Le tragique mois de février du théâtre Činoherní studio

Činoherní studio, photo: ČTK

La situation est compliquée voire critique pour le Činoherní studio, un théâtre de quartier au cœur de l’animation culturelle de la commune d’Ústi nad Labem, ville située sur les rives de l’Elbe, au nord de la Bohême. Faisant face à d’importants problèmes financiers suite à une décision contestée de la mairie, l’établissement disposait jusqu’à jeudi soir minuit pour accepter ou refuser la dotation qu’elle lui propose. Le directeur du théâtre a choisi de refuser considérant que cet argent ne résoudrait rien, et hypothéquant par là même un peu plus la survie du Činoherní studio.

Činoherní studio,  photo: ČTK
Le théâtre et son agréable petit café adjacent vivent sans doute le mois de février le plus tragique de leurs vingt-quatre années d’activités et sans doute le dernier, puisqu’ils sont menacés dans leur existence même. L’émotion est d’ailleurs forte dans cette ville de 140 000 habitants, dont une partie de la vie culturelle s’anime autour de ce lieu. Acteur au Činoherní studio, Jan Ťoupalík, qui note qu’il est difficile de vivre de sa passion, ne décolère pas :

« Je suis simplement un natif d’Usti nad Labem. Quand j’ai achevé mes études de théâtre, je ne voulais jouer pour aucun autre théâtre. Et maintenant on essaie de briser mon rêve. »

C’est la situation financière du théâtre qui pose problème depuis que la mairie sociale-démocrate a pris subitement la décision de supprimer la subvention qui, jusqu’alors, lui était exclusivement destinée, et de mettre en place une procédure de dotation, une dotation divisée en deux sommes. Le Činoherní divadlo recevrait à présent huit millions de couronnes (environ 290 000 euros), tandis que quatre millions de couronnes (145 000 euros) seraient désormais allouées à une troupe pour l’heure inexistante. Une démarche de la municipalité qui en laisse sceptique plus d’un, à l’image de Jan Kvapil, de l’association Stop tunelům :

« Depuis le début, nous nous attachons à démontrer l’absurdité de ce système de dotation. »

Činoherní studio,  photo: ČTK
Il est notamment reproché à la mairie d’avoir recouru à ce système très tardivement, en janvier, en plein milieu de la saison, laissant le théâtre dans une totale incertitude quant à ses moyens d’existence pour l’exercice 2014 et le plaçant ainsi dos du mur. La ville se défend d’avoir mal agi. On écoute Jan Eichler, conseiller municipal en même temps que président du conseil d’administration du Činoherní studio :

« La réalité, c’est qu’à la fin de l’année dernière en décembre, le budget de la ville a vraiment été validé, et qu’en janvier, le conseil municipal a siégé afin de régler rapidement cette question de la procédure de dotation sur la base de recommandations d’experts. Il n’y a donc pas eu de retard même s’il est vrai que la discussion aurait pu commencer plus tôt et le directeur du théâtre ou d’autres auraient pu œuvrer pour cela. »

Vladimír Čepek,  photo: ČTK
Le directeur du théâtre, Vladimír Čepek, conteste cette version et dénonce le caractère exceptionnel, au vue des exercices précédents, de la décision budgétaire de la ville. Celle-ci l’a contraint à clore les activités de son établissement le 31 janvier, avec l’espoir que cela ne serait que temporaire, le temps de trouver une solution. Un mouvement de solidarité important est né en faveur du Činoherní studio, une pétition initiée par des professionnels du théâtre a réuni plus de 12 000 signatures et de nombreux théâtres ont, d’une façon ou d’une autre, exprimé leur soutien à leurs collègues.

Mais rien n’y a fait. Le théâtre avait jusqu’à jeudi soir minuit pour réclamer cette dotation. Il ne l’a pas fait. D’abord pour ne pas légitimer la procédure choisie par la mairie pour gérer les affaires culturelles. Ensuite, parce que la somme proposée n’est pas suffisante pour assurer le financement de l’établissement pour toute l’année. Le directeur du théâtre, Vladimír Čepek explique :

Činoherní studio à Ústí nad Labem,  photo: Google Maps
« Il est possible que cela ne suffise pas au financement du théâtre et que je sois dans ce cas forcé d’en suspendre l’exploitation au 31 octobre. Donc, il y aurait aussi eu la possibilité que je sois obligé de rendre cette dotation. »

Ce sont quarante employés qui risquent de perdre leur emploi. Du fait du rayonnement dont jouissait le Činoherní divadlo, bien au-delà des frontières de la ville d’Ústí nad Labem, Vladimír Čepek se console quelque peu en songeant que ses acteurs n’auront pas de mal à exercer ailleurs à nouveau leurs talents.