Législatives : petite victoire pour la social-démocratie, "oui"à un milliardaire slovaque
Les représentants de sept formations politiques siègeront à la nouvelle Chambre des députés. Un nombre historiquement élevé qui laisse difficilement présager de la composition de la future coalition gouvernementale. Comme attendu, le parti social-démocrate (ČSSD) est arrivé en tête des élections législatives anticipées qui se sont tenues vendredi et samedi, mais avec un score (20,45%) largement inférieur à ses attentes. Deuxième avec 18,65%, le nouveau parti ANO (Action des citoyens mécontents, "ano" signifie également "oui" en français) du milliardaire d'origine slovaque Andrej Babiš apparaît ainsi comme le grand vainqueur d'un scrutin qui n'a pas mobilisé les Tchèques.
Cette abstention, les sociaux-démocrates la paient sans doute au prix fort. Depuis plusieurs années sur les bancs de l’opposition, ils ont beau être arrivés en tête, cette victoire a un goût amer. Avec 20,45% des voix, la social-démocratie est bien loin des 30% espérés par son leader, Bohuslav Sobotka, pour pouvoir former une coalition gouvernementale dans de bonnes conditions. Encore en début de semaine, les sondages annonçaient pourtant un succès plus net de la principale formation de gauche du pays. Les sociaux-démocrates obtiennent un peu plus d’un quart des deux cent sièges que compte la Chambre des députés et, déjà, les négociations à venir s'annoncent compliquées et très incertaines.
En milieu d’après-midi, Bohuslav Sobotka ne cachait d’ailleurs pas sa déception, annonçant qu’il ne souhaitait pas lancer de négociations ni avec les communistes, arrivés en troisième position avec 14,91%, ni avec les différents partis de droite. On écoute Bohuslav Sobotka, pour lequel la victoire n’a sans doute jamais eu un goût aussi prononcé de défaite :« Si la social-démocratie gagne effectivement ces élections, il incombe au président du parti de préparer la formation d’un gouvernement, au sein duquel figurera la social-démocratie. Nous n’allons pas répéter l’erreur de 2010, où des changements de personnes au sein de la direction ont conduit à ce que les partis qui n’avaient pas gagné les élections se mettent d’accord pour former un gouvernement, sans la social-démocratie. Je suppose que la social-démocratie sera le parti politique le plus fort, et au sein du nouveau gouvernement elle devrait avoir le plus d’influence. Dans le cas où elle resterait dans l’opposition, un congrès exceptionnel du parti devrait être organisé, et une nouvelle direction du parti pourrait être élue. »
À gauche, les communistes réalisent donc un score honorable. Ces 14,91% constituent leur deuxième meilleur résultat depuis la chute du régime qui portait leur nom en 1989. Le président du KSČM espère que ce score lui permettra d’avoir une influence sur les décisions du prochain cabinet. Vojtěch Filip établit également un parallèle avec la situation post-électorale en 2010 :« Je suis persuadé qu’avec ces élections des éléments que nous avons depuis longtemps dans notre programme se concrétiseront. Par exemple, les sièges à la Chambre des députés seront répartis selon le principe de représentation proportionnelle. C’est ce que je souhaite le plus. Dans le cas contraire, cela constituerait pour moi un échec des hommes politiques, une répétition des fautes commises en 2010, lorsque ceux qui avaient gagné les élections ont décidé de ne pas laisser les autres partis présenter leurs projets aux citoyens. Quand bien même, ces projets n’auraient pas été adoptés. »
L’Action des citoyens mécontents (ANO 2011), mouvement politico-citoyen créé en 2011, constitue la surprise majeure de ces élections avec un score de 18,65% qui lui permet de faire une entrée fracassante à la Chambre basse du Parlement.A l’initiative de la création d'ANO, le milliardaire Andrej Babiš, élu lui-même député dans la circonscription de Prague, a annoncé dans un premier temps que sa formation ne participerait pas au prochain cabinet gouvernemental. Depuis son siège de campagne, Andrej Babiš a également déclaré qu’il ne souhaitait pas collaborer avec la gauche et qu’il prendrait ses responsabilités :
« Cela s’annonce prometteur, c’est agréable, mais ce n’est pas encore fini.Si les résultats restent tels qu'ils sont, nous serons très contents d’empêcher la prise de pouvoir de la gauche avec le soutien des communistes. Et je crois que c’est ce qui serait merveilleux pour nous. […] Nous avons toujours affirmé que nous ne voulions pas rejoindre le gouvernement. Nous voulons essentiellement faire valoir de nouvelles lois, c’est ce que j’ai déjà répété de nombreuses fois. »
Avec un programme de rejet des élites politiques, ANO 2011 profite d’une campagne de communication très offensive. Andrej Babiš, puissant homme d’affaires d’origine slovaque dans l'agroalimentaire, est récemment devenu le propriétaire du groupe de presse Mafra, qui publie quelques-uns des journaux parmi les plus lus du pays, le gratuit Metro et les quotidiens Mladá fronta Dnes et Lidové noviny notamment.Et ce n’est pas le seul mouvement à être pour la première fois représenté dans l’antre de la démocratie tchèque. Le parti de l’Aube de la démocratie directe, du sénateur tchéco-japonais Tomio Okamura, disposera, grâce à 6,88% des suffrages, d’une petite dizaine de députés. S’il n’a pas l’intention de participer au prochain gouvernement, il pourrait toutefois soutenir un cabinet engagé à concrétiser certaines de ses propositions.
A droite, les partis conservateur TOP 09 et libéral ODS paient certainement les scandales à répétition et la politique impopulaire du gouvernement de Petr Nečas, au pouvoir de juin 2010 à juin 2013. Annoncée, la déconvenue du parti civique-démocrate (ODS) s’est confirmée. Ce parti, qui a longtemps dominé le paysage politique tchèque post-révolutionnaire, n'a recueilli que 7,72% des voix. Un de ses leaders, Martin Kuba, a fait part de sa déception :« Je crois que toute le monde à l’ODS attendait de meilleurs résultats. C’est la variante la plus pessimiste qui a prévalu. Et il est difficile de justifier ce résultat par certains échecs ou certaines défaites. L’ODS est en train de vivre une débâcle capitale à ce moment même. »
La place de leader à droite lui est chipée par les conservateurs de TOP 09, plébiscités par les Tchèques de l’étranger et par les électeurs pragois. Avec près de 12%, le parti de Karel Schwarzenberg et de Miroslav Kalousek perd tout de même plus de quatre points par rapport aux législatives de 2010, l’ODS en perdant plus de douze. Karel Schwarzenberg, le président de TOP 09, a préféré souligner la relative défaite des partis de gauche :« Ni la social-démocratie, ni le parti communiste n’ont atteint les résultats attendus. Malheureusement chez les sociaux démocrates, il s’agit d’un résultat bien pire que celui enregistré chez les communistes. Mais vu qu’ils n’ont pas atteint les résultats espérés, ils vont devoir chercher une tierce personne pour compléter leur bande. Personnellement, je ne soutiendrai jamais un gouvernement minoritaire, composé de communistes. En aucun cas, cela ne me viendrait à l’esprit. »
Le parti des chrétiens-démocrates (KDU-ČSL) est le dernier parti à obtenir des représentants à la Chambre basse du Parlement en franchissant la barre des 5%. Avec 14 députés, cette formation traditionnelle fait son grand retour dans le temple de la démocratie tchèque après trois années d’absence et pourrait bien jouer un rôle dans les négociations à venir en vue de la formation d’un gouvernement.Enfin, il faut évoquer les autres partis politiques, ceux qui réalisent un score trop faible et inférieur à 5% pour entrer à la Chambre des députés. Parmi les dix-sept formations dans cette situation, les Verts, le Parti pirate et le Parti des citoyens libres obtiennent entre 2 et 3%. Derrière, le Parti du droit des citoyens a convaincu seulement 1,5% des votants, un résultat qui résonne comme un désaveu indirect pour le chef de l’Etat Miloš Zeman, qui se cache derrière cette formation.