L’Epopée slave, scindée entre Prague et Moravský Krumlov

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Décidément, la saga des peintures de l’Epopée slave semble ne pas avoir de fin et va de rebondissement en rebondissement depuis plusieurs années. Résumé du nouvel épisode de cette histoire plus qu’épique.

Replantons le décor : en 1928, à l’occasion du dixième anniversaire de la naissance de l’Etat tchécoslovaque, le peintre tchèque Alfons Mucha, au sommet de sa gloire, lègue à la ville de Prague l’Epopée slave, un immense cycle de vingt tableaux de six mètres sur huit retraçant l’histoire des Slaves. Ce don comporte toutefois une condition : un pavillon spécial doit être édifié pour accueillir ce qu’il considère comme son chef-d’œuvre, fruit de près de vingt ans de travail. Jamais aucun pavillon ne sera construit et, comme par le passé, un projet de bâtiment tombe à l’eau à nouveau en 2006. L’Epopée slave reste donc au château de Moravský Krumlov où les tableaux se trouvent depuis toujours.

'Leur déplacement n’était pas du tout nécessaire',  photo: CTK
Reste que les toiles appartiennent à la municipalité de Prague : en juillet 2010, le contrat de location de Moravský Krumlov expire, Prague souhaite pouvoir exposer les toiles au Palais des Expositions. Nouveau rebondissement : les héritiers Mucha craignent pour la bonne conservation des toiles, après que cinq toiles aient été roulées et emballées en octobre par des envoyés de la municipalité. Leur transport vers la capitale tchèque est retardé en raison de nouveaux différends juridiques entre les deux parties. Aujourd’hui, la mairie de Prague espère que les toiles sont en bon état, mais pour le restaurateur Karel Stretti, leur transport, mardi, au Palais des Expositions était inutile :

Karel Stretti
« Leur déplacement n’était pas du tout nécessaire. J’ai expertisé le cycle en 2000 et à nouveau à l’automne 2010. En dix ans, rien n’avait changé : les toiles étaient en parfait état. L’espace du château où elles ont été exposées n’était pas du tout inadéquat, contrairement à ce qu’on a pu entendre. Dire que les toiles y étaient menacées ne correspond pas du tout à la réalité : Cesky Krumlov a très bien pris soin de l’Epopée pendant ces quarante, cinquante dernières années. »

De même que Karel Stretti, le petit-fils de Mucha, John Mucha, craint pour les toiles et le milieu dans lequel elles vont devoir s’acclimater, entre les murs du Palais des Expositions. Pour le restaurateur, le simple fait d’avoir emballé et roulé les toiles et que celles-ci soient restées en l’état jusqu’à aujourd’hui est problématique :

'Mais le vrai problème c’est qu’elles soient restées si longtemps enroulées dans un emballage qui ne respire pas !',  photo: CTK
« Ma dernière expertise en ce sens soulignait qu’il n’était pas du tout recommandé de déplacer ces toiles, de les emballer, de manière répétée. Elles ne sont pas uniquement menacées par les variations climatiques, mais également au niveau mécanique tout simplement : elles sont accrochées à des cadres par des cordes, comme les voiles d’un bateau. Donc si on les enroule, et de surcroît sur un rouleau aussi petit, le risque de dégâts est grand. Mais le vrai problème c’est qu’elles soient restées si longtemps enroulées dans un emballage qui ne respire pas ! »

La polémique a donc repris de plus belle entre Prague et Moravský Krumlov. Jeudi, les représentants des deux villes devraient se rencontrer pour évoquer le proche avenir. Prague souhaite exposer les cinq toiles au public à partir du mois de mars et y rajouter les quinze manquantes à l’automne. De son côté le maire de Moravský Krumlov s’appuie sur un accord passé selon lequel tout le cycle sera à voir au château pendant la saison touristique. Pour lui, un transfert complet reste inenvisageable tant que Prague n’aura pas construit le fameux pavillon... La saga à rebondissements autour de l’Epopée slave est donc loin d’être terminée.