L'économie tchèque à l'heure de l'élargissement de l'UE
Le soir du vendredi 30 avril, à minuit, la République tchèque intégrait l'Union européenne. Quinze ans après la révolution de velours, cette rubrique est consacrée à l'évolution de l'économie tchèque au cours de ce processus d'intégration, et aux grands traits qui la caractérisent aujourd'hui.
Comme ses voisins d'Europe centrale qui entrent dans l'UE en même temps qu'elle, la République tchèque a su transformé radicalement son organisation économique, passant d'un système communiste à un système capitaliste, inclus dans le marché global, en un temps extraordinairement court. Si la rapidité de ces transformations a, comme dans bien d'autres pays du 'bloc communiste', donné lieu à des abus, notamment lors du processus de 'privatisation par coupons', la mutation de l'économie tchèque a été réalisée de manière efficace. Kamil Janacek, économiste en chef de la Komercni banka, fait le point sur les grandes évolutions de ces dernières années:
"Nous avons réussi à libéraliser les marchés. Plus de 80% du PIB est désormais produit dans le secteur privé. C'est l'une des plus grandes réussites de la transformation tchèque parce que, sous le régime communiste, 98% du PIB était produit dans le secteur étatisé." "Nous avons également réussi à changer notre orientation vers les marchés de l'ancien COMECON, auxquels 70% de notre commerce extérieur était consacré avant 1989. La part des exportations tchecoslovaques destinées à l'Union soviétique était de 40%. Maintenant, la part de l'UE atteint 72% des exportations de la République tchèque, avec 36% vers l'Allemagne. Nous sommes revenus vers les marchés traditionnels de la Tchécoslovaquie avant la Deuxième Guerre mondiale. La France est le quatrième investisseur en Tchéquie, derrière l'Allemagne, les Pays-Bas et l'Autriche et sa part dans les exportations tchèques atteint presque 7%. Les Français sont de plus en plus présents dans l'économie tchèque."
Les principales sociétés tchèques, celles qui représentent le pays, sont aujourd'hui quasiment toutes détenues majoritairement par des capitaux étrangers. Le constructeur automobile Skoda fait partie du groupe allemand Volkswagen, le brasseur Plzensky prazdroj du holding sud-africain SABMiller, le groupe pétrochimique Unipetrol vient de tomber dans l'escarcelle du polonais PKN Orlen, et la liste est encore longue. Selon Kamil Janacek, si cette conséquence de l'ouverture du pays fut mal perçue au début par les Tchèques, qui se trouvaient déposséder de leur patrimoine national, le phénomène est aujourd'hui accepté.
"L'attitude envers le capital étranger a beaucoup évolué. Au commencement des transformations, il y avait un slogan qu'on pourrait traduire par 'l'argent de famille doit rester entre les mains des Tchèques'. Mais, petit à petit, avec le très bon exemple de quelques investisseurs étrangers, comme Volkswagen, Saint-Gobain, Renault, etc., les économistes mais aussi et surtout mes concitoyens ont appris que le plus important était le bon fonctionnement de l'entreprise. Si vous donnez du travail aux Tchèques, c'est une bonne chose. Dans ce monde globalisé, l'important n'est plus de savoir à qui appartient l'entreprise, mais surtout de voir que l'entreprise fonctionne bien, de façon légale, etc."
Un problème récurent, que nous avons déjà abordé dans cette rubrique, concerne le manque de transparence de la législation tchèque dans le domaine économique. Améliorer le cadre légal du milieu des affaires en République tchèque, c'est le souhait de nombreux chefs d'entreprises du pays et d'investisseurs étrangers, qui se voient fréquemment confronter à des difficultés d'ordre administratif et judiciaire. Henri Sylvestre est le président d'Ondeo services, une filiale du groupe Suez en Tchéquie:
"Notre groupe en tant que tel n'a jamais eu à se plaindre de l'environnement juridique car nous avons les moyens de nous entourer de juristes, avocats, et conseillers qui savent très bien comprendre la loi et la faire appliquer. Mais c'est vrai que pour des petites entreprises, ou pour des sociétés indépendantes, le problème existe. Par exemple, les jugements qui sont rendus d'un tribunal à l'autre ne sont pas forcément les mêmes, les délais sont parfois longs. Il y a un vrai problème pour beaucoup d'entreprises qui souhaitent s'installer ou développer leur business en République tchèque. Je ne pense pas que ce soit le problème de l'Union européenne, mais plutôt un problème de législation nationale, et il appartient aux politiques de le régler."
Un problème de législation nationale qui doit être résolu par le gouvernement tchèque et non par les institutions européennes? Kamil Janacek partage cet avis, même si, selon lui, Bruxelles peut avoir son rôle à jouer:
"L'entrée dans l'UE sera un facteur qui poussera les institutions tchèques à mieux fonctionner. D'un côté, nous avons l'exemple d'institutions qui fonctionnent, et pouvons adapter certaines mesures. D'un autre côté, il y aura aussi une pression de la Communauté pour accélérer les changements dans ce domaine. Malheureusement ces changements sont pour l'instant assez lents comparés aux besoins de l'économie tchèque. Le président de la Komercni banka, avec les représentants des trois autres plus grandes banques du pays, a récemment rencontré le Premier ministre à ce sujet, en lui demandant d'agir notamment dans le domaine de la loi sur les faillites, le fonctionnement des cadastres, etc."