Mucha : fin de l’épopée judiciaire pour l’Épopée slave

L’Épopée slave au château de Moravský Krumlov

Après des années de litiges, la ville de Prague et les descendants du célèbre Alfons Mucha sont enfin parvenus à un accord validé cette semaine par le conseil municipal sur les droits de propriété de l'Épopée slave. Les deux parties ont accepté de coopérer à la création d'un centre où cette œuvre majeure composée d’une vingtaine de très grands tableaux sera exposée.

Marcus Mucha est l’arrière-petit fils de l’artiste et a pris la suite de son père John à la tête de la Fondation Mucha :

Marcus Mucha | Photo: Alexis Rosenzweig,  Radio Prague Int.

« Cet accord est une très bonne nouvelle. Mon arrière-grand-père a donné l’Épopée slave à la ville de Prague à la condition qu’il y ait un lieu particulier pour la voir et comprendre l’histoire du peuple slave et la manière dont elle a contribué à la paix universelle qu’il pensait très proche. »

« Cela fait plus de cent ans que notre famille travaille pour trouver une méthodologie et collaborer avec la ville de Prague. Mon père John, qui a travaillé très dur pour la Fondation Mucha ces trente dernières années, a fini par trouver avec la mairie de Prague cet accord que nous pouvons signer aujourd’hui. »

Rappelons que cette vingtaine d’immenses tableaux de l’Épopée slave se trouve à l’heure actuelle dans le Château de Moravský Krumlov en Moravie. Quelle est la perspective envisagée par cet accord ?

Visualisation du projet Savarin | Source: Crestyl

Marcus Mucha : « Nous voudrions avec la ville de Prague placer l’Épopée et des œuvres de notre collection familiale dans un nouvel espace conçu par l’architecte anglais Thomas Heatherwick, l’un des meilleurs architectes du monde, en plein centre de Prague, au coin de la Place Venceslas et Na příkopě, les deux plus célèbres artères de la cité. »

« Jusqu’à ce que bâtiment soit construit, l’œuvre restera à Moravský Krumlov et c’est important pour notre famille car c’est cette petite ville morave qui a protégé l’Épopée slave pendant les heures les plus noires du XXe siècle et c’est cette commune qui peut avoir la dernière itinérance dans l’histoire de cette œuvre. »

L’Épopée slave au château de Moravský Krumlov | Photo: Patrik Uhlíř,  ČTK

Le musée van Gogh d'Amsterdam comme modèle

Il s’agit du projet Savarin, donc dans le centre de Prague, développé par la société Crestyl. Comment êtes-vous parvenu à vous entendre avec cette société spécialisée dans la promotion immobilière ?

Le palais Savarin | Photo: Ricardalovesmonuments,  Wikimedia Commons,  CC BY-SA 4.0 DEED

« Nous avons commencé les premiers rendez-vous avec eux il y a quatre ou cinq ans. Ils ont cet espace incroyable en plein centre de Prague, l’un des meilleurs architectes du monde avec eux et voulaient quelque chose d’extraordinaire pour montrer cette œuvre. Ils avaient lu dans la presse l’histoire du litige sempiternel entre mon père et Prague et ont proposé cette solution. »

« D’habitude, dans nos expositions autour du monde, nous adaptons l’œuvre aux différents murs des différents musées. Là, ce qui est extraordinaire, est que Thomas Heatherwick va concevoir l’espace en fonction des différentes œuvres de mon arrière-grand-père. Ce serait unique pour Prague et mon père a toujours dit qu’il voulait faire quelque chose de comparable au Musée van Gogh d’Amsterdam pour la ville de Prague avec l’œuvre d’Alfons. J’espère que ce sera le cas dans quelques années. »

Visualisation du projet Savarin | Source: Crestyl

Ce projet ne plaît pas forcément à tout le monde. Il y a notamment l’ « association pour l’Épopée slave à Prague » qui émet l’avis qu’il ne s’agit pas d’un endroit digne de ce nom pour l’exposer. Que pensez-vous de ces critiques ?

« Je crois que c’est peut-être un problème de communication de notre côté. Je comprends bien que ces personnes aiment beaucoup Mucha, mais je crois justement que si quelqu’un l’aime et a bien compris le projet Savarin, ce n’est pas possible d’être contre, c’est un projet magnifique qui va rendre Prague unique sur la carte du monde. »

Thomas Heatherwick à la baguette

La dernière fois qu’on a parlé de ce projet Savarin, vous parliez d’une perspective à l’horizon 2026 ou 2027. Est-ce toujours le cas ?

Visualisation du projet Savarin | Source: Crestyl

« Oui, si on est optimiste, alors 2026/2027, mais 2028 est aussi possible. Cela fait plus de cent ans qu’on attend ça, alors on peut encore attendre deux ou trois ans. »

En quoi va consister désormais la préparation de ce « business plan » par des membres de la municipalité de Prague et deux membres de votre fondation ?

« Nous voulons que la visite de ce nouvel espace Mucha soit unique et qu’on s’en rappelle toute sa vie. Il nous faut préparer tout ça et comment insérer cela dans le cadre de ce projet Savarin. »

Au-delà de l’exposition des œuvres de votre aïeul, qu’y aura-t-il d’autres dans ce bâtiment ?

« L’espace pour Mucha sera uniquement dédié à Mucha, avec un ascenseur pour y accéder directement. Sinon il s’agit d’un grand projet avec des bureaux, des espaces commerciaux et des restaurants. Thomas Heatherwick voudrait en faire un nouvel espace public pour les Pragois et pour nous, la perspective d’y contribuer avec cet espace artistique nous rend très heureux. »

Visualisation du projet Savarin | Source: Crestyl

Qu’est-il prévu après pour Moravský Krumlov, commune surtout connue aujourd’hui pour l’exposition de l’Épopée slave ?

« C’est important pour nous. La Moravie du Sud est une région que mon arrière-grand-père a aimée toute sa vie. Il y a deux ans nous avons commencé un projet qui s’appelle ‘Muchova stezka’ (le sentier de Mucha) avec plusieurs des étapes moraves qui ont été importantes dans la vie d’Alfons, d’Ivančice sa ville natale à Moravský Krumlov nous faisons de petites expositions thématiques. Dans nos expositions autour du monde nous évoquons ce parcours en Moravie. Avant que l’Epopée slave ne rentre à Prague c’est important de soutenir cela et de continuer après en exposant des œuvres de notre collection à Moravský Krumlov et ailleurs dans la région. »

Château de Moravský Krumlov | Photo: Patrik Uhlíř,  ČTK