Café Europa, la nouvelle revue franco-tchèque faite par des lycéens de Dijon
« De la rue, des idées » avec un Václav Havel observant depuis un balcon, l’œil radieux, la foule rassemblée sur la place Venceslas en novembre 1989 : tels sont le titre et la photo qui figurent en une de Café Europa, une nouvelle revue franco-tchèque lancée par un groupe d’élèves du Lycée Carnot de Dijon, dont certains de la section tchèque. Une revue disponible gratuitement en ligne dont le premier numéro est sorti tout récemment et dont Raphaël Joyeux est le jeune rédacteur en chef.
« Café Europa est une revue trimestrielle gratuite fondée par des élèves du lycée Carnot de Dijon, dont deux de la section tchèque. L’idée de cette revue est de faire à la fois intervenir les élèves sur l’Europe et la Tchéquie, mais aussi des universitaires, des acteurs et des experts pour mieux comprendre et mieux appréhender le monde qui nous entoure. C’est là le principal objectif. »
« Quant au titre, Café Europa vient de la grande tradition des cafés qu’il y a en Europe centrale, et notamment en Tchéquie. Le café, c’est le lieu où tout le monde se rencontre et où les discussions peuvent porter sur des sujets très divers. Et quoi qu’il arrive, c’est l’idée que nous défendons, ces discussions apportent forcément quelque chose d’enrichissant. Et Europa, évidemment, est le sujet même de la revue, à la fois en raison des fondateurs de la revue, mais aussi des sujets traités, qui concernent toujours l’Europe et la Tchéquie, soit directement par leur histoire ou par leur culture, soit aussi à travers des sujets qui ne sont pas forcément ‘géolocalisés’, mais qui en traitent forcément comme, par exemple, le sujet ‘Comprendre la foule’ que nous abordons dans notre premier numéro. »
Au-delà de cette section tchèque à Dijon, quel est le lien que vous, en tant que Français, entretenez avec la Tchéquie ? Ou pour quelle raison vous y intéressez-vous ?
« Eh bien, c’est une histoire intéressante. Mon père a d’abord vécu en Tchéquie quelques années et il est par conséquent très intéressé par l’histoire tchèque. Mais au-delà de ça, j’ai pu, ces dernières années, me rendre en Tchéquie et à Prague, notamment, à plusieurs reprises. Et je suis tombé amoureux, en fait, de cette ville et même plus généralement de ce pays, de sa culture et de son histoire. Ce qui m’intéresse vraiment, c’est de mieux comprendre et de connaître davantage ce pays. »
« En France, nous étudions beaucoup évidemment l’histoire française, mais très peu l’histoire de l’Europe, et de la Tchéquie à fortiori. Or, personnellement, cela m’intéresse et c’est pourquoi j’ai envie de faire des recherches pour, donc, comprendre davantage l’histoire et la culture tchèques, mais aussi pouvoir partager cet intérêt avec les autres. »
« C’est là que j’en reviens aux cafés, qui sont nombreux en Tchéquie et dont j’ai eu le plaisir d’en visiter quelques-uns. Et il y a toujours une discussion à propos de cette culture et de cette histoire. Et le fait d’être scolarisé dans un lycée où il existe une section tchèque, de croiser des étudiants tchèques tous les jours dans ses couloirs et de pouvoir discuter avec eux, est non seulement extrêmement enrichissant, mais cela a même amplifié ma volonté de m’intéresser à la Tchéquie ! »
Même si l’on sait que ce sont des élèves à la fois français et tchèques qui ont participé à la réalisation du premier numéro, comment l’idée de cette revue a-t-elle vu le jour ?
« L’idée est d’abord venue lors d’un voyage en Tchéquie, mais aussi parce que Dijon est une ville vectrice de l’amitié franco-tchèque. Nous avions la volonté, avec toute la rédaction, d’apprendre, de comprendre et de vivre l’Europe par l’échange et la discussion, et de partager ce bonheur avec le plus de monde possible. Pour cela, la revue était peut-être la meilleure forme pour nous à ce moment-là. En effet, on lit des revues dans les cafés et si l’on discute avec les autres des sujets que l’on vient de lire, on discute aussi en quelque sorte avec soi-même par la réflexion. C’est donc de là qu’est venue l’envie de faire cette revue. »
« Pour ce qui est plus concrètement de sa réalisation, nous nous sommes d’abord réunis pour discuter longuement des sujets que nous souhaitions aborder, de la manière de créer cette revue et de possibles sources d’inspiration, même si nous avions déjà une idée sur l’Europe et la Tchéquie bien évidemment. C’est en nous répartissant les rôles, en discutant et en écoutant les avis de chacun, comme dans une discussion de café, finalement, que nous avons décidé des rubriques, du nom et de tout ce qu’est finalement Café Europa aujourd’hui. »
« Ensuite, chacun a travaillé de son côté, tout en continuant à nous réunir de temps en temps, entre les entretiens, les articles à écrire, les articles à commander, pour donner forme à Café Europa. Tout cela a demandé beaucoup de travail, bien sûr, mais cela a aussi été extrêmement enrichissant sur un plus plan personnel pour tout le monde, non seulement à travers les connaissances que cette expérience nous a permis d’acquérir mais aussi, par exemple, sur un plan plus administratif avec tous les mails à rédiger et les relations à entretenir avec les différents contributeurs. »
« Et puis, sur le rendu final, le fait de pouvoir réaliser notre projet et de le partager avec tout le monde nous motive pour les prochains numéros. La réalisation de ce premier numéro a nécessité beaucoup de travail, mais le résultat est à la hauteur de nos attentes. »
Combien êtes-vous à composer cette équipe ?
« Nous sommes quatre, deux élèves français et deux élèves tchèques, ce qui nous permet de nous réunir assez facilement. Cest important puisque si nous avions été plus nombreux, il ne fait aucun doute que cela aurait été plus enrichissant encore, mais il y aurait eu aussi plus de points de vue et cela aurait été tout simplement impossible à coordonner. J’ai cette chance d’être le rédacteur en chef et mon rôle consiste donc à coordonner tout ce petit monde même s’ils s’entendent déjà tous très bien entre eux. »
Comment se passe la répartition du travail justement entre rédacteurs français et tchèques ? On imagine qu’écrire en français peut ne pas être chose aisée pour ces élèves tchèques, mais on suppose aussi qu’ils vous apportent une connaissance plus approfondie de leur pays…
« C’est tout à fait ça. Mon rôle consiste à mettre en lien tout le monde tout en leur laissant une grande part d’autonomie, car c’est aussi ce que l’on veut. Certes, je possède certaines connaissances sur la Tchéquie, mais pas autant que des Tchèques évidemment et ce sont donc eux qui nous permettent d’avoir un regard différent. Il y a d’ailleurs une rubrique qui leur est spécialement dédiée, justement parce qu’ils peuvent nous apporter ce regard différent. C’est vraiment ça que j’aime beaucoup dans Café Europa : ce mix des regards français et tchèque.
« Du coup, la répartition du travail se fait de façon naturelle en fonction de ce qui intéresse chacun d’entre nous. On retrouve ainsi tout à la fois ces côtés tchèque et français, mais aussi sur certains points un mélange des deux et c’est ce qui rend ce travail très enrichissant, car il nécessite un dialogue permanent. C’est aussi pourquoi il n’y a pas véritablement de chef comme dans d’autres revues, car c’est d’abord un travail d’échanges et de discussion. »
Au-delà de ce Regard tchèque, que trouve-t-on d’autre dans ce premier numéro de Café Europa et quel en est le thème central ?
« Le premier numéro de Café Europa est disponible depuis le 9 décembre, soit le jour de l’anniversaire du petit-déjeuner entre les dissidents tchèques et François Mitterrand en 1988 à l’ambassade de France à Prague. Et aussi de la réouverture de l’Institut français de Prague en 1993. »
« Le premier numéro s’intitule ‘De la rue, des idées ». On y retrouve le fait de passer de la rue jusqu’à la pensée, mais aussi l’inverse, c’est-à-dire de passer des idées jusqu’à la rue… On peut ainsi y retrouver plusieurs thématiques, et nous avons démultiplié autour de ça. »
« L’article central de ce premier numéro est écrit par l’historien Antoine Marès, professeur émérite des Universités, sur la révolution de velours et on y retrouve bien là les thématiques évoquées précédemment. Mais nous avons ensuite décliné sur la foule un entretien avec Elena Bovo, maîtresse de conférences à l’Université de Franche-Comté, qui en est spécialiste. L’opinion avec Bruno Jambard, qui est vice-président de l’institut de sondage OpinionWay. »
« On a aussi le mot ‘révolution’, qui peut évoquer le changement. Et donc la culture, notamment. Et par là, on a un article sur le surréalisme en Tchécoslovaquie pendant l’entre-deux-guerres. Il y a également un sujet politique avec une comparaison entre les systèmes et les contextes politiques tchèques et français pour voir quelles en sont les différences, et aussi pour avoir un point de vue actuel après la révolution de velours. Puis un entretien avec une sénatrice tchèque parce que c’est un parcours politique, aussi de nombreuses idées. »
« Et enfin, nous proposons un entretien avec une ancienne élève de la section tchèque pour voir son parcours, ce qu’elle est devenue, ce qu’elle était et, surtout, ce qu’elle va devenir. »
Bien qu’elle soit faite par des lycéens, à vous entendre présenter ces différents sujets, on a le sentiment qu’il s’agit bien plus que d’une revue destinée à un jeune public.
« Pour le moment, des retours qu'on a de nos lycéens qui ont lu la revue, ça les intéresse beaucoup et comme nous le disons dans l’éditorial notamment, et comme j'ai déjà dit, la revue s'adresse à tout le monde. Donc nous avons essayé le plus possible de rendre accessibles ces sujets à tout le monde, mais aussi de faire des sujets plus légers. L'entretien avec une ancienne élève de la section Tchèque permet réellement d'avoir aussi une vision des étudiants actuellement en Europe, puisqu'elle n'est plus en France, et nous avons effectivement des sujets beaucoup plus de fond sur la foule par exemple, plutôt philosophique. Et des retours qu'on a, en tout cas, on a plutôt bien réussi. »
« J'espère que nos futurs lecteurs seront d'accord, mais ce sont des thématiques évidemment qui peuvent intéresser les universitaires, mais qui peuvent intéresser tout le monde à partir du moment où on est curieux. Et c'est vraiment ce qu'on a envie de mettre en avant, c'est que la curiosité permet de mieux appréhender le monde évidemment, puisqu'on s'y intéresse, mais aussi donc d'éprouver, en tout cas nous espérons de le rendre possible, davantage de bonheur. »
Vous avez évoqué cet entretien avec la présentation du parcours d'une ancienne élève de la section tchèque. Il s’agira d’une rubrique régulière. Quelles sont les autres rubriques que l'on retrouvera dans Café Europa ? Et avez-vous déjà une idée des prochains thèmes que vous allez traiter ?
« Dans tous les prochains numéros, les lecteurs retrouveront une rubrique qui s'intitule ‘Le monde d'aujourd'hui’ qui a pour objectif de traiter d'actualité, mais sur un temps long, et de sujets qui, d'ailleurs, ont pu être d'actualité peu importe l'époque. C'est le cas de la foule, par exemple. Pour mieux appréhender, en tout cas mieux comprendre surtout, comment fonctionne le monde, donc dans le premier numéro, ce sera effectivement la foule ainsi que l'opinion et les sondages. »
« Il y aura aussi une rubrique culturelle parce qu'elle est pour nous extrêmement importante et même vitale. Elle métamorphose le réel, on pourrait dire. Donc il y aura toujours une rubrique traitant de la culture, parfois sur un sujet précis comme le surréalisme en Tchécoslovaquie, parfois sur quelque chose de plus général, peut-être sur la place de la culture. »
« Et il y aura donc la rubrique ‘Regards tchèques’, la rubrique qui s'intitule ‘Paroles d’élèves’ où nous donnons la parole à des élèves ou des anciens élèves. Et il y aura aussi, nous l'espérons, nous travaillons pour, à chaque fois, au moins un voire deux articles d'universitaires pour avoir une version, une vision, disons très précise et très travaillée d'un sujet en particulier sur la Tchéquie et sur l'Europe. Pour le premier numéro, c'est la révolution de velours, donc par Antoine Marès. »
« En ce qui concerne les prochains numéros, je ne vais pas vous révéler tout de suite le contenu, mais je peux vous annoncer que nous travaillons beaucoup pour ça et que c'est très intéressant et que le premier numéro est assez intéressant selon moi. Et puis aussi, les retours qu'on a nous disent que c'est très intéressant mais que le prochain numéro doit être encore plus par, sans doute, des relations internationales que nous allons évoquer. Alors nous n'avons pas encore défini, enfin nous avons le thème précisément, mais je n'ai pas encore exactement la liste de tout ce qu'il y aura dans le prochain numéro. Mais l'idée sera de traiter davantage de l'Europe, mais toujours en gardant l'aspect tchèque évidemment et sans doute dans le prochain numéro sur les échanges internationaux. »
Alors nous invitons bien évidemment nos auditeurs à lire Café Europa, mais où peut-on trouver la revue ? Et puis il existe aussi une version papier, mais en nombre limité, c’est bien ça ?
« La revue est disponible gratuitement et numériquement donc sur notre site internet www.cafe-europa.fr. Il suffit d'aller sur le site, d'aller dans les différents numéros, de cliquer sur le numéro souhaité - forcément il n'y a que le premier numéro pour le moment -, de télécharger en PDF ou en e-book. »
« Pour la version papier, notre objectif est d’imprimer pour chaque numéro une centaine d'exemplaires parce qu'évidemment c'est une revue gratuite et nous ne pouvons pas nous permettre de rémunérer davantage notre imprimeur parce qu'il y a un problème avec la version papier. Parce que nous ne pouvons pas imprimer plus de livres, parce que nous n'avons pas le budget nécessaire pour ça. C'est pour ça que nous avons lancé une campagne de dons par ailleurs pour financer la revue parce qu'il faut de l'argent pour pouvoir imprimer, pour pouvoir rémunérer les contributeurs, etc. Et donc il y a une version papier limitée mais qui est réservée plus sans doute à la communication et aux donateurs et toutes les personnes susceptibles de nous aider. Même si évidemment nous diffuserons quelques exemplaires aussi avec des lecteurs. »