Le verdier d’Europe, oiseau de l’année 2022 en Tchéquie
En latin, ils ont le nom de la déesse de la verdure, chloris ; en tchèque on les appelle les clochettes vertes, zvonek zelený ; en français, les verdiers d’Europe. En République tchèque comme en France, ils aiment se nicher dans les buissons luxuriants, chanter de leur chant si singulier depuis la cime des arbres, picorer les graines dans les mangeoires qui ornent les jardins. Un œil attentif aura pourtant remarqué que ces petits passereaux verts se font de moins en moins nombreux depuis quelques années. Si le verdier n’est pas encore considéré comme une espèce menacée de disparition, il s’agit de l’oiseau qui a connu le déclin le plus rapide en une décennie : sa population a baissé de plus de deux tiers. C’est pour rendre hommage à sa beauté et sensibiliser sur ce déclin que la ČSO (Société ornithologique tchèque) a choisi de faire du verdier d’Europe l’oiseau de l’année 2022 en République tchèque. François Turrian, directeur romand de l’Association suisse pour la protection des oiseaux, association membre comme la ČSO de l’ONG internationale BirdLife, nous en a dit plus sur le verdier d’Europe et sur les causes de son déclin soudain :
« Le verdier, c’est un petit oiseau de la taille d’un moineau. C’est vraiment assez comparable à un moineau. Il est vert olive avec un joli liseré jaune sur le long de l’aile. Il a aussi une marque jaune au croupion et à la queue. Il y a un dimorphisme sexuel, c’est-à-dire que le mâle est plus coloré, plus jaune, que la femelle qui, elle, est plutôt brun, brun olive, donc on peut reconnaitre mâle et femelle, comme on peut le faire d’ailleurs chez le moineau. C’est un oiseau qui a aussi comme particularité d’avoir un bec conique, un bec assez fort, qui traduit son régime qui est surtout un régime granivore. »
En République tchèque nous avons perdu deux tiers de la population de verdiers d’Europe en seulement dix ans. Pourquoi la population de verdiers d’Europe décline-t-elle si rapidement ?
« Alors c’est encore difficile de répondre a cette question, mais une des raisons principales, c’est que les verdiers sont sensibles à un agent pathogène. C’est une bactérie qui s’appelle trichomonas et qui a été diagnostiquée pour la première fois en 2012 chez des verdiers. Cette maladie est apparue en Grande-Bretagne d’abord au début des années 2000, puis, après, elle s’est propagée à travers l’Europe et elle a touché tout particulièrement les pays du Nord et de l’Est de l’Europe. C’est probablement cette raison qui explique un fort déclin des verdiers que ça soit en Grande-Bretagne, dans le Nord de l’Europe comme en Finlande, ou-bien alors en République tchèque. En Suisse, on a aussi un déclin de ces oiseaux, on le remarque dans certaines régions du pays. Il y a peut-être d’autres causes notamment liées aux pesticides ou à une agriculture trop intensive. »
Quels sont les symptômes de la trichomonase ?
« Les oiseaux tombent malades. C’est aussi apparemment assez contagieux entre les oiseaux qui peuvent se transmettre cette maladie. En principe on peut retrouver des oiseaux morts ou malades, notamment près des places de nourrissages et c’est aussi pour cette raison qu’il faudrait éviter de donner trop de nourriture concentrée sur un même endroit aux oiseaux, parce qu’ils pourraient dans ce cas se transmettre plus facilement ces maladies, que ce soit le trichomonas ou d’autres maladies qui peuvent être transmises aux oiseaux. »
Est-ce qu’il y a un remède à cet agent pathogène ?
« Pas à notre connaissance. Je ne suis pas un grand spécialiste du trichomonas gallinae, mais je pense qu’on ne peut pas faire grand-chose, hélas. C’est aussi dans cette situation de pandémie que l’on voit que les humains sont aussi affectés, en l’occurrence par un virus. Les oiseaux peuvent aussi être infectés par des virus et par des bactéries, donc il s’agit pour les oiseaux d’acquérir des immunités contre ces maladies. On a de plus en plus de maladies ou de risques de maladies croisées ou combinées entre l’homme et d’autres mammifères, voire avec des oiseaux si l’on pense à la grippe aviaire. C’est bien évidemment un problème préoccupant qui reflète aussi probablement l’affaiblissement de la biodiversité sur la planète. »
Est-ce que la trichomonase est contagieuse pour l’homme ?
« Non, elle n’est pas contagieuse pour l’homme, donc elle n’est pas transmissible à l’homme à notre connaissance au jour d’aujourd’hui. Si les gens ont envie de nourrir les oiseaux il faut respecter un nombre de règle : déjà, nourrir uniquement pendant la période hivernale, ensuite bien protéger la nourriture des souillures, des saletés, des intempéries ; il faut que la nourriture soit abritée de l’humidité parce que c’est dans ce contexte d’humidité que des maladies peuvent contaminer la nourriture. Il s’agit aussi de rester modeste dans le nourrissage et de bien nettoyer les installations de nourrissage régulièrement. »
Est-ce que l’on sait pourquoi les verdiers sont si particulièrement touchés ?
« Non, je ne pense pas qu’on le sache. Effectivement, leur nourriture est, en tout cas pendant les trois quarts de l’année, exclusivement granivore, au printemps, ils nourrissent leurs petits aussi avec des insectes, mais la plupart du temps ils consomment énormément de graines. En particulier, ils raffolent des graines de tournesol qu’ils arrivent à décortiquer avec leur bec assez puissant, et donc c’est peut-être lié à cette nourriture essentiellement granivore que les verdiers seraient plus sujets à cette maladie. »
Comment peut-on aménager son jardin pour accueillir les verdiers, pour leur offrir un refuge et les soutenir tout au long de l’année ?
« Il est très important d’améliorer d’une manière générale la biodiversité dans son jardin. Il s’agit dans un jardin, si on la chance d’avoir un jardin, d’essayer de le rendre accueillant pour les oiseaux en plantant une diversité d’arbustes qui sont indigènes, donc qui sont adaptés et qui poussent de manière native dans le pays. Il existe toute une série d’espèces d’arbustes en particulier qui fournissent des baies aux oiseaux en automne, mais qui attirent aussi les insectes au printemps et on sait que la majorité d’oiseaux se nourrissent d’insectes. Donc en favorisant les insectes et la végétation, on arrive par ricochet a directement favoriser les oiseaux. On peut aussi imaginer avoir un bout de prairie, laisser la végétation naturelle pousser, éviter de tout couper, de tout faucher ou de tondre l’entier de son jardin, parce que dans ce cas, on crée un peu un désert pour les oiseaux. Au contraire, si on a des tas de petites structures, des tas de branches qui vont se décomposer dans un coin du jardin, un composte, un coin de prairie fleurie et puis, pourquoi pas, aussi un abreuvoir, un emplacement où il y a de l’eau, parce que les oiseaux aiment beaucoup aussi boire et se baigner, toutes ces mesures mises ensemble arrivent de manière significative à favoriser les oiseaux et on aura plus d’oiseaux mais aussi plus d’espèces dans des jardins de ce type-là. Donc ce sont des mesures tout à fait concrètes que les citoyens et les citoyennes qui ont la chance d’avoir un petit coin de jardin peuvent faire. Si on a pas de jardin on peut aussi avoir quelques mesures sur un balcon ou sur une terrasse, c’est aussi possible. On peut placer des nichoirs, essayer aussi d’avoir un peu de végétation, des herbes aromatiques ou des fleurs indigènes qui vont aussi attirer les insectes et qui vont contribuer à la biodiversité de son quartier d’habitation. »
Avec un tel déclin, on peut se demander pourquoi le verdier ne figure pas encore sur la liste rouge des espèces menacées. Est-ce que vous auriez une réponse à cela ?
« C’est surtout le fait que ce déclin est très récent. Ce phénomène est apparu autour du milieu des années 2000, donc on a seulement une quinzaine d’années où les déclins sont constatés, donc c’est relativement récent. On n’a pas de déclins partout, c’est ça qui est assez étonnant. On a aussi des pays où le verdier se porte encore bien en Europe, donc les situations sont assez contrastées. Il s’agira donc de prouver si c’est cet agent pathogène qui est à la base de ces grosses diminutions de populations dans les pays que j’ai cité. C’est encore pas tout à fait démontré et à mon avis, il faut être sûr qu’il n’y a pas d’autres causes problématiques, et à ce moment-là, les experts de BirdLife et de conservation de la nature et les experts nationaux vont peut-être effectivement devoir placer lors des révisions des listes rouges le verdier dans la catégorie vulnérable qui est la première catégorie de la liste rouge, avant il y a la catégorie potentiellement menacée. En Suisse en tout cas, le verdier n’est pas encore considéré comme menacé ; on a encore des populations importantes comme c’est un oiseau qui est encore répandu disons autour des agglomérations et à basse altitude un peu partout dans la campagne. Mais effectivement, c’est un sujet de préoccupation on va dire et malheureusement, le verdier n’est pas le seul, puisqu’on sait aujourd’hui qu’à peu près la moitié des espèces d’oiseaux sont en déclin en Europe, 40% en tout cas dans certains pays. On doit faire davantage, nous les Homo Sapiens, pour favoriser la biodiversité et les oiseaux, parce qu’encore une fois, les oiseaux sont de formidables bioindicateurs, ce sont des excellents indicateurs de l’état de notre environnement, donc si les oiseaux souffrent, forcément l’espèce humaine va aussi souffrir. »
On se rappelle également d’un autre virus, le virus Usutu qui touchait les merles noirs en Europe en 2019. Est-ce qu’on peut comparer ces deux épidémies ?
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« Je pense que c’est assez différent, parce que le Usutu est un virus et le trichomonas est une bactérie, donc c’est déjà deux organismes fort différents. Usutu a apparemment été transporté par des oiseaux migrateurs à partir de l’Afrique. L’origine de ces deux maladies est fort différente. Les oiseaux par leurs déplacements sont effectivement des vecteurs potentiels de maladies. Les oiseaux peuvent parcourir des milliers de kilomètres chaque année, donc ils peuvent être au contact aussi de d’autres espèces sur d’autres continents. C’est le parallèle ou lien qu’on peut tirer. Les oiseaux étant parmi les animaux les plus mobiles de la planète, ils peuvent être encore une fois des vecteurs assez sensibles et transmettre cette maladie aux quatre coins de la planète. »