« Les attitudes de Prague envers la Russie sont liées à 1968 »

Il y a quatre ans, Prague avait symboliquement servi de décor à un rapprochement entre Américains et Russes, avec la signature d’un accord sur le nucléaire par Barack Obama et Dimitri Medvedev. L’ambiance a aujourd’hui radicalement changé et les relations se sont à nouveau tendues ces derniers mois. Entretien aujourd’hui avec Jan Eichler, de l’Institut pragois des relations internationales.

Jan Eichler,  photo: ČT24
Comment peut-on selon vous qualifier l’attitude de la République tchèque ces derniers temps envers à la Russie ?

« Les attitudes de la République tchèque envers la Russie sont en premier lieu influencées par le passé et bien sûr par l’invasion soviétique de 1968, il y a presque exactement 46 ans. »

Il semble que même avec ses proches voisins la République tchèque ait du mal à trouver une attitude commune envers Moscou : Robert Fico en Slovaquie et Viktor Orban en Hongrie sont loin d’être hostiles à Vladimir Poutine, tandis que la Pologne est traditionnellement beaucoup plus méfiante. La République tchèque est-elle entre ces deux orientations ?

« Oui, elle est entre les deux, mais il y a quand même eu une surprise dans l’attitude du ministre des Affaires étrangères, qui a été au tout début très critique vis-à-vis de la politique de Vladimir Poutine en Crimée. Ce qui est très typique pour presque toute la classe politique tchèque est le fait qu’il y a une dizaine d’années, quand les Américains ont décidé d’envahir l’Irak il n’y a pas eu beaucoup de protestations, même si les justifications ne correspondaient pas à la réalité. Il y a eu 500 000 soldats en Irak et cela avait à l’époque suscité beaucoup moins de protestations de la part des élites politiques de mon pays. »

Dimitri Medvedev et Václav Klaus,  photo: Štěpánka Budková
Il a souvent été reproché à la République tchèque de ne pas parler d’une seule voix en matière de politique étrangère. Y a-t-il eu une évolution dans ce domaine avec les changements de président et de gouvernement depuis l’année dernière ?

« Il y a eu un certain changement mais il y a un phénomène assez constant sur la scène politique tchèque, que ce soit avec M. Havel ou M. Klaus : les efforts des présidents pour faire du Château de Prague – siège de la présidence - un centre indépendant pour la politique étrangère, un centre surtout indépendant du ministère des Affaires étrangères. »

Lors de la conférence organisée en avril dernier pour fêter les cinq ans du lancement du partenariat oriental de l’UE en 2009 à Prague, le président Zeman avait offert les services de la République tchèque en tant que pays médiateur entre Moscou et Washington sur la question ukrainienne. Est-ce un vœu pieu ou la République tchèque peut-elle vraiment être considérée comme neutre et apte à jouer un rôle d’intermédiaire selon vous ?

Miloš Zeman,  photo:  Filip Jandourek,  ČRo
« Les efforts du président Zeman et de son conseiller diplomatique Hynek Kmoníček sont louables mais je reste quand même un peu sceptique : l’Ukraine est un pays très compliqué, avec un fardeau historique et beaucoup de réminiscences de l’histoire. Un pays incomparablement plus violent que la politique entre Tchèques et Slovaques. Le divorce de velours, souvent cité en exemple, n’était possible qu’entre Tchèques et Slovaques et ne peut être transposé dans les affaires inter-ukrainiennes ou les relations entre l’Ukraine et la Fédération russe. »