain dans un corps sain et dans une société saine reste un idéal moderne, un idéal aussi du XXIe siècle.