The Globe face au Covid-19 : la fin d’une aventure de 27 ans ?
The Globe, un des derniers commerces à avoir ouvert juste après la révolution de 1989, est menacé de fermer ses portes. Après 27 ans d’existence, les répercussions de la crise du coronavirus pourraient bien mettre un terme à cette aventure commencée en 1993. A cette époque, The Globe était la seule librairie anglaise de Prague et s’était établie dans le quartier de Holešovice. C’est en 2000 qu’elle a transféré ses bibliothèques dans la rue Pštrossova, dans le Ier arrondissement de Prague, avant d’y ouvrir un café comme seconde activité.
C’est un coup de massue pour la communauté des expatriés à Prague. L’emblématique café-librairie The Globe pourrait se voir contraint à fermer définitivement ses portes suite aux nouvelles restrictions imposées par le gouvernement tchèque concernant les bars, restaurants et cafés.
La situation ne pouvait pas être pire pour l’établissement depuis la perte de l’une de ses principales sources de clientèle. Située de l’autre côté de la rue, la Prague Film School a vu son nombre d’étudiants réduit drastiquement, autant de potentiels clients perdus. Le café représente la majeure source de revenus pour The Globe et voilà qu’il se trouve obligé de fermer à nouveau ses portes suite au durcissement des mesures sanitaires récemment décidées par le gouvernement. La situation est critique pour Tomáš Soták, le directeur général de l’établissement :
« La librairie représente 20% de notre revenu et les 80% restants proviennent du café. Les livres ne sont pas une activité très lucrative et plus particulièrement si c’est une petite librairie indépendante. Nous ne sommes pas là pour faire de gros bénéfices, nous sommes plus un lieu de sociabilité pour les expatriés ainsi qu’un lieu où nous partageons notre amour pour les livres et la littérature. Maintenant notre seule source de revenus vient de la librairie et nous ne serons pas en mesure de couvrir les charges salariales. Malgré tout cela, nous sommes présents et nous continuons à ouvrir nos portes, même si c’est pour accueillir quatre personnes en une journée. En résumé, nous sommes en très mauvaise situation financièrement. »
Certains expatriés ont fait le choix de rentrer dans leur pays d’origine, la faute au confinement, mais la grande majorité de la communauté est toujours présente à Prague et apporte son soutien au café-librairie sur les réseaux sociaux en réponse à son appel à l’aide.
Les différents quartiers de Prague et leurs commerces respectifs ne sont pas égaux face à la crise. Prague 1, arrondissement le plus touristique, est le plus touché contrairement à celui de Vinhorady dans le IIe arrondissement. La raison est encore et toujours la même : la chute du nombre de touristes. A cela s’ajoute également le fait que les expatriés, majeure partie de la clientèle du Globe n’est guère sortie du fait du climat incertain lié à la situation sanitaire. Or, depuis les annonces du gouvernement, une reprise progressive et pérenne de l’activité semble compromise.
« Notre clientèle ne repose pas uniquement sur les touristes et étrangers venant pour quelques jours. Les expatriés représentent le gros de nos clients. On a aussi vu notre clientèle tchèque augmenter ces derniers mois. Les gens viennent jeter un œil à notre café-librairie mais ils ne sont pas du voisinage. Ils viennent le temps d’une soirée pour boire un verre mais il ne faut pas s’attendre à les voir deux fois par semaine. Ils retournent ensuite dans leurs quartiers respectifs où les commerces sont vivants. A Prague 1, de nombreuses maisons et appartements sont complètement vides dorénavant car ce sont tous des AirBnB. Prague 1 a été complètement détruit par AirBnb et par le fait que nous n’avons pas de locaux qui y habitent. »
La première vague de l’épidémie a été très dure pour The Globe qui a réussi à faire face en puisant dans son épargne pour continuer à payer ses employés. Tomáš Soták est venu tous les jours pour effectuer des travaux, repeindre les murs et plafonds du café pour se préparer à la saison estivale et accueillir les clients comme il se doit.
Quant à la deuxième vague, ce dernier estime qu’elle aurait pu être évitée ou mieux maîtrisée si des mesures plus strictes avaient étaient imposées durant l’été par le gouvernement. La fermeture des bars, cafés et restaurants depuis peu suscite toujours son incompréhension Malgré tous ces efforts pour assurer la sécurité de ses clients, l’établissement est sur le fil du rasoir.
Tomáš Soták se montre sceptique à propos de l’annonce de la réouverture des établissements le 3 novembre prochain. Pour lui, le gouvernement a complètement oublié de compartimenter le secteur de la restauration et de prendre la décision de fermer tel ou tel groupe en fonction de son risque à diffuser l’épidémie de Covid-19.
« Les établissements ne sont pas identiques et il faudrait les répartir en au moins quatre groupes différents : les boîtes de nuit, les cafés, les pubs et les bars à cocktails. »
« Le gouvernement aurait dû prendre la décision de séparer les établissements potentiellement à risque de ceux en ayant un si bas qu’ils seraient en mesure d’ouvrir leurs portes. Jusqu’ici, nous avons traversé cette période sans être touchés par le Covid-19 en tant que virus mais nous avons été complètement anéantis par les répercussions économiques et financières issues des restrictions. »
La probabilité de percevoir une aide financière de l’Etat est quasi nulle pour le café-librairie de la rue Pštrossova. Parce que son propriétaire est américain et ne possède pas de résidence permanente en République tchèque, les options ne sont pas les mêmes que pour les autres commerces.
« Ce n’est pas le fait de ne rien percevoir de la part de l’Etat qui nous tue mais le fait que le gouvernement continue de nous demander de l’argent et nous empêche de le gagner. »
« Le gouvernement doit faire preuve d’ouverture, de rapidité et faire en sorte de donner de l’argent à ceux qui en ont vraiment besoin. »
Pour essayer de garder la tête hors de l’eau, l’équipe du café-librairie a fait le choix d’ouvrir une cagnotte en ligne. Pour Tomáš Soták, le plus simple reste de venir acheter un livre, de prendre un café ou de commander de la nourriture à emporter et de soutenir moralement les employés en venant leur parler.
« J’ai une théorie selon laquelle presque tous les expatriés sachant parler anglais ont été touchés, d’une manière ou d’une autre, par le Globe. C’est aussi ce que j’essaie de souligner aujourd’hui du fait que le Globe a été très sévèrement touché par la crise. Nous nous battons pour notre survie. Cet endroit iconique a toujours été là pour les expatriés à Prague durant ses 27 années d’existence. Nous avons toujours partagé notre amour et nous avons maintenant besoin que vous témoigniez du vôtre. »