Le souvenir du 21 août dans les médias tchèques

Foto: Pavel Macháček, www.rozhlas.cz/1968

Ce 21 août, 44 ans se sont écoulés depuis le jour où les troupes du Traité de Varsovie ont envahi la Tchécoslovaquie afin d’écraser le fameux Printemps de Prague 1968, période lors de laquelle Tchèques et Slovaques ont tenté de mettre sur pied le modèle d’un socialisme « à visage humain ». A l’instar des années précédentes, les médias ont examiné, sous différents angles, cet anniversaire tragique... D’autres sujets liés à l’actualité nationale ont également retenu notre attention.

« Même après de si longues années, il est difficile pour tout habitant du pays qui a été le témoin des événements du 21 août 1968, d’oublier l’amertume, le désespoir, l’humiliation et les craintes pour l’avenir, que nous avons ressentis à l’époque ». C’est ce qu’a écrit dans une note rédigée pour le quotidien Lidové noviny Alexandr Vondra, ministre de la Défense et ancien dissident, et dans laquelle il se penche sur le rôle joué par l’armée nationale lors de l’invasion soviétique. Rôle qui mérite selon lui d’être souligné :

« Outil de puissance au service du régime communiste, l’armée populaire tchécoslovaque, ou du moins sa grande majorité, s’est mise en août 1968 du côté de la nation et a refusé l’occupation soviétique... Il y a bien sûr eu des traîtres, tel que le ministre de la défense, le général Martin Dzúr. Mais, d’un autre côté, il y avait de braves militaires qui peuvent encore aujourd’hui servir d’exemple, comme le général Vilém Sachr, futur signataire de la Charte 77 et un des opposants aux pratiques totalitaires imposées dans les années 1970 par le régime de Gustáv Husák. »

En dépit du fait que beaucoup de membres de l’armée soient plus tard rentrés dans le rang en acceptant l’autorité des nouveaux leaders communistes, Alexandr Vondra conclut :

« L’unité étroite entre une grande partie de l’armée et la nation, humiliée et trahie, qui s’est manifestée pendant les jours du mois d’août 1968 représente un des rares chapitres forts de l’histoire de l’ancienne Armée populaire tchécoslovaque, pour le reste peu glorieuse. »

L’édition de mardi du quotidien Lidové noviny fait également remarquer que les dégâts écologiques causés par les soldats soviétiques lors de leur présence dans le pays entre les années 1968 et 1991 n’ont pas été, à ce jour, entièrement nettoyés et souligne que cette liquidation a déjà coûté plus de deux milliards de couronnes. En évoquant les événements survenus il y a quarante-quatre ans, le journal rappelle également l’histoire d’une jeune fille de dix-huit ans dont la mort violente n’a jamais été élucidée. Elle est survenue lors des manifestations de protestation contre l’occupation du pays qui ont eu lieu dans toutes les grandes villes tchèques et slovaques le 21 août 1969, soit un an après l’invasion des troupes du bloc soviétique.

Se trouvant par hasard au centre de la ville de Brno, métropole de la Moravie du sud, et ne participant pas directement à la manifestation de quelques milliers de personnes, la jeune fille, Danka Muzikářová, a été tuée d’un coup de pistolet, probablement tiré par un agent de la police. Le journal décrit le dénouement de cette tragédie qui en dit long sur le climat qui régnait dans le pays un an seulement après le début de l’occupation soviétique de la Tchécoslovaquie :

« Les funérailles de la jeune fille, en présence de centaines de personnes, se sont déroulées sous la surveillance de la police d’Etat. En ce qui concerne l’enquête sur cet assassinat, celle-ci a été entamée avec peu de moyens, faute de volonté politique, avant d’être stoppée peu après sur ordre des autorités communistes locales... Le père de la jeune fille, lui, a poursuivi l’enquête de son propre chef jusqu’à la fin de ses jours, afin de trouver le coupable de cette tragédie, mais sans succès. »

Une nouvelle enquête officielle a été ouverte peu après la chute du régime communiste, en novembre 1989. Elle a été enfin menée sérieusement mais n’a pas donné de résultat.


L’ensemble des journaux ont réservé cette semaine beaucoup de place au départ de Miloslav Petrusek, sociologue et pédagogue universitaire, auteur de nombreux essais et de livres. Il est considéré par ses collègues comme « un des sociologues les plus érudits de ce pays ».

Mladá fronta Dnes rappelle que « Miloslav Petrusek appartenait, symboliquement, au groupe personnalités importantes nées en 1936, et dont font partie l’ex-président tchèque Václav Havel, le grand scientifique Stanislav Holý, récemment décédé, l’astrophysicien Jiří Grygar, le dramaturge Milan Uhde et beaucoup d’autres. La date en elle même est certes un hasard Ce qui ne l’est pas, c’est le climat de cette époque qui, en dépit de circonstances peu favorables les a intellectuellement influencés. »

Dans Lidové noviny, le jeune journaliste Petr Kamberský, un des anciens élèves de Miloslav Petrusek, constate :

« Avec le départ de personnalités marquantes, dont on ne citera que Václav Havel et Miloslav Petrusek, ‘la génération 1989’ qui est la nôtre réalise que nos pères plus érudits, plus sages et plus courageux que nous-mêmes sont en train de disparaître. A nous maintenant, les enfants du 17 novembre 1989, des enfants insouciants et pas tout à fait adultes, de les remplacer et de devenir sages, courageux et, si possible, érudits ... On verra désormais ce que nos grands-pères ont réellement réussi à nous transmettre ».


Le 31 décembre prochain, vingt ans se seront écoulés depuis la partition de la Tchécoslovaquie. Beaucoup d’articles et d’analyses dans la presse, ainsi que des émissions télévisées spéciales, se penchent régulièrement sur les différents aspects de cet événement historique. Un article publié dans une des récentes éditions du quotidien Mladá fronta Dnes souligne qu’il y a lieu de reconnaître à ce sujet les mérites de Václav Klaus, aujourd’hui président de la République et qui était à l’époque chef du gouvernement. Son auteur écrit :

« On peut ne pas apprécier tout ce que Václav Klaus a fait au cours des dernières années. Mais il y a une chose qui est certaine : c’est grâce à lui, l’homme qui menait les négociations pour la partie tchèque, que la partition de la fédération tchécoslovaque s’est déroulée raisonnablement et à l’amiable. »

Plus loin, il compare l’atmosphère pleine d’hostilité à l’égard des Tchèques qui existait en Slovaquie au début des années 1990 et celle, très chaleureuse, qui règne à l’heure actuelle. Ceci l’amène à s’interroger : est-ce que de telles relations cordiales existeraient si les représentants politiques tchèques ne s’étaient pas finalement résolus à la séparation ? Et de rappeler la très forte volonté d’il y a vingt ans d’une grande partie de citoyens et d’hommes politiques slovaques d‘élever le statut de la Slovaquie. En conclusion, il remarque :

« Je peux comprendre les animosités à l’égard de Václav Klaus. Mais ces animosités empêchent beaucoup de gens de reconnaître qu’il a aussi des choses positives à son compte. Et c’est en tout cas vrai pour la partition de la Tchécoslovaquie ».


Václav Klaus
Et le président tchèque, dont le mandat aura expiré au début de l’année prochaine, a de nouveau été le centre d’attention de la sphère médiatique.

« Klaus ne fait pas partie de la dizaine d’hommes qui sont les plus préjudiciables à l’Union européenne ». Tel est le titre d’un article publié dans l’édition de lundi dernier du quotidien Lidové noviny, déjà cité, qui se réfère à l’hebdomadaire allemand Der Spiegel.

Dans ce top ten publié par ce dernier, on ne trouve qu’un seul représentant des nouveaux pays membres, le premier ministre hongrois Viktor Orban. Y figurent en revanche deux hommes politiques allemands ce qui peut, selon l’auteur de l’article Luboš Palata, « surprendre plus d’un lecteur tchèque ». Il ajoute :

« C’est aussi l’absence de Václav Klaus parmi les dix plus importants ‘hommes politiques préjudiciables à l’Union européenne’ qui a tout pour surprendre. Mais compte tenu de l’influence presque nulle de la République tchèque sur ce qui se passe au sein de l’Union, celle-ci n’est guère étonnante ».

L’auteur conclut sa réflexion en affirmant :

« Si l’on voulait cependant attribuer officieusement la onzième place à Václav Klaus, on s’apercevrait que s’agissant de l’Union européenne, le triangle Autriche-Bavière-Tchéquie constitue une zone tectonique très forte. Et tenant compte du fait qu’une grande partie des élites politiques bavaroises est composée d’Allemands des Sudètes, donc d’Allemands en provenances des pays tchèques, il est bon de rappeler qu’il y a un siècle, ceux-ci en accord avec les Autrichiens et les Tchèques avaient enterré une formation multinationale, démocratique et économiquement prospère : la monarchie austro-hongroise qui est devenue la proie de leur égoïsme nationaliste ».