Le château de Zbiroh où Alfons Mucha a créé son Epopée slave

Zbiroh, photo: CzechTourism

Dans l’un de nos récents guides touristiques, nous vous avons présenté la région de Křivoklát à l’ouest de Prague et son monument phare, le château éponyme, en promettant d’y revenir une nouvelle fois. Et bien c’est chose faite. Radio Prague vous invite cette fois à la découverte du château de Zbiroh, l’un des plus anciens, fondé déjà au XIIe siècle.

Photo: CzechTourism
Le château des trois empereurs, le château top secret, le château interdit au public: toutes ces caractéristiques sont propres à Zbiroh, niché dans les forêts de Křivoklát, à 60 km au sud-ouest de Prague, en direction de Plzeň. Zbiroh possède une riche histoire. Parmi ses premiers propriétaires, certaines sources citent le roi Přemysl Otakar II qui aurait pris la demeure en 1277. Charles IV, alors encore simple margrave de Moravie, l’achète en 1333, à son retour de France. Un siècle plus tard, l’empereur Sigismond devient son propriétaire, avant de le gager à ses créanciers. En 1440, la famille Kolovrat y entame des travaux. Le château est doté d’une splendide chapelle de l’Assomption de la Vierge-Marie richement ornée de fresques.

Plusieurs familles aristocratiques s’y succèdent encore comme les Sternberg et les Lobkowicz. A la fin du XVIe siècle, Zbiroh est confisqué au profit de Rodolphe II de Habsbourg. Après la bataille de la Montagne Blanche, en 1620, le château devient une prison pour les protagonistes du soulèvement des Etats tchèques. Avant d’être décapités sur la place de la Vieille-Ville de Prague, ils attendaient l’exécution de la peine dans les cellules du château, raconte Jaroslav Pácha, de la société Chateau Zbiroh, actuel propriétaire du site:

Photo: CzechTourism
« De cette époque, nous avons ici une prison qui est accessible aux visiteurs. On y a retrouvé le masque de fer qui, je me permets de le dire, a anticipé l’avenir, car seulement plus de cent ans après, Alexandre Dumas l’a décrit dans ses romans. Le masque était porté pendant le transport des prisonniers ou lors de leurs courtes promenades dans la cour du château pour qu’on ne puisse pas reconnaître leur visage, pour que personne ne puisse s’acheter ni la mort ni la fuite de la prison. »

Pendant la Guerre de Trente Ans, le château de Zbiroh est pillé et incendié par les Suédois. En 1868, un riche entrepreneur, le baron Bethel Henry Strousberg, achète la ruine et la rénove dans le style néo-Renaissance avec des éléments néo-gothiques. Les travaux menés par l’architecte de Berlin August Orth témoignent de l’effort de respecter les valeurs d’origine des parties sauvegardées. Une preuve en est l’entrée du château, sous forme d’un haut porche. Devant ce dernier, l’architecte a placé deux sculptures de lions monumentaux, comme gardiens du château. Le porche constitue un axe qui continue jusqu’à la partie la plus ancienne du château: une tour du XIIIe siècle érigée sur un socle rocheux. Juste à côté, sur le même socle, se trouve l’ancien palais, avec la chapelle de la Vierge-Marie au premier étage. Entre les XVIe et XIXe siècles, le palais a été aggrandi et augmenté d’un balcon et d’un escalier.

Alfons Mucha
Une fierté du château est la Grande salle avec son rideau de scène conçu par Alfons Mucha. L’artiste y arrive en 1910, à son retour d’Amérique, pour commencer à travailler sur la monumentale série de vingt tableaux intitulée l’Epopée slave. On écoute Jaroslav Pácha:

« Alfons Mucha a séjourné pendant dix-huit années à Zbiroh et c’est ici qu’il a créé sa célèbre Epopée slave qui se trouve aujourd’hui au château de Moravský Krumlov qui l’accueillait depuis 1963. La raison pour laquelle elle ne pouvait pas être exposée à Zbiroh est simple – les grandes dimensions des toiles. Mucha a été obligé de les ranger l’une derrière l’autre et lorsqu’il a travaillé sur son oeuvre, il a toujours avancé une seule toile à la fois. »

Mucha a peint ses tableaux sur des voiles de bateau importées de Belgique. Les plus grands tableaux ont 8 mètres de haut, sur 6 mètres de large. L’idée de retracer l’histoire du peuple tchèque et celle des autres nations slaves lui est venue lors de la visite de l’exposition universelle de Paris en 1900. Mucha a pu réaliser son Epopée grâce à un mécène, le millionnaire américain, Charles Crane, qui s’intéressait à l’histoire des Slaves. Le plafond en verre de la Grande salle où Mucha avait son atelier a créé les meilleures conditions pour son travail.

Dans son histoire moderne, le château de Zbiroh est pendant une certaine période un nid d’espion. Les SS, qui y résident entre 1943-1945, utilisent les qualités de cristaux de jaspe dont est parsemé le socle rocheux en silex noir sur lequel le château est construit. Ces cristaux ont la particularité d’amplifier la réception des ondes radiophoniques. Une base d’écoute des émetteurs ennemis de pratiquement toute l’Europe y est installée. Cette particularité de réflexion et d’amplification des ondes est utilisée plus tard par l’armée tchécoslovaque qui installe dans les locaux du château le radar passif Tamara. Peu étonnant dès lors que pendant 60 ans, le site est hyper secret, fermé au public. Restitué en 1990 à la ville de Zbiroh, il est vendu, en 2004, au groupe privé de restauration Gastro Žofín, devenu Chateau Zbiroh. En juin 2005, après une rénovation complète, le château s’ouvre au public.

Le donjon du château haut de 20 mètres, d’un diamètre de 10 mètres, est le plus ancien de République tchèque, construit autour de 1170 sur le modèle saxon. Les origines du site remontent avant l’an 1150 et la première mention écrite date de 1230. De ce fait, Zbiroh est le premier château ayant appartenu à un vassal, et il a anticipé une vague de construction de châteaux forts qui commence au milieu du XIIIe siècle.

Photo: CzechTourism
Dans la cour du château, notre guide nous montre un puits qui, avec ses 163 mètres, est l’un des plus profonds d’Europe:

« Au cours des travaux de nettoyage du puits, on a retrouvé des archives nazies, concrètement huit boites comprenant divers documents. Le ministre de l’Intérieur qui les a examinées a confirmé qu’elles abritaient une partie des archives secrètes des SS. Ces archives sont actuellement exposées au château de Zbiroh. »

Le puits roman n’a pas encore livré tous les secrets. Les recherches archéologiques menées depuis 2005 ont révélé l’existence d’une galerie souterraine reliée avec le puits et protégée par un système de défense datant de la période de guerre. Selon certaines théories, cette galerie pourrait cacher un trésor qualifié parfois de huitième merveille du monde, la fameuse chambre d’ambre volée aux Russes par les nazis.

De vraies merveilles sont à voir au château de Zbiroh : les nombreuses oeuvres liées au séjour ou directement créées par Alfons Mucha. La famille Mucha a séjourné à Zbiroh de 1910 à 1928. Une exposition proposée dans la Grande salle montre le rideau de scène de 1923 spécialement conçu par l’artiste pour le Sokol. On y admire des peintures liées à la franc-maçonnerie. Une fresque montre l’artiste lui-même en tant que membre de la loge. Sur le mur, on aperçoit un petit retable triptyque créé par Alfons Mucha pour sa femme.

Le château de Zbiroh se visite pendant toute l’année. Pour plus d’infos, consultez www.zamek-zbiroh.cz


Redifussion du 13/01/2011

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