Les Chemins du Parnasse
Les cafés et les brasseries de Prague ont joué un grand rôle dans la culture tchèque. C'est dans la fumée d'innombrables cigarettes, cigares et pipes que naissaient de nouvelles inspirations et de grands projets artistiques. C'est autour des tables tâchées de boissons que se formaient des cénacles et des mouvements artistiques. L'exposition intitulée « Les Chemins du Parnasse », que les Pragois peuvent voir actuellement au château de Hvezda dans le VIe arrondissement de leur ville, retrace ce chapitre important de la vie culturelle tchèque abondamment arrosée de café et de bière.
« Nous avons eu l'idée de faire cette exposition il y a six ans. Nous avons voulu montrer les collections des archives littéraires et de l'ensemble du Musée de la littérature nationale dans un contexte un peu différent, démontrer quelles richesses se cachaient dans le Musée. Il y a énormément de documents qui n'ont jamais été exposés ou n'ont été exposés qu'au XIXe siècle, et aujourd'hui sont oubliés. »
La belle architecture Renaissance du petit château de Hvezda bâti sur un plan en forme d'étoile à cinq branches abrite donc aujourd'hui un choix de documents qui font revivre plusieurs étapes fructueuses de la culture tchèque. Dans les salles et les galeries richement ornées de stuc, le visiteur est invité à plonger dans la vie de ceux pour lesquels les cafés et les brasseries étaient les portes du Parnasse. Deux salles du château sont réservées aux salons littéraires tchèques des XIXe et XXe siècles, créés selon la mode parisienne souvent par des femmes de lettres connues. Les habitués des salons étaient des gens distingués qui discutaient de l'art en buvant du thé. Parmi les salons il y avait une certaine rivalité. Les poètes qui osaient fréquenter plusieurs salons, provoquaient souvent une forte désapprobation. Trois salles et un couloir sont réservés aux cafés et tavernes littéraires. Vera Dykova qui a préparé l'exposition avec Yvetta Dörflova rappelle le rôle de l'élément allemand dans la vie culturelle pragoise :« Nous avons réservé une galerie du château aux Allemands de Prague qui se rencontraient beaucoup dans ces établissements, notamment dans les cafés Arco ou Continental, cafés très importants pour la vie littéraire. Ce qu'il y a d'intéressant dans ce contexte, ce sont les dessins d'Adolf Hoffmeister qui brossait les portraits des écrivains fréquentant ces tavernes. »
Beaucoup de ces établissements ont été fermés et sont tombés dans l'oubli. D'autres existent encore, mais leur clientèle est tout à fait différente. D'autres encore, comme le café Slavia en face du Théâtre national, renaissent toujours de leurs cendres. On n'en finit pas de se raconter des anecdotes sur leurs clients célèbres, anecdotes qui, avec le temps, deviennent légendes. Vera Dykova évoque l'atmosphère d'une vieille brasserie dans le quartier de Mala Strana :
« La plus intéressante, sinon la plus importante, a été sans doute l'auberge « U Tomase ( Saint Thomas ) » qui est d'ailleurs le thème principal de notre exposition. On y voit les livres de mémoires et de souvenirs que les habitués de cette auberge ont créés et qu'ils appelaient « cancbuch ». (...) Le personnage central du cénacle qui siégeait dans cette brasserie, « Mahabharata de Saint Thomas », était l'écrivain Jakub Arbes autour duquel se réunissaient de jeunes écrivains. La brasserie « U Fleku » était surtout le lieu de rencontre de peintres dont Karel Stapfer, Ladislav Novak, etc. Je sais que Jaroslav Hasek fréquentait, entre autres, le café Union. Il s'adressait aux autres clients en leur demandant de lui donner des thèmes ou il choisissait par hasard un mot dans un dictionnaire. Et c'est en s'inspirant de ce mot qu'il était capable d'écrire dans un temps très court, parfois en quelques heures, un conte. Et le soir même, il courrait à la rédaction de son journal pour faire imprimer son conte et pouvoir payer ses bières. Notre exposition s'achève symboliquement par le départ de l'écrivain Bohumil Hrabal de la brasserie « Au tigre d'or ». C'est documenté par une photo assez connue, une des dernières de l'écrivain. D'ailleurs Bohumil Hrabal disait souvent: L'auberge est la Sorbonne.»
Je vous ai invité à l'exposition « Les Chemins du Parnasse » qui évoque les cafés et les brasseries littéraires tchèques. Elle sera ouverte jusqu'au 28 octobre.