Slet 2024 : rencontre avec des membres du Sokol de Paris
Tous les six ans, des membres de l’organisation Sokol se réunissent à Prague pour un rassemblement sportif de masse appelé Slet. Cette année, depuis le 30 juin et jusqu'au 5 juillet, les participants venus du monde entier célèbrent le mouvement patriotique gymnique. Au cours de la semaine, des démonstrations sportives, défilés et expositions prennent place dans la capitale.
En France, une branche du Sokol voit le jour en 1892, aujourd’hui l’organisation porte le nom de Sokol de Paris. Cette année, nous les rencontrons pour le 17e Slet de Prague.
Petra Trnková, vice-présidente et membre du Sokol depuis près de quinze ans et de Nolwenn Tytlová, responsable culturelle en charge des médias et de la communication au sein du Sokol de Paris ont répondu aux questions de RPI :
Pouvez-vous me décrire le Sokol et la branche française du Sokol de Paris?
Petra Trnková : « Nous sommes venus à Paris il y a quinze ans, mais nous sommes une famille tchèque. On est venus avec des enfants et on a découvert la communauté tchèque autour du Sokol, car il y a un très joli terrain près de la rivière Marne qui a toujours symbolisé les valeurs. Pendant le communisme, c’était un peu de Tchéquie au milieu de la France. Quand j’ai découvert cela, j’ai bien aimé la transmission des valeurs tchèques, car nous fêtons les fêtes principales qui ne sont pas connues en France. On essaie de faire continuer la tradition en version moderne. »
Nolwenn Tytlová : « Moi je suis membre Sokol depuis la naissance, transmis de ma maman qui est arrivée en France, à Paris en 1987, et qui était déjà Sokol en Tchéquie. Bien sûr pas Sokol, car il était interdit, mais elle a participé aux Spartakiades. Quand elle est arrivée en France, elle a rejoint le Sokol de Paris. Je suis au Sokol depuis mes trois ans et je participe activement depuis trois ans au poste de responsable culturel, chargé de la communication. »
En quoi consiste le travail de vice-présidente?
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Petra Trnková : « La communication, les relations, et j’essaie de faire le lien de l'ancienne génération vers les nouvelles. Pour eux, c'était les valeurs qui n'existent plus, car le Sokol était interdit en 1948 en Tchécoslovaquie. Après la révolution de Velours, il a fallu reconnecter le nouveau Sokol tchèque. Le premier Slet a eu lieu à Paris en 1951, après son interdiction en Tchécoslovaquie, et le dernier a eu lieu en 1990. Depuis la chute du régime communiste, les Sokols de Paris ont participé à tous les Slet qui ont eu lieu à Prague. Cela leur permet de redécouvrir les choses qu’ils ont connues. Dans notre Sokol, on cuisine tchèque, mais ici, on profite de redécouvrir la cuisine tchèque et Prague, et ça fait du bien de voir la connexion de l’ancien et du nouveau. »
Quelles sont les activités proposées au Sokol de Paris?
Petra Trnková : « Nous, au bureau Sokol, nous sommes dix membres et nous nous retrouvons une fois par mois, nous discutons d'activités proposées aux gens, des nouveautés. Nous préparons un événement assez exceptionnel qui est le Bal, 'ples' en tchèque, où on danse la Polka, la valse…Les français ne connaissent pas trop. Il y a aussi les activités plus régulières dont Nolwenn peut parler. »
Nolwenn Tytlová : « La première activité de l’année est le bal en janvier, puis l’ouverture de notre terrain à Gournay, acheté par les premières familles tchèques venues en France, Pâques, la fête du sport en juin. Depuis cette année, il y a la course de la République, qui est un événement de la Tchéquie commun aux Sokols du monde. Nous avons la fête Venceslas en septembre et bien sûr la traditionnelle fête de la Saint-Nicolas en décembre. »
Aujourd’hui, que représente le mouvement pour les participants?
Petra Trnková : « C’est les racines et leurs origines. Ce qui est différent avec les Sokols plus proches de la Tchéquie, c’est qu’il est plus facile de garder les traditions. Nous parlons pour la majorité français, même dans les activités de la semaine. Nous essayons de reprendre le tchèque, mais ce n’est pas si facile. »
Nolwenn Tytlová : « Je rajouterais que la langue tchèque n’est pas transmise. Comme les familles sont arrivées en 1948 et dans les années 1960, ce sont aujourd’hui les grands-parents qui parfois ne sont plus là, donc la langue disparaît. Les participants reviennent pour des questions d'origines, de retrouvailles avec les autres familles, et la langue n’est plus aussi active. Ce n'est pas qu’on ne veut plus la pratiquer, mais c'est quand même le français qui a constitué le Sokol de Paris. »
Nuée d'oiseaux
Quel est le profil des participants ? On a pu voir lors du défilé de dimanche beaucoup d'enfants, peut-on dire que le Sokol se transmet de génération en génération?
Petra Trnková : « Oui, un petit peu, mais les membres sont plutôt les anciens, et nous avons du mal à attirer l’attention. Les gens ne veulent pas forcément s’investir. Ce n’est pas facile, mais on essaie de coopérer avec les Tchèques et les Slovaques qui sont sur place ; les associations et l’école tchèque. Mais c’est la même chose dans tous les Sokols du monde. Quand on propose des activités, les gens aiment venir, mais ils n’aiment pas s’investir. »
Nolwenn Tytlová : « On essaie de retravailler nos activités pour attirer l’attention des plus jeunes générations. Le camp de la Pentecôte, Pâques ou la fête de St Nicolas sont des événements accès sur les enfants. Le but est de réactiver les nouvelles générations pour que les traditions se transmettent. »
Si nous avons la chance de pouvoir vous rencontrer aujourd’hui, c’est parce que se déroule à Prague le XVIIe slet, en français nuée d’oiseaux. Comment cela se prépare depuis l’étranger ?
Nolwenn Tytlová : « Les répétitions pour les mouvements chorégraphiques ont commencé en octobre. Douze hommes préparent la chorégraphie qui s'appelle 'před kamerou' (face à la caméra). Ils se rassemblent une ou deux fois par mois afin de s'entraîner et depuis mars, plus régulièrement afin d'être au point pour cette semaine. »
Jeudi soir et vendredi se dérouleront les présentations des chorégraphies, c’est le moment où les Sokols du monde se rassemblent et célèbrent l’organisation. Comment se passe toute la semaine?
Petra Trnková : « Nous organisons les événements, mais les hommes s'entraînent, une à deux fois par jours avec les autres. Ils ont de très bons souvenirs, il y en a un qui a 90 ans, mais il se souvient beaucoup de l'atmosphère, de la collectivité, la fierté du rassemblement. Le Slet réunit les gens. »
Nolwenn Tytlová : « Ils ont commencé hier après-midi jusqu'à tard dans la soirée et aujourd'hui pareil. Ils ont un filage, l'entraînement puis le général. Beaucoup d'entraînement et de temps passé sur le terrain. »
Première médaille d'or olympique
Dans les défilés on a pu voir tous les Sokols du monde se suivre dans une ambiance festive, il y avait beaucoup de danses, beaucoup de musiques. Parfois quand on pense au sport on pense à la compétition, le Sokol est-il un moyen de faire du sport en s'amusant dans une ambiance festive ?
Nolwenn Tytlová : « En France peut-être. C'est du loisir. Mais pas en Tchéquie. Certains Sokols ont un très bon niveau de sport. Ils sont dans des clubs élites ou participent aux Jeux olympiques. Certains clubs ont un très bon niveau, d’autres le font en loisir. »
Petra Trnková : « C’est intéressant de dire qu'il y a cent ans, les Jeux olympiques se sont tenus à Paris, et c’est un Sokol, Bedřich Šupčík, qui a gagné la première médaille d’or de la Tchécoslovaquie en 1924. »
Il y a aussi une dimension patriotique dans le mouvement, comment s’exprime-t-elle aujourd’hui ?
Nolwenn Tytlová : « Dans la commémoration des guerres et des soldats tombés, par des dépôts des gerbes. Nous avons une stèle sur le terrain à Gournay pour la création de la Tchécoslovaquie en octobre et avec l'ambassadeur tchèque en France sous l’Arc de Triomphe en juin. Le côté compatriote continue d'exister, mais plus autant qu'avant, car on a pas les mêmes enjeux et le temps n’est plus la même époque. »
Petra Trnková : « Les anciens ont participé aux guerres. Surtout à Paris, ils ont participé à la création de la Tchécoslovaquie. Le 30 juin 1918, le président français R. Poincaré a reconnu les soldats tchécoslovaques, car ils ont joué un rôle important dans la libération de l’empire austro-hongrois. »