Au début de l'affaire des caricatures du Prophète publiées par un journal danois, on aurait pu penser que la République tchèque ne serait pas directement concernée. Il n'en est pas ainsi, car certains quotidiens ont publié les reproductions de ces caricatures pour illustrer leurs articles sur cette affaire, ce qui a déclanché une vive réaction dans certains pays musulmans, même au plus haut niveau.
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Ainsi donc, le ministère des Affaires étrangères du Pakistan a convoqué les chefs des missions diplomatiques des pays dans lesquels les caricatures ont été publiées, parmi lesquels l'ambassadeur tchèque Alexandr Langer. Selon lui, le sujet de l'entretien était de déterminer si la liberté d'expression donne le droit d'offenser les sentiments religieux. A propos d'une excuse demandée par les autorités pakistanaises, Alexandr Langer a déclaré que la République tchèque ne pouvait pas s'excuser de pratiquer la liberté d'expression. Le ministère des Affaires étrangères tchèque, en réaction aux attaques perpétrées contre les ambassades de certains pays européens dans le monde arabe, a renforcé les mesures de sécurité à la représentation diplomatique tchèque à Ramallah, dans les territoires autonomes palestiniens. D'après le porte-parole de la diplomatie tchèque, les mesures de sécurité dans certaines représentations diplomatiques avaient déjà été renforcées auparavant et n'ont donc rien à voir avec les événements des derniers jours.
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En Tchéquie, les autorités n'ont pas de signaux sur d'éventuelles attaques contre les ambassades du Danemark ou d'autres pays concernés, et les opinions sur la publication des caricatures du Prophète sont partagées. Dans le quotidien Mlada fronta Dnes, Vladimir Jiranek, un célèbre caricaturiste, affirme qu'il ne dessinerait pas de telles caricatures car les sujets ne lui manquent pas, alors qu'un autre auteur de dessins satyriques, Stepan Mares, ne voit pas pourquoi on ne pourrait pas caricaturer qui que ce soit et quoi que ce soit. Karel Hvizdala, journaliste renommé, affirme que la caricature est une tradition européenne et que la liberté d'expression est une valeur des plus importantes. Dans les milieux ecclésiastiques, on est beaucoup plus réservé. L'archevêque de Prague, le cardinal Miloslav Vlk, s'est également exprimé sur ce sujet:
Le cardinal Miloslav Vlk
« Nous, les représentants de la culture occidentale, nous ne comprenons pas ce qu'est la liberté. Nous la croyons sans bornes et nous sommes persuadés qu'elle ne nous oblige pas à respecter les droits et les sentiments des autres. Dans notre espace culturel, il est devenu normal de déshonorer la conviction religieuse des autres. Cela ne concerne pas seulement le Prophète, mais aussi le Christ. Nous, les chrétiens, nous avons accepté cette fausse image de la liberté et nous ne nous défendons plus, à la différence des musulmans, qui, eux, ne sont pas influencés par notre culture séculaire. Ils ont un sens sain des valeurs religieuses et savent les défendre, mais avec force et agressivité. La culture orientale est différente de la nôtre. Les musulmans n'ont pas d'expérience « occidentale » des droits humains, c'est à dire qu'ils demandent le respect de leurs propres valeurs, mais ne respectent pas les valeurs des autres. »
Lukas Lhotan est Tchèque et musulman :
« A vrai dire, en voyant ces caricatures, on se sent indignés et un peu frustrés. Mais étant donné qu'en Europe il est tout à fait normal de caricaturer quoique ce soit, même des symboles religieux et vu que c'est légitime... cela n'a rien d'exceptionnel pour moi. »
Est-ce la position de la majorité des musulmans tchèques ? Lukas Lhotan :
« Cela dépend de si l'on parle des immigrés musulmans, de ceux qui viennent des pays non-européens, ou des musulmans européens. La réaction des musulmans nés en dehors de l'Europe est évidemment plus émotive. Personnellement, je reproche aux représentants de la communauté musulmane au Danemark de faire du bruit autour de ces caricatures dans les pays arabes, alors qu'ils connaissent la mentalité locale. Au Danemark, des dessins de ce genre avaient déjà été publiés auparavant et il ne s'était rien passé. Il n'y avait donc aucune raison de faire de cette affaire un conflit global. »